Selon le Business and Human Rights Center, 572 attaques contre des défenseurs des droits de l'homme et des militants écologistes ont été enregistrées rien qu'en 2019 dans le cadre des activités des entreprises. Un tiers environ impliquaient des femmes. Ces attaques allaient du licenciement immédiat, comme au Bangladesch où 12 000 travailleuses du textile ont été licenciées après des manifestations, à l'intimidation, à la violence policière et au meurtre. Dans la grande majorité des cas, cette répression n'a eu aucune suite pour ses auteurs, le gouvernement et les entreprises s’étant associés au nom du « développement ». Les personnes qui se dressent contre l’accaparement des terres, l'empoisonnement des rivières ou la destruction de leurs moyens de subsistance sont souvent globalement désignées d’ennemies du développement par les gouvernements et les entreprises concernées.
Les banques de développement sont fréquemment impliquées dans le financement de ces activités. Un rapport de la Coalition pour les droits humains dans le développement (Coalition for Human Rights in Development) analyse le rôle des banques de développement dans 25 projets d'infrastructure et de développement qui ont donné lieu à une répression massive. Parmi les projets analysés, onze incluaient un financement de la Société financière internationale (SFI) et six étaient financés par d'autres sous-organisations de la Banque mondiale. Les études de cas englobent notamment la répression par la police sud-africaine d’une grève menée dans une société minière financée par la SFI en 2012, connue sous le nom de massacre de Marikana. Elle a fait 34 morts et elle est considérée comme la plus sanglante action violente d'un gouvernement sud-africain depuis 1960. D’autres cas analysés sont par exemple le meurtre en 2016 de Gloria Capitan, qui s’élevait contre la grave pollution atmosphérique causée par les projets d’investissement dans le charbon financés par la SFI aux Philippines, ou encore l'emprisonnement du pasteur Omot Agwa, qui avait soutenu le peuple indigène Anuak d'Ethiopie dans sa plainte pour déplacement visant la Banque mondiale. Le rapport conclut que les banques de développement ne font généralement rien pour lutter contre la répression liée aux projets qu'elles financent. Les réactions arrivent trop tardivement et sont trop timides, les militants concernés sont rarement indemnisés et restent exposés sans protection à une répression accrue. Souvent, les gouvernements et les entreprises impliqués dans des violations des droits humains continuent à recevoir des fonds des banques de développement, même après que les mesures de répression et de rétorsion sont devenues publiques.
Ces dernières années, les droits de la société civile ont été encore davantage restreints dans nombre de pays, ce qui rend de plus en plus difficile et dangereux pour des militants de s’opposer à la politique de leur gouvernement ou à des prétendus projets de développement. Les mesures prises pour lutter contre l'actuelle pandémie de coronavirus accentuent encore cette tendance dans de nombreux pays. Il est donc d'autant plus crucial que les entreprises, les investisseurs et les banques de développement combattent cette évolution, impliquent dès le début la population concernée dans leurs projets et s'engagent clairement en faveur de la protection des droits humains. En mars 2020 pourtant, un groupe de 176 investisseurs internationaux gérant une fortune de plus de 4 500 milliards de dollars a écrit une lettre ouverte aux 95 entreprises affichant les pires résultats en matière de devoir de diligence dans le domaine des droits humains, les exhortant à assumer leurs responsabilités. En parallèle, la Banque mondiale a publié une déclaration contre des mesures de rétorsion.
Les belles paroles ne suffisent pas pour autant : le concept de développement doit faire l'objet d'un débat critique ouvert à des modèles de développement alternatifs qui s'écartent du modèle de croissance néolibéral à forte intensité de ressources. L'Agenda 2030 des Nations Unies peut ici servir de base de référence : il offre une vision holistique du développement selon laquelle tous - pays riches et pays pauvres - sont appelés à réduire les inégalités et à promouvoir la durabilité environnementale, sociale et économique ; et en vertu du principe de ne laisser personne pour compte (leave no-one behind), le développement doit mettre l’accent sur les besoins des couches les plus pauvres et les plus marginalisées de la population.