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Les multinationales chez le coiffeur !

23.03.2023, Finances et fiscalité

Pour alléger la dette des pays plus pauvres, il incombe à la Suisse aussi de faire preuve de transparence et de veiller à ce que ses grandes entreprises multinationales aillent chez le coiffeur et acceptent une « coupe de cheveux ».

Les multinationales chez le coiffeur !

© Silke Kaiser / pixelio.de

Un train fonce à toute allure vers le butoir d’arrêt. Beaucoup se tiennent près de l'aiguillage critique, mais personne ne l’active. Ce geste permettrait pourtant d’éviter la catastrophe. Cette image illustre assez bien la gestion actuelle de la dette publique des pays les plus pauvres.

Selon le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), au moins 54 pays du Sud mondial souffrent de graves problèmes d'endettement. La plupart d'entre eux, 24 pays, se trouvent en Afrique subsaharienne. L'Amérique latine et les Caraïbes en comptent 10. Plus de la moitié des personnes vivant en situation d’extrême pauvreté y résident. 28 de ces États font partie des 50 pays les plus menacés par le changement climatique sur la planète. Le PNUD exige une « coupe de cheveux », plus précisément un allégement de 30% de la dette.

Les mises en garde ne manquent pas. Le commentateur en chef du Financial Times a récemment écrit qu'une « décennie perdue » se profilait. Il fait ainsi référence à la crise de la dette latino-américaine des années 80 du siècle dernier et à ses conséquences dramatiques pour les populations concernées. Certes, comme à l'époque, les hausses des taux d'intérêt au Nord entraînent des sorties de capitaux au Sud, mais il y a une différence de taille. Au lieu des banques qui, à l'époque, accordaient directement des crédits aux États, ce sont désormais des fonds d'investissement comme Blackrock qui investissent l'argent des caisses de pension et des investisseurs privés dans des obligations d'État des pays du Sud mondial.

Et un nouvel acteur clé est entré en jeu : la Chine. La puissance mondiale détient autant de dettes (environ 10%) que tous les autres pays créanciers réunis. Mais cela représente moins d'un quart de la dette envers les créanciers privés (le reste est aux mains d’institutions multilatérales comme la Banque mondiale).

Lors des négociations, chacun se renvoie donc la balle. L'Occident déplore le manque de coopération de la Chine qui, de son côté, pointe du doigt le fait que les créanciers privés ne sont pas prêts à réduire leur dette et que les acteurs multilatéraux jouissent de toute façon d'un statut privilégié, et donc ne participent pas non plus.

Et quel rôle joue la Suisse dans ce contexte ? Nul ne le sait. Il n'y a aucune transparence sur le rôle des investisseurs helvétiques dans le Sud mondial. La seule chose dont on est certain, c'est qu'en plus de la Chine, un autre nouvel acteur est entré en jeu : les négociants suisses en matières premières. De ce côté-là aussi, l’opacité règne le plus souvent. Le Fonds monétaire internationale (FMI) a ainsi révélé que le Tchad avait une dette de plus d'un milliard de dollars envers Glencore — plus d'un tiers de toutes les dettes du pays. Établie dans le canton de Zoug, la multinationale opérant dans les matières premières, qui vient de tripler son bénéfice annuel grâce à ses profits de guerre, a obstinément refusé d’alléger la dette. Il incombe donc à la Suisse de faire preuve de transparence et de veiller à ce que ses grandes entreprises multinationales aillent chez le coiffeur et acceptent une « coupe de cheveux »