La boule de démolition américaine et la Suisse

Le silence dans la tempête

20.03.2025, Coopération internationale

Le démantèlement de l'engagement global des Etats-Unis doit préoccuper la Suisse, écrit Andreas Missbach. Les conséquences pour le multilatéralisme et la coopération au développement, et donc surtout pour les pays les plus pauvres, sont graves. Dans ce contexte, le Conseil fédéral ne doit pas miser sur le business as usual.

Le silence dans la tempête

Les Etats-Unis se retirent, les bouleversements mondiaux sont immenses. A Berne, le Conseil fédéral s’est tu et l’indignation du monde politique ne s’est pas manifestée. © Keystone / Anthony Anex

Selon le Financial Times, « à part la révolution culturelle chinoise, il n’y a que peu de parallèles dans l'histoire avec l'attaque contre l'Etat du soi-disant département de l’efficacité gouvernementale ». Face à la mainmise sur le pouvoir aux Etats-Unis, les comparaisons appropriées font défaut. Et parfois même les mots. Tentons la référence à la culture pop : « I came in like a wrecking ball » (Miley Cyrus).

Il serait vain d'essayer de dresser un inventaire de tout ce qui a été réduit en miettes par cette boule de démolition (wrecking ball). Attardons-nous donc sur un sujet peu abordé en Suisse, même s’il peut avoir de grandes répercussions dans notre pays : la suspension du « Foreign Corrupt Practices Act », la législation américaine visant à lutter contre la corruption. Sans cette législation, nous ne saurions pas ce que signifie l'expression « argent liquide à Baar » ! En fait, jusqu’en 2016, le siège de Glencore à Baar proposait un guichet où le personnel pouvait récupérer les pots-de-vin. Et c'est grâce à l’application du « Foreign Corrupt Practices Act » que Glencore a dû s’acquitter d’une amende de plus de 1,1 milliard de dollars après avoir reconnu sa culpabilité. Si le « nouveau shérif en ville » ne brandit plus cette menace, la tentation est grande de revenir à des pratiques qui ont fait leurs preuves dans le commerce des matières premières. Avec des conséquences désastreuses pour les pays les plus pauvres et leurs populations.

Politique étrangère d'hier et « business as usual »

Pour rester dans la culture pop : on peut dire qu’en Suisse règne « le silence des agneaux » (film de Jonathan Demme). Ou plutôt des sept agneaux. Il a fallu attendre près de deux mois avant d'avoir des nouvelles de Berne : « Le Conseil fédéral prend la situation géopolitique au sérieux », mais « la politique étrangère helvétique n'a pas changé », a-t-on ajouté aussitôt. Selon les médias, le Conseil fédéral disposait d'un document de discussion qui traitait également du retrait des Etats-Unis de l'OMS, du Conseil des droits de l'homme des Nations unies et de l'accord de Paris sur le climat ; les conséquences du gel des paiements de l'USAID y auraient été également abordées. Mais pas un mot à ce sujet dans la communication officielle. Au lieu de cela, le Conseil fédéral fait comme si de rien n'était et tente la variante suisse de « l’art de la négociation » : « La stratégie de la Suisse doit être d'avoir les portes ouvertes à l'UE, aux Etats-Unis et à la Chine » (Helene Budliger Artieda, secrétaire d'Etat du SECO).

Le démantèlement de la plus grande agence de développement du monde est un ouragan dans les pays du Sud global et reste une tempête en Suisse. Et l'indignation des politiques alors ? Des projets vitaux d'une organisation suisse de développement, d'un montant de 100 millions de francs, ne peuvent plus être poursuivis. Rien ne sera plus comme avant : « Si c'est le début de la fin de l'aide au développement, nous devrions nous concentrer sur le changement structurel », avertit Heba Aly, ancienne directrice canado-égyptienne du portail en ligne The New Humanitarian. « Une politique commerciale, fiscale et de la dette plus juste peut lutter contre les causes de l'inégalité. » C'est de cela qu'il s'agit maintenant. Et pour la Suisse, cela signifie tout sauf « business as usual ».

