Durabilité pour les marchés de masse

1.7.2013
Article global
Le 1er mai 2013, le Conseil fédéral a avalisé un crédit de 30 millions de francs sur quatre ans pour un partenariat stratégique entre le Seco et une fondation hollandaise pour le commerce durable (IDH).

Le but est d’inciter des multinationales comme Nestlé, Adidas, Ikea, Cargill ou Unilever à recourir davantage à des matières premières produites de manière écologique et sociale. Une initiative non sans risques.

Le Secrétariat d’Etat à l’économie (Seco) soutient depuis longtemps la mise sur pied de filières commerciales de coton, café, cacao, bois ou soja produits de manière équitable et biologique. Il s’engage aussi dans le développement de normes de certification. Il n’a cependant jamais mis autant la main à la poche dans la collaboration avec des organisations non gouvernementales (ONG) suisses et le commerce de détail. IDH encourage au plan mondial des multinationales à se fixer de manière volontaire des objectifs de développement durable, comme la réduction de l’usage de pesticides et d’engrais ou la protection des nappes phréatiques par des méthodes d’irrigation douces. De tels programmes vont être financés jusqu’à 50 pour cent par des fonds d’aide au développement. Le but est de conquérir les marchés de masse avec des produits
« durables », de promouvoir à grande échelle dans les pays en développement des méthodes de production qui ménagent les ressources, contribuant ainsi à lutter contre l’extrême pauvreté des petits paysans.

Risques de dérapage

Selon Joost Oorthuizen, directeur d’IDH, le concept de « durabilité » n’a à dessein pas été défini de manière précise. IDH se contente d’offrir une plateforme aux entreprises qui désirent répondre à la demande croissante de biens produits de manière équitable et respectueuse de l’environnement. C’est à elles de décider des standards auxquels elles entendent obéir ensemble. Il n’y a pas de critères minimaux pour participer à l’initiative. Selon IDH, plutôt que de placer la barre trop haut, il importe aujourd’hui d’offrir l’accès à des vertes prairies aussi aux moutons noirs.

A cause de cela, IDH a eu une mauvaise presse à plusieurs reprises déjà. En 2012, des ONG hollandaises ont dénoncé les activités d’entreprises au Congo qui, malgré la participation au programme d’IDH, étaient impliquées dans l’exploitation illégale de bois. Cette année, l’indignation est montée d’un cran lorsque le groupe électronique d’IDH a annoncé qu’il accueillait Foxconn. En tantque fournisseur d’Apple, Dell et HP, la société taïwanaise a fait les gros titres par des conditions de travail inhumaines en Chine, des salaires bas et des suicides dans ses fabriques. IDH prend donc de gros risques avec le choix de ses partenaires. Des risques qui peuvent éclabousser l’image des Etats bailleurs de fonds et des ONG impliquées, quand des dérapages sont découverts trop tard ou quand ils ne sont pas corrigés assez tôt.

Renforcement de la surveillance

Alliance Sud salue la volonté du Seco de déléguer une représentation d’ONG suisses dans l’Impact Committee d’IDH, une forme de comité de contrôle de qualité. Cela devrait permettre d’injecter dans le partenariat avec IDH l’expérience acquise avec des labels de haute qualité. Une manière également d’éviter le greenwashing et l’arrivée sur le marché suisse de produits estampillés avec des labels au rabais et pseudo-durables. L’enjeu est de garantir que ce partenariat ne mettra pas en question le savoir-faire développé au Sud avec des communautés de production ni la sensibilisation des consommateurs pour des relations commerciales équitables. De plus, en collaboration étroite avec l’opinion publique critique en Europe et les groupes directement concernés dans les pays fournisseurs de matières premières, les ONG entendent surveiller les programmes d’IDH et contribuer à acquérir de nouvelles connaissances pour le renforcement et la diffusion de relations commerciales solidaires et équitables.