Communiqué

Longtemps attendue mais guère meilleure

24.06.2021, Agenda 2030

Le Conseil fédéral publie aujourd’hui sa Stratégie de développement durable 2030, retardée de 18 mois. Amélioré sur quelques points, le document n’est malheureusement toujours pas à hauteur des ambitions de l’Agenda mondial 2030.

Longtemps attendue mais guère meilleure

Article

Des pistes pour l’alimentation de demain

14.02.2023, Agenda 2030

Lors du Sommet Suisse sur le Système Alimentaire organisé début février 2023 à Berne, la science et une assemblée citoyenne ont présenté les mesures qu’elles préconisent pour parvenir à un système alimentaire durable.

Des pistes pour l’alimentation de demain

La science et la population ont fait leur travail : c'est maintenant au monde politique d'agir.
© Caroline Krajcir / Ernährungszukunft Schweiz

En Suisse, la politique agricole semblait être au point mort. Après des initiatives populaires controversées et l’échec de la nouvelle politique agricole devant le Parlement, l'impulsion pour une nouvelle politique alimentaire vient de la société civile et de la science. Lors du premier Sommet Suisse sur le Système Alimentaire, l’une et l’autre ont formulé des propositions qui tracent des pistes vers un avenir alimentaire durable.

L'accent a été consciemment déplacé de l'agriculture vers les systèmes alimentaires. Les agricultrices et agriculteurs ne sont en effet pas les seuls à devoir prendre soin du sol, de l'eau et de l'air : tous les acteurs, de la mise en culture à la consommation en passant par la transformation et la distribution, sont appelés à agir.

Les éléments d'une politique alimentaire durable sont clairs depuis longtemps : la consommation de viande, de produits laitiers et de sucre doit être réduite de moitié au moins afin de préserver la santé de l’humanité et de la planète. De même, nous ne pouvons plus nous permettre le gaspillage de près d’un tiers des aliments (food waste).

L’assemblée citoyenne au banc d’essai

D'autres solutions proposées polarisent davantage. Comment réussir à mettre en place des processus de décision démocratiques et inclusifs dans un délai raisonnable, vu l'urgence de la situation ? Avec l’Assemblée Citoyenne pour une Politique Alimentaire, un projet de la société civile montre de manière innovante comment remédier à une situation bloquée. 85 personnes résidant en Suisse, représentatives de la population suisse, se sont réunies à 11 reprises en l’espace de six mois pour discuter d'une politique alimentaire globale pour la Suisse. Le processus met en évidence des recommandations susceptibles de réunir une majorité au sein d'une population informée.

En parallèle, un comité scientifique a identifié les mesures les plus urgentes et cherché à savoir quels leviers devaient être actionnés pour atteindre les objectifs sociaux. Les recommandations issues des deux processus présentent un fort degré de concordance. Elles ne sont pas dictées par des intérêts politiques partisans, mais se fondent sur des faits et sur une discussion approfondie avec d'autres groupes d'intérêts dans un espace protégé.

Aborder la transformation de manière globale

Les discussions et les contributions au Sommet sur le Système Alimentaire signalent sans équivoque qu'il est nécessaire d'avoir une vision globale de la politique alimentaire. Les mesures individuelles font des perdants et des gagnants. Une transformation équitable doit réussir, dans le cadre d'un paquet global, à offrir des perspectives aux perdants potentiels, afin qu'ils puissent eux aussi envisager un avenir riche de sens. Par exemple, la réduction de moitié de la consommation de viande menace les agricultrices et agriculteurs qui ont fondé leur existence sur la production carnée. Comment forger des perspectives assurant des revenus ? Quel rôle joueront-elles dans le système alimentaire de demain ?

Des systèmes alimentaires équitables doivent aussi tenir compte des répercussions au-delà des frontières nationales. Ainsi, près de 800 millions de personnes dans le monde souffrent de la faim, et 800 millions d'autres sont mal nourries, ce qui signifie qu'elles peuvent certes couvrir leurs besoins en calories, mais pas ceux en nutriments essentiels. Une politique alimentaire mondiale reflète le rôle de la Suisse et les répercussions de nos actions et de notre consommation à l'étranger.