Global Logo

global

Le magazine d'Alliance Sud analyse et commente la politique étrangère et de développement de la Suisse. « global » paraît quatre fois par an et l'abonnement est gratuit.

LIGNES DIRECTRICES NORD-SUD

Un regard visionnaire sur le passé

25.03.2025, Coopération internationale

Les gouvernements de droite coupent dans leurs budgets de développement, mettant ainsi en péril la coopération internationale et le multilatéralisme. La Suisse ne fait pas exception. Un bref retour dans les archives montre qu'il y a trente ans, des idées progressistes circulaient encore au sein de la Berne fédérale.

Laura Ebneter
Laura Ebneter

Experte en coopération internationale

Un regard visionnaire sur le passé

L’atmosphère de renouveau du Sommet de la Terre de 1992 a gagné la société civile et la Suisse officielle : des protestataires au Sommet de Rio, au Brésil. © Dylan Garcia Travel Images / Alamy Stock Photo

Les mots anglais « peak aid » ou « post-aid world » sont sur toutes les lèvres lorsqu'il est question de l'état actuel de la coopération au développement. La faim, la pauvreté et la crise climatique progressent, et la réponse des pays du Nord est le repli sur soi, le réarmement et les guerres commerciales. Au bout du compte, tout le monde est perdant. Pourtant, il existe d'autres approches qui favorisent le développement durable dans les pays du Sud global. En Suisse, ces dernières avaient même réussi jadis à rallier une majorité. Le moment est venu de se rappeler des idées visionnaires du passé. Nous avons interrogé les « Lignes directrices Nord-Sud » du Conseil fédéral qui ont 31 ans. Toutes les réponses sont des citations tirées de ces lignes directrices de 1994.

Tenue en 1992 à Rio de Janeiro, la Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement a marqué un tournant dans la politique environnementale internationale. Pourquoi cette conférence était-elle si cruciale ?

La Conférence de Rio a montré à un vaste public la globalisation des problèmes de notre environnement naturel. Les pays en développement y jouent un rôle important. Ils détiennent une grande partie des ressources naturelles et sont bien plus menacés que les pays industrialisés par les conséquences de la désertification, l'élévation du niveau de la mer ou les changements climatiques. La pauvreté, l'industrialisation et la croissance démographique portent une atteinte supplémentaire à l'environnement. En outre, il est admis qu'une généralisation du mode de vie occidental actuel n'est en principe plus concevable écologiquement.

La Suisse a élaboré des Lignes directrices Nord-Sud dans ce contexte. Quel est le message clé de ces lignes directrices ?

Les lignes directrices exposent les problèmes principaux d'une politique de développement à l'heure actuelle. Elles en montrent les conséquences et les champs d'action et établissent les principes directeurs que suivra à l'avenir une politique suisse de développement. Ce n'est plus seulement la coopération au développement qui est concernée, mais bien l'ensemble des relations de la Suisse avec les pays en développement.

De quoi s’agit-il précisément ?

Les dichotomies traditionnelles entre politique de l'environnement et politique économique, entre politique économique et politique des migrations, entre politique commerciale et politique de coopération au développement, entre politique intérieure et politique extérieure ne permettent plus de répondre aux problèmes actuels. Ce qu'il faut, c'est « une politique cohérente envers le Sud ». Formuler une telle politique revient à montrer les contradictions éventuelles entre des intérêts nationaux à court terme et les buts de la politique suisse de développement, puis à les intégrer, de façon aussi transparente que possible, dans les processus de décisions politiques. Une telle politique ne peut être mise en œuvre que si la population suisse réalise que notre prospérité dépend à long terme du destin du Sud.

D'aucuns diraient : « La Suisse a suffisamment de problèmes. Nous devrions d'abord veiller au bien-être de notre propre population. » Que répondez-vous à cela ?

