Après la crise du coronavirus, la Suisse et son économie florissante retrouvent progressivement le chemin vers la normalité. Il s’agira de voir dans quelle mesure la « nouvelle normalité » va différer de l’ancienne, mais nous pouvons de nouveau flâner et nous retournerons bientôt aux urnes. Conduire l'économie suisse à travers les mesures de confinement sans subir de trop grands préjudices a coûté cher à la Confédération. Les mesures de compensation ont probablement amené notre pays à contracter au moins 30 milliards de francs de nouvelles dettes. Une somme rondelette, même si elle ne représente qu'environ 4,5 % du produit intérieur brut. L’addition des produits nationaux des sept pays en développement les plus pauvres donne un chiffre inférieur. Même les quelque 2,8 milliards de francs par an que le Conseil fédéral entend consacrer à la coopération au développement au cours des quatre prochaines années sont assez modestes.
Dans de nombreux pays en développement, la pandémie vient à peine d'atteindre son pic, dans d'autres, elle continue à se propager rapidement. Son épicentre se trouvait en Amérique latine à la fin du mois de mai. Début juin, le Brésil signalait près de 30 000 nouvelles infections par jour, le Mexique environ 4 000. Au Nicaragua et en Haïti, un pays parmi les plus pauvres, davantage de nouveaux cas ont été signalés chaque jour. Il est regrettable que le Conseil fédéral entende abandonner la coopération bilatérale suisse au développement en Amérique latine au cours des quatre prochaines années.
Même les pays où le nombre de cas est resté faible sont aujourd’hui aux prises avec un recul des investissements étrangers, du tourisme et des envois de fonds des migrants et avec une chute drastique des prix des matières premières. Ils sont de plus confrontés à des pertes à l'exportation et à une fuite des capitaux aux proportions historiques. Les couches les plus pauvres de la population, qui doivent vivre au jour le jour même en temps dit normal, ont basculé dans la faim et la misère suite au verrouillage brutal de l'économie. Le Fonds monétaire international estime que la crise va plonger jusqu'à 60 millions de personnes de plus dans l'extrême pauvreté sur la planète. Quant au nombre de personnes sous-alimentées, il devrait augmenter de 80 millions au plus. Il est inquiétant aussi qu’en raison des mesures de confinement prises, on entende moins les voix de la société civile qui défendent les droits humains, la protection de l'environnement et une répartition équitable des revenus, ou qui dénoncent la corruption. Les régimes autoritaires abusent délibérément des mesures de protection contre la pandémie pour réprimer les forces politiques progressistes. Les organisations internationales de défense des droits humains font état d'un nombre alarmant de violations de la liberté de la presse et d'attaques contre des militants.
La pandémie de coronavirus n'est pas seulement un défi sanitaire et humanitaire qui fera date. Elle entraînera aussi une crise économique, politique et sociale durable dans nombre de pays en développement. La solidarité internationale est plus que jamais nécessaire.