La balle est désormais dans le camp des politiques

Le Sommet sur le Système Alimentaire a été l’occasion pour les représentantes et représentants de l’Assemblée citoyenne et du comité scientifique de remettre leurs recommandations au conseiller fédéral Guy Parmelin et aux partis représentés au Parlement. La balle est désormais dans le camp des politiques institutionnels. À eux d’élaborer une nouvelle politique alimentaire ambitieuse. L’unanimité régnait sur le fait qu’il est impensable de continuer comme nous l’avons fait jusqu’ici. Plus vite nous agirons, mieux cela vaudra. Négocier avec les limites de la planète et les points de bascule négatifs en matière de climat ou de biodiversité est exclu. À nous d'engager la transformation. Sans plus attendre.

Alliance Sud et la plateforme Agenda 2030 ont représenté la thématique de la justice mondiale dans le processus.

Liens :
Informations sur le Sommet sur le Système Alimentaire, recommandations de l’Assemblée citoyenne et du comité scientifique : https://sdsn.ch/fr/anlass/ernaehrungssystem-gipfel/

En bref : Agenda 2030 et systèmes alimentaires

Article

« Les inégalités sont enracinées dans le système »

21.06.2021, Finances et fiscalité, Agenda 2030

Stefano Zamagni, professeur d'économie italien et président de l'Académie pontificale des sciences sociales, explique dans une interview pourquoi un nouveau départ avec l'économie civile ne peut plus être reporté.

« Les inégalités sont enracinées dans le système »

En 2009, Stefano Zamagni (à droite) et plusieurs cardinaux présentent l'encyclique papale « Caritas in Veritate » : elle appelle les milieux économiques à prendre les besoins des plus pauvres en compte.
© Vincenzo Pinto / AFP210

Agenda 2030

Objectifs de développement durable (ODD)

Alliance Sud s'engage pour une politique suisse cohérente dans tous les domaines thématiques et systématiquement axée sur l'Agenda 2030.

De quoi s'agit-il ?

De quoi s'agit-il ?

Alliance Sud s'engage pour une politique suisse cohérente dans tous les domaines thématiques et systématiquement axée sur l'Agenda 2030. Ce cadre d'une nouvelle « politique intérieure mondiale », adopté en automne 2015 par 193 chefs d'État, formule 17 objectifs de développement durable (Sustainable Development Goals, SDG). Ils visent un équilibre durable et équitable entre les aspects sociaux, environnementaux et économiques, aujourd'hui et pour les générations futures.

Le Nord et le Sud ont une responsabilité commune à cet égard ; les intérêts globaux et nationaux ne doivent pas être mis en opposition. En collaboration avec des organisations non gouvernementales suisses, Alliance Sud exige une mise en œuvre rigoureuse et globale de l'Agenda 2030.

Article, Global

Vaincre l’ouragan avec un éventail

07.12.2021, Agenda 2030

Sami Tchak décrit dans ses livres le continent africain et les pays d'Amérique latine, abordant des thèmes tels que la lutte contre la pauvreté, l'esclavage d’aujourd’hui et la prostitution. Interview de Lavinia Sommaruga.

Vaincre l’ouragan avec un éventail

Sami Tchak, pseudonyme de Sadamba Tcha-Koura (1960), est un écrivain togolais diplômé en philosophie de l'Université de Lomé.
© Francesco Gattoni

global : Vous êtes l'auteur d'un des articles d’un nouveau volume paru en italien qui raconte l’Afrique au-delà des stéréotypes . Dans votre contribution, vous réfléchissez au lien entre la langue et la littérature et vos observations se focalisent sur un thème central des relations entre l'Europe et le continent africain, celui de la colonisation. Pouvez-vous nous en parler ?

Sami Tchak : Dans ma réflexion, je pars de l’idée qu’en général, les littératures sont nées au sein des peuples avec la langue dominante ou l’une des langues du peuple. Les littératures africaines, telles que nous les connaissons maintenant, sont nées plutôt avec des langues européennes, la langue du colonisateur. Il y a naturellement des écrits en langue africaine, mais ils sont moins connus sur le plan international et même sur le plan national. Le problème qui pourrait se poser est que nos littératures restent des littératures un peu trop « vers l’étranger » et pas suffisamment ancrées sur le plan local.