Il n'est pas question d'abandonner les intérêts suisses. Cependant, dans un monde que caractérisent l'interdépendance et la mutation, nous devons en permanence, dans une perspective à long terme et globalement, redéfinir les intérêts afin de mieux les préserver et déterminer les actions qui en découlent afin de mieux les conduire.

Est-ce que la coopération au développement devient obsolète dès lors qu'il existe une politique de développement cohérente ?

Avant d'atteindre une croissance économique durable, les pays les plus pauvres dépendront longtemps encore de l'aide extérieure. Dans nombre de domaines, les ressources humaines et financières leur manquent. Les pays à revenu moyen ont également besoin de notre soutien pour améliorer leurs infrastructures économiques et sociales et pour protéger efficacement leur environnement. Notre aide publique au développement doit donc encore augmenter quantitativement et qualitativement.

Merci beaucoup pour cet entretien. Nous espérons vivement que notre Conseil fédéral prendra connaissance de ces idées du passé et réalisera que les problèmes urgents du présent ne peuvent être résolus que par une politique de développement cohérente et clairvoyante.

Global Logo

global

Le magazine d'Alliance Sud analyse et commente la politique étrangère et de développement de la Suisse. « global » paraît quatre fois par an et l'abonnement est gratuit.

Communiqué

Coopération au développement : nul ne peut faire aussi bien avec moins

29.01.2025, Coopération internationale, Financement du développement

La DDC et le SECO ont fait savoir aujourd'hui comment ils allaient appliquer les coupes dans la coopération internationale décidées par le Parlement. Les conséquences dramatiques pour les populations dans les pays et les programmes concernés sont minimisées.

Coopération au développement : nul ne peut faire aussi bien avec moins

Malgré la situation politique incertaine et les inondations dangereuses, la suppression du programme de développement bilatéral au Bangladesh est notamment justifiée par les « besoins réels sur place ». © Keystone / EPA / STR

Pour éviter tout malentendu : la responsabilité des coupes de 110 millions de francs dans le budget 2025 et de 321 millions dans le plan financier des années à venir est entièrement imputable à la majorité bourgeoise du Parlement qui a pris ces décisions. En revanche, l'affirmation selon laquelle « en établis­sant des priorités de manière ciblée, il sera tout de même possible de maintenir dans une large mesure les effets attendus de la coopération internationale (CI) » donne un mauvais signal. La coopération au développement qui peut être menée malgré les restrictions budgétaires reste certes efficace. Mais il est tout aussi clair que l'on ne peut pas faire autant avec 110 millions de moins. Et il est évident que ce sont les populations du Sud global qui en subiront concrètement les conséquences si des projets à succès doivent être interrompus.

Les « besoins sur place » n'ont à coup sûr pas diminué au Bangladesh et en Zambie, deux pays dans lesquels les programmes de la DDC doivent être abandonnés. Le Bangladesh connaît une situation d'insécurité politique qui affecte l'industrie textile, centrale pour le pays. La Zambie souffre d'une crise de la dette. Selon le Fonds monétaire international, il existe toujours « (a) high risk of overall and external debt distress ». Cela s'explique aussi par le fait que le pays a souffert et souffre encore de l'évasion fiscale agressive de groupes étrangers. Glencore, par exemple, n'a jamais payé d'impôts sur les bénéfices en Zambie, même lorsque les prix du cuivre y atteignaient des sommets. Les deux pays sont en outre particulièrement touchés par la crise climatique, qui menace les avancées antérieures en matière de développement. Le Bangladesh à cause des tempêtes et de l'élévation du niveau de la mer et la Zambie parce que la production d'électricité a fortement reculé, le débit des rivières étant bien moindre.

