Communiqué de presse d’Alliance Sud du 16 décembre 2020
Pour le 30e anniversaire du fameux Rapport sur le développement humain (RDH), le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) se penche sur la question de savoir ce qu’il faut vraiment entreprendre pour que le développement humain devienne une réalité pour tous et toutes. Les nouveaux indicateurs tiennent désormais compte des pressions sur l’environnement et de la consommation de ressources au niveau national, mais n'engagent pas assez la responsabilité des pays intriqués dans l'économie mondiale comme la Suisse.
Le PNUD a présenté hier soir un nouvel indice de développement humain « ajusté aux pressions planétaires » (IDHP ; planetary pressures-adjusted human development index – PHDI), comblant ainsi le fossé entre la pauvreté et les inégalités, d'une part, et la consommation de ressources et l’impact environnemental, d'autre part. Car – selon le programme des Nations Unies lors du lancement du dernier rapport –, à l'aube de l'Anthropocène, ce n'est plus la planète qui façonne les êtres humains, mais les êtres humains qui façonnent la planète « pour la première fois depuis 300 000 ans ». La crise climatique, les changements démographiques, l'urbanisation, la pandémie et l'émergence des technologies numériques et des inégalités sont les défis croissants à relever pour notre époque.
Nécessité d’élargir les paramètres de mesure
L'IDH est constitué de données sur le niveau de vie (revenu par habitant), la santé et l'espérance de vie, ainsi que sur le niveau d'éducation de la population. Pour prendre en compte le « développement humain dans l'Anthropocène », le nouvel indice ajusté à la planète inclut des critères écologiques en plus des critères économiques et sociaux. Ainsi, dans le rapport qui vient de paraître, l'IDH est complété par des données sur la consommation de ressources (consommation d'eau, déforestation, empreinte matérielle) et la pression environnementale (émissions de CO2 et utilisation d'azote). L’indicateur des émissions de CO2 par habitant, en particulier, ne se rapporte toutefois qu’aux émissions au niveau national.
Selon l'Office fédéral de la statistique, ces émissions liées à la production ne représentent qu'un tiers des émissions totales de la Suisse. « Cela donne une image faussée de l'impact environnemental réel de notre pays et de nombreux pays occidentaux, qui externalisent une grande partie de leurs coûts écologiques », explique Jürg Staudenmann, spécialiste de la politique climatique et environnementale auprès d’Alliance Sud et ancien collaborateur du PNUD. « Parce qu'ils ont externalisé une grande partie de la production de leurs biens de consommation vers les pays en développement et émergents, les émissions qui en résultent n'entrent pas dans leur inventaire national des gaz à effet de serre. »
Le deuxième sous-indicateur de l'IDHP, l'empreinte matérielle, donne également une image un peu déformée même s’il vise à fournir une mesure de l'utilisation des ressources par rapport à la consommation finale. Il est calculé à partir des importations plus la production nationale moins les exportations de matières premières. Précisément dans de tels cas, les pays pauvres en ressources comme la Suisse s'en tirent à bon compte malgré une consommation élevée, car la transfor¬mation des matières premières en biens de consommation importés n'a pas lieu sur le territoire national.
Pas de quoi se vanter pour la Suisse
Des pays comme la Suisse, qui ont une part disproportionnée de biens de consommation importés par rapport aux biens de consommation produits localement, s'en sortent beaucoup mieux avec cette méthode de mesure que les pays où ces biens sont produits. Cela explique pourquoi la Suisse figure toujours à la deuxième place du classement ajusté du PNUD, malgré l'ajustement de l’IDH aux dimensions écologiques.
« Fondé sur la transformation des matières premières et les émissions domestiques, le nouvel indice ne donne donc qu'une image partielle de la « charge planétaire » et ne devrait pas décharger de leur responsabilité la Suisse et les autres pays occidentaux dont l'industrie lourde est largement externalisée. Ces pays continuent de causer une grande partie des problèmes planétaires auxquels l'humanité est confrontée aujourd'hui », affirme Kristina Lanz, responsable de la politique de développement auprès d’Alliance Sud.
Pour plus d’informations :
Kristina Lanz, chargée de la politique de développement, Alliance Sud, tél. 076 295 47 46
Jürg Staudenmann, chargé de la politique climatique et environnementale, Alliance Sud, tél. 079 152 41 72
Marco Fähndrich, médias et communication, Alliance Sud, tél. 079 374 59 73