Peut-on donc dire que le passé colonial est le trait unificateur du continent africain, si divers en son sein ?
Le passé colonial n’est pas l’élément qui fait l’unité des traditions africaines parce que ces civilisations, ces sociétés, ces langues ont eu des rapports entre elles bien avant l’arrivée des colonisateurs. Ce qui unit ces diversités est ce que l'on peut appeler leur spiritualité. Les croyances, la relation des vivants avec les morts, se ressemblent. Nous pouvons parler d'une unité culturelle spirituelle d'un continent très, très divers. Dans mes romans j’ai rendu compte de mon expérience humaine, qui s’est passée aussi en Amérique latine. Par exemple, dans le roman « Al Capone le Malien », je parle de l'ancien empire du Mali qui avait des logiques similaires à ceux des anciens royaumes de tout le continent africain, donc avant même que le colonialisme ne devienne un « nouvel » élément commun. Ou plutôt, le point commun de ces États que l'on appelle coloniaux ou post-coloniaux est la même logique occidentale qui leur a été imposée.

Vous avez visité l’Amérique latine : y a-t-il des points communs avec le passé colonial africain ?
Oui. Les premiers point en commun ce sont toutes les populations africaines qui sont arrivées sur ce territoire, aussi à travers l’esclavage. Elles ont gardé des éléments de culture qui leurs viennent du continent africain. Si elles ne parlent plus les langues coutumières, elles ont conservé des traditions, des religions comme le vaudou ou le candomblé. Dans leurs Etats de l’Amérique latine on retrouve une similitude aux problèmes que connaissent les Etats africains, comme par exemple les dictatures.

Quels sont, selon vous, les problèmes qui devraient figurer à la tête de l’agenda d’une ONG de lobbying et plaidoyer comme Alliance Sud, qui œuvre depuis 50 ans en faveur des plus pauvres du Sud ?
Il s’agit d’une chose très délicate. Assez souvent quand nous parlons des plus pauvres au Sud on n’intègre pas leur sort dans quelque chose qui est systémique. La pauvreté est produite par la façon dont le monde est organisé, et elle continuera – quels que soient nos efforts – s'il n'y a pas de changement dans la société. Mais ce dernier n'est pas en vue, car le système capitaliste, tel qu'il fonctionne actuellement, accentue ces inégalités et donc la pauvreté. Cependant, cela ne veut pas dire qu’il ne faudrait pas agir. Dans un de mes livres j’ai dit que les gens qui luttent contre la pauvreté ressemblent souvent à quelqu’un qui prend un éventail pour lutter contre l’ouragan. Ça peut sembler ridicule à quelqu’un qui regarde de l’extérieur. Cependant, c’est parce qu’il y a des gens qui pensent qu’ils vont vaincre l’ouragan avec un éventail que le monde pourra changer.

Seulement avec les changements structurels ?
Ce n’est pas nécessairement en aidant directement les pauvres que nous pourrons amener des changements. Clairement il faut le faire, c’est urgent ! Mais la vraie lutte est comment nous pourrions amener les pays occidentaux à un changement de relation avec les pays africains, par exemple. Il faut plus de justice dans les relations.

Est-ce que des associations, des ONG, des fondations peuvent avoir des moyens de pression sur les Etats (à la fois occidentaux et africains) pour qu’il y ait un changement global ?
Je ne le sais pas. Tant que le système ne changera pas, il va engendrer la pauvreté puisque la pauvreté est nécessaire au système. Il survit tel qu’il fonctionne actuellement parce qu’il y a des pauvres. Nous voyons bien qu'il se développe dans le monde entier que nous pouvons avoir ce que j'appelle « mains d’œuvres jetables ». C'est une expression utilisée par exemple en Colombie – j'en parle dans l'un de mes romans intitulé « Filles du Mexique » : elle fait référence à des personnes pauvres, esclaves qui sont également interchangeables, c'est-à-dire qu'elles peuvent venir de n'importe où dans le monde pour être exploitées n'importe où. Les nouveaux pauvres sont même prêts à payer pour être exploités. Quand les gens paient pour traverser la mer, ils paient pour venir et être des esclaves ! À un moment, si les relations entre les Etats ne changent pas, les efforts pour traiter des problèmes bien identifiés ne vont pas suffire. C’est vraiment dans les politiques nationales et internationales, dans la géopolitique mondiale, qu’il faudrait changer les choses.

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Le magazine d'Alliance Sud analyse et commente la politique étrangère et de développement de la Suisse. « global » paraît quatre fois par an et l'abonnement est gratuit.