Au plan multilatéral également, les réductions ne peuvent pas être ignorées sans conséquences. Les paiements à ONUSIDA sont par exemple suspendus. Or, le sida reste l'une des principales causes de mortalité en Afrique et près d'un cinquième des patientes et des patients africains atteints du VIH ne reçoivent toujours pas les médicaments qui pourraient les sauver. D’autres « coupes transversales » sont également prévues et les contributions de base des ONG sont concernées, même si le conseiller fédéral Cassis a déclaré l'été dernier au Parlement que ces organisations partenaires contribuent à la mise en œuvre de la stratégie de la CI à moindre coût. En clair, cela signifie concrètement que les familles paysannes n'ont pas d'approvisionnement en eau sûr pour lutter contre la crise climatique, que les jeunes n'ont pas de place de formation et que davantage d'enfants se couchent le ventre vide. Il ne s'agit pas de rassurer les responsables des coupes budgétaires, mais de les obliger à regarder cette réalité en face.

Pour plus d’informations :

Andreas Missbach, directeur, Alliance Sud, tél. +41 31 390 93 30, andreas.missbach@alliancesud.ch

Entretien avec Achim Steiner, directeur du PNUD

« Si la Suisse recule, elle affaiblit son influence »

27.09.2024, Coopération internationale

Le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) est un partenaire de coopération efficace et apprécié dans le monde entier, affirme son directeur Achim Steiner. Il s'inquiète pourtant du recul du soutien financier de pays comme la Suisse. Entretien mené par Laura Ebneter, Marco Fähndrich et Andreas Missbach

Laura Ebneter
Laura Ebneter

Experte en coopération internationale

Marco Fähndrich
Marco Fähndrich

Responsable de la communication et des médias

« Si la Suisse recule, elle affaiblit son influence »

Achim Steiner, directeur du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), lors d'une réunion au siège de l'ONU à New York, 2023. © UNDP / Fouad Juez

Monsieur Steiner, vous avez grandi au Brésil comme fils de parents allemands : comment cette double nationalité vous a-t-elle influencé ?

L'expérience de grandir dans différents pays et cultures est très libératrice. Elle m’a donné un moyen de me sentir chez moi partout et de pouvoir travailler n’importe où sur la planète. J'ai également appris à voir le monde selon d’autres perspectives. Beaucoup de choses qui vont mal dans notre monde actuel sont liées au fait que nous ne nous comprenons pas vraiment les uns les autres. Mais lorsque je visite un Etat insulaire du Pacifique ou un Etat des Caraïbes, je réalise immédiatement à quel point la vie y dépend de la politique climatique du reste du monde.

Avant de travailler pour le PNUD, vous étiez directeur exécutif du Programme des Nations Unies pour l'environnement (PNUE). Comment ces institutions se complètent-elles ?

Le PNUE lance un pont entre la science et la politique ; il façonne les normes internationales. Avec le Protocole de Montréal, le PNUE a permis l'un des succès majeurs de la politique environnementale internationale visant à réparer la couche d'ozone. Le PNUD se concentre sur un autre aspect et aide plus de 170 pays à trouver leur propre voie de développement, tant sur le plan social, économique qu'environnemental. Je m'occupe depuis très longtemps de questions environnementales, et ma nomination à la tête du PNUD a bouclé la boucle : réunir l'environnement et le développement, car le plus grand défi de notre époque est de savoir comment huit milliards de personnes peuvent vivre ensemble de manière durable et pacifique.

Dans son Rapport sur le développement humain 2024, le PNUD constate que les progrès inégaux en matière de développement laissent les plus pauvres de ce monde pour compte — l'inverse de l'objectif de l'Agenda 2030, « ne laisser personne de côté ». Où voyez-vous les plus grands leviers pour éviter que le fossé ne se creuse davantage ?

Sur la toile de fond de la pandémie et des nombreux conflits et crises, le bilan est à première vue décevant. Nous nous étions fixés de grands objectifs avec l'Agenda 2030. Mais comme souvent, on fait des projets et on essuie des revers. Nous ne devons toutefois pas oublier les énormes avancées réalisées au cours des dernières décennies, qui ne sont malheureusement pas perçues de la même manière par le public. En 1995, 16 millions de personnes dans le monde étaient connectées à l'internet. En 2025, plus de 6 milliards de personnes seront connectées, soit plus que l'ensemble de la population mondiale en 1995.  L'accès à l'électricité s'est lui aussi massivement amélioré. La coopération internationale y a largement contribué...

… et pourtant, c'est une maigre consolation face aux multiples crises dans le monde.

C'est également vrai. Nous sommes confrontés à une situation où les pays les plus pauvres ont de la peine à rembourser leurs dettes. Le Sri Lanka en est un exemple. Il y a près de 50 Etats qui consacrent plus de 10 % de leur budget national au seul service de la dette. C'est pourquoi nous assistons à des coupes dans l'éducation et la santé pour payer les intérêts ; cela ne peut pas être propice au développement. Et lorsqu'un pays ne peut plus approvisionner sa population en nourriture et en carburant, les gens descendent dans la rue.

C'est justement maintenant qu'il faudrait plus d'investissements. Et pourtant, les pays donateurs réduisent leurs moyens…

Les pays riches de l'OCDE ne consacrent que 0,37 % de leur revenu national brut à la coopération internationale. Au vu des énormes tâches et possibilités de notre époque, je suis très inquiet de constater que nous ne trouvons pas les moyens nécessaires pour travailler, surtout dans les pays donateurs traditionnels. Et ce, bien que nous ayons montré combien nous pouvions accomplir ensemble.

Que demandez-vous au monde politique ?

Les parlementaires doivent mener une discussion honnête sur la coopération internationale et reconnaître que les intérêts nationaux sont de plus en plus protégés dans le contexte mondial. Les gouvernements agissent par opportunisme politique et se détourner des solutions communes est une attitude irréfléchie et, en fin de compte, irresponsable. Prenons le changement climatique : la question n'est plus de savoir s'il existe, mais comment nous pouvons y remédier dans tous les pays. Le fait que nous ne puissions pas présenter ces liens de manière plus claire, que nous continuions à miser sur les énergies fossiles dans de nombreux pays au lieu de promouvoir les énergies renouvelables, est un échec. Tout en sachant qu'entre-temps, des milliers de personnes meurent prématurément chaque année en Suisse, en Allemagne et dans d'autres pays européens à cause de la chaleur.

Le fait que la Suisse réduise elle aussi son engagement est-il perçu au niveau international ?

Il y a encore cinq ans, la Suisse était un modèle en matière de coopération internationale : elle reconnaissait l'importance du multilatéralisme, surtout pour un petit pays. Malheureusement, elle a peu à peu réduit ses contributions au PNUD, même si elle reste un pays donateur de poids. Sans les Nations Unies, la marge de manœuvre des petits pays dans les régions en crise tend vers zéro. Depuis son adhésion à l'ONU, la Suisse a joué un rôle stratégique. Si elle recule, sa réputation et son influence vont également diminuer.

Quel rôle joue la polarisation croissante dans le monde ?

La polarisation empêche la coopération internationale et mène à une impasse. Ma plus grande inquiétude est que le monde se désunisse de plus en plus au lieu de coopérer. L'année dernière, 2 443 milliards de dollars ont été dépensés pour la défense et l'armée. Ce n'est pas seulement un record historique, c'est aussi le signe que la confrontation s'intensifie. Il y a des raisons concrètes à cela, comme la guerre en Ukraine et les conflits au Myanmar ou au Soudan. Mais les problèmes du monde ne peuvent être résolus que si les différents pays trouvent le moyen d’agir ensemble malgré leurs intérêts divergents, que ce soit pour la prévention de la prochaine pandémie, la cybersécurité ou le changement climatique.

Quelles sont les répercussions de la guerre en Ukraine sur le travail du PNUD ?