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Société civile suisse met en évidence les lacunes

12.07.2022, Coopération internationale, Agenda 2030

Le Conseil fédéral présente aujourd'hui à New York, lors du Forum politique de haut niveau sur le développement durable de l'ONU, son rapport national sur la mise en œuvre des 17 Objectifs de développement durable. Notre évaluation est critique.

Laura Ebneter
Laura Ebneter

Experte en coopération internationale

Société civile suisse met en évidence les lacunes
La société civile suisse - sur la photo, son rapport alternatif devant le siège de l'ONU à New York - demande plus de leadership de la part du Conseil fédéral dans la mise en œuvre de l'Agenda 2030.
© Alliance Sud / Laura Ebneter

Alliance Sud et la Plateforme Agenda 2030 représentent la société civile suisse à New York, afin d'attirer l'attention sur les transformations urgentes et nécessaires que le Conseil fédéral passe sous silence dans son rapport. Le rapport national officiel montre une fois de plus que la mise en œuvre de l'Agenda 2030 par la Suisse n'est pas à la hauteur des ambitions globales de celui-ci. Le rapport rate malheureusement l'occasion de tirer les conclusions nécessaires à une meilleure mise en œuvre. Ou cela n'a-t-il jamais été le but ? Dans ce cas, on peut se demander à quoi sert ce processus à grande échelle d'inventaire et de rapport.

Il y a peu de passages dans le rapport national qui me rendent optimiste pour l'avenir : le Conseil fédéral reconnaît la forte empreinte matérielle, climatique et sociale que la Suisse laisse dans d'autres pays. On peut toutefois douter que les mesures par lesquelles la Confédération souhaite réduire cette empreinte soient suffisantes. De plus, le rapport national n'aborde que marginalement des thèmes centraux en matière de politique de développement, comme la transformation vers des systèmes commerciaux, fiscaux et économiques équitables. Et ce, bien que la Suisse obtienne cette année encore des résultats insuffisants pour les quatre indicateurs de débordement dans le domaine thématique "Economie et finances" du Rapport sur le développement durable. Ceux-ci mesurent les influences négatives d'un pays sur les autres ; la Suisse occupe la 157e place du classement des spillovers, loin derrière les 163 autres pays.

Pour la société civile suisse, la mise en œuvre de l'Agenda 2030 par la Suisse est insuffisante. Dans le rapport exhaustif "Continuer à vivre aux dépens du monde ?", elle montre à la Confédération les lacunes et les défis de la mise en œuvre. En même temps, le rapport est aussi une invitation à la Confédération à réviser, en collaboration avec la société civile suisse, sa stratégie de développement durable 2030 et le plan d'action qui l'accompagne.

Le temps de mettre en place des stratégies cohérentes et des budgets adéquats
Malgré les innombrables points faibles du rapport, le Conseil fédéral tire une conclusion importante : "Dans la perspective des huit années restantes de l'Agenda 2030, il apparaît clairement que les objectifs ne pourront être atteints que par une action résolue dans toutes les politiques sectorielles et dans l'ensemble de la société. À cet égard, il sera nécessaire, dans les années à venir, de renforcer l'ancrage des Objectifs de développement durable dans les différents domaines politiques, stratégies et budgets, sans pour autant perdre la vision systémique". Nous rappellerons cette promesse au Conseil fédéral si la mise en œuvre de l'Agenda 2030 continue d'être diluée en raison d'autres priorités politiques et d'intérêts économiques.

Le «High-Level Political Forum on Sustainable Development»

Le Forum politique de haut niveau sur le développement durable (High-Level Political Forum on Sustainable Development, HLPF) se tient à New York du 5 au 15 juillet 2022. Il réunit les États membres de l'ONU autour du thème "Building back better from the coronavirus disease (COVID-19) while advancing the full implementation of the Agenda 2030 for Sustainable Development". Dans le cadre du rapport volontaire (rapport national ; Voluntary National Review, VNR), 44 États rendent compte cette année de l'état de la mise en œuvre des Objectifs de développement durable (Sustainable Development Goals, SDG) dans leur pays. Avec l'Argentine, la Lettonie, le Ghana et les Philippines, la Suisse présente aujourd'hui son rapport national. Ensuite, Alliance Sud pourra présenter, au nom de la société civile suisse, son point de vue sur l'état de la mise en œuvre dans un bref exposé. L'événement peut être suivi en direct de 17h à 19h (heure suisse) via UN Web TV.