Contrairement aux instances politiques de l'ONU, comme le Conseil de sécurité, nous avons l'avantage d'être accueillis comme des partenaires dans toutes les nations du monde. Il est étonnant de voir avec quelle confiance on nous reçoit dans les pays partenaires, d'autant plus que nous ne sommes pas une organisation d'un jour. Nous accompagnons certains pays depuis des décennies et ces échanges montrent que la coopération internationale ne doit pas nécessairement être politisée, mais qu’elle est une offre visant à encadrer son propre développement. Je le vis actuellement avec le Bangladesh, où nous avons collaboré pendant des années avec différents gouvernements. Même dans la situation de crise actuelle avec le gouvernement de transition de Muhammad Yunus, la coopération avec le PNUD n'a pas été remise en question. La promesse de l'ONU selon laquelle les pays peuvent compter sur le PNUD pour mettre en œuvre l'idée de coopération internationale de manière très concrète reste un élément positif.

 

 

PNUD : au service du développement durable

Le PNUD a été créé en 1965 et opère dans plus de 170 pays et territoires. Son principal mandat est de contribuer à la réalisation des 17 Objectifs de développement durable (ODD). Le PNUD soutient les pays partenaires dans trois domaines essentiels du changement : la transformation structurelle, « ne laisser personne de côté » et la construction de la résilience. Avec des dépenses de 5 milliards de dollars, le PNUD est le plus grand programme de développement des Nations Unies. L'année dernière, la Suisse a mis 89 millions de dollars à sa disposition.

 

 

Et pourtant, le PNUD est lui aussi aux prises avec des soucis financiers.

La recherche de sources de financement échouera systématiquement si nous n'avons pas une confiance profonde dans les institutions internationales. Malheureusement, l'ONU se retrouve régulièrement sous le feu des critiques nationales, par exemple sur la question de Gaza. Nous sommes préoccupés par le fait que de nombreux pays recourent à des arguments douteux pour instaurer des relations bilatérales et se retirer du multilatéralisme. La Grande-Bretagne, par exemple, a réduit drastiquement les fonds qu'elle mettait à disposition pour financer les coûts de l'asile sur son territoire. Cela nous a mis en difficulté, car une organisation comme le PNUD a besoin d'un financement de base solide pour agir de manière transparente, efficace et responsable. En 1990 encore, 50 % des fonds étaient des fonds non affectés, librement disponibles, alors qu'aujourd'hui, ils ne représentent que 11 % des recettes. Une telle situation ne peut durer à long terme pour une organisation. Nous perdons ainsi l'une des plateformes essentielles qui, dans un monde sous tension, permet malgré tout de coopérer.

Pourquoi la coopération internationale (CI) a-t-elle perdu en crédibilité au fil des dernières années ?

La CI n'est pas un laboratoire, mais une tentative de trouver des solutions souvent dans des circonstances très difficiles. 50 % du travail se fait dans des régions en crise : Yémen, Afghanistan, Myanmar sont autant de régions à haut risque où nous tentons de sauver des vies. Le fait que tout ne se déroule pas toujours comme prévu, voire que quelque chose se passe mal, est tout simplement une réalité. Malheureusement, les donateurs sont très peu enclins à supporter les revers.

Avez-vous une idée des raisons pour lesquelles la coopération au développement est régulièrement confrontée à de fausses déclarations et à des exigences trop élevées ?

Il y a malheureusement une offensive concertée contre la CI, des Etats-Unis aux pays germanophones en passant par la Scandinavie. Il s'agit d'une campagne politique qui tente de délégitimer la coopération internationale dans des contextes nationaux, par exemple les pistes cyclables soutenues par l'Allemagne au Pérou, qui ont été largement médiatisées. Ces exemples brouillent la vision, mais il est aussi de notre devoir de mieux faire connaître notre travail et de le rendre plus compréhensible.

Avez-vous un message positif à transmettre en guise de conclusion ?

Chaque année, les Nations Unies fournissent une aide alimentaire à quelque 115 millions de personnes par le biais de leur Programme alimentaire mondial (PAM). Cet effort n'est possible que grâce au courage, à la solidarité internationale et à l'engagement de notre personnel et de nos partenaires sur le terrain.

 

Global_Herbst-24_Cover_Achim-Steiner_zugeschnitten.jpeg

Achim Steiner

Né en 1961, Achim Steiner a grandi au Brésil et en Allemagne et a étudié la philosophie, la politique et l'économie à l'Université d'Oxford. Il a obtenu un master en économie et en planification régionale à l'Université de Londres. Il a également effectué des séjours d'études à l'Institut allemand pour la politique de développement (DIE) à Berlin et à la Harvard Business School.

Achim Steiner a été directeur de l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) et a travaillé pour la société allemande de coopération internationale (GIZ). Entre 2006 et 2016, il a dirigé le Programme des Nations Unies pour l'environnement (PNUE) à Nairobi ainsi que le siège de l'ONU dans cette ville (ONUN). Depuis mai 2017, Achim Steiner est directeur du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) à New York. En 2021, il a été confirmé par l'Assemblée générale des Nations Unies pour un deuxième mandat de quatre ans à la tête du PNUD.

Global Logo

global

Le magazine d'Alliance Sud analyse et commente la politique étrangère et de développement de la Suisse. « global » paraît quatre fois par an et l'abonnement est gratuit.

Article

« Les femmes ne sont pas des sujets abstraits »

23.03.2020, Coopération internationale

Le rôle clé des femmes pour un développement durable ne donne pas lieu à contestation. Même la Banque mondiale poursuit une stratégie de genre. Mais une bonne stratégie en cacherait-elle une mauvaise ? Réponses d'Elisabeth Prügl.

Kristina Lanz
Kristina Lanz

Experte en coopération internationale

« Les femmes ne sont pas des sujets abstraits »

Article

Banque mondiale : Engagement suisse problématique

11.05.2020, Coopération internationale, Financement du développement

Malgré les affirmations, la politique de la Banque mondiale reste très problématique, en particulier dans les domaines des droits humains et du climat. Si la Suisse augmente son capital, elle doit user de son influence pour changer de cap.

Kristina Lanz
Kristina Lanz

Experte en coopération internationale

Banque mondiale : Engagement suisse problématique

Medienmitteilung

Messages contradictoires du Conseil fédéral

19.02.2020, Coopération internationale

En avant dans toutes les directions, c'est la boussole de la politique de développement du Conseil fédéral. Alliance Sud regrette l'absence d'engagements clairs en faveur d'une orientation cohérente vers les ODD et l’Accord de Paris sur le climat.

Kristina Lanz
Kristina Lanz

Experte en coopération internationale

+41 31 390 93 40 kristina.lanz@alliancesud.ch
Messages contradictoires du Conseil fédéral

© Daniel Hitzig/Alliance Sud

Publikation

Des critères clairs pour la Banque mondiale !

12.05.2020, Coopération internationale

Le Conseil fédéral veut que la Suisse participe aux augmentations de capital de la Banque mondiale. Alliance Sud soulève des questions cruciales et pose des conditions.

Kristina Lanz
Kristina Lanz

Experte en coopération internationale

Des critères clairs pour la Banque mondiale !

Medienmitteilung

Le développement humain repensé

16.12.2020, Coopération internationale

Pour le 30e anniversaire du Rapport sur le développement humain, le Programme des Nations Unies pour le développement se penche sur la question de savoir ce qu’il faut entreprendre pour que le développement humain devienne une réalité pour tous.

Kristina Lanz
Kristina Lanz

Experte en coopération internationale

+41 31 390 93 40 kristina.lanz@alliancesud.ch
Marco Fähndrich
Marco Fähndrich

Responsable de la communication et des médias

+41 31 390 93 34 marco.faehndrich@alliancesud.ch
Le développement humain repensé

© UNDP

Communiqué

Le Conseil fédéral crée un organe consultatif mou

01.05.2013, Coopération internationale

Le Conseil fédéral a décidé de flanquer d’une commission consultative multi-parties le Point de contact national (PCN) chargé de la mise en œuvre des Principes directeurs de l’OCDE pour les multinationales.

Le Conseil fédéral crée un organe consultatif mou