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Reportage
Chambres avec vue
06.12.2023, Finances et fiscalité
À New York, une grande majorité des États membres de l’ONU a dit oui à une convention-cadre des Nations Unies en matière fiscale. Auparavant, notre expert s’est rendu sur place – une reportage.
D’intenses feux de forêt au Canada enveloppent le pont George Washington d’une brume qui colore le ciel en gris-jaune.
© Seth Wenig / AP Photo / Keystone
Je m’étais acheté des bottes en caoutchouc à l'aéroport de Zurich. Il faut dire que la veille de mon atterrissage à New York, la ville était sous l'eau. De fortes pluies d'automne avaient inondé une grande partie de la métropole américaine sur l'Hudson. Un aéroport a dû être fermé et des tunnels de métro ont été envahis par les eaux. Partout dans le monde, les journaux télévisés ont diffusé des images de gens assis sur des feux de signalisation et regardant en dessous d’eux des flots tumultueux où voguaient du mobilier de restaurant et des voitures. À distance, on aurait pu croire que New York avait été emportée par le déluge.
Le Sud mondial dans la métropole du Nord
Un jour plus tard, j'étais assis avec mes collègues du Réseau mondial pour la justice fiscale (Global Alliance for Tax Justice) à la terrasse d'un restaurant mexicain du centre de Manhattan, non loin du siège des Nations Unies. En T-shirt, car il faisait incroyablement doux pour un début octobre. Demain, nous assisterions ensemble aux délibérations du deuxième comité de l'Assemblée générale des Nations Unies : les représentants de 193 nations allaient y discuter d'une nouvelle convention fiscale. Il n'y avait même plus de flaques d'eau dans cette partie de la ville. Dans un courriel, notre collègue indienne avait précédemment décrit cet événement météorologique local au rayonnement planétaire : « Dans ma partie du monde, on qualifierait ces pluies de légères douches de mousson ». Apparemment, le monde médiatisé par le web semble parfois encore pire qu'il ne l'est en réalité — en tout cas lorsqu'il s'agit de conditions météorologiques.
Mais en effet, les systèmes d'évacuation des eaux usées de New York sont parfois dans un si piètre état qu'ils ne parviennent déjà plus à absorber des quantités relativement faibles de pluies exceptionnelles. C'est surtout le cas au-delà de Manhattan, la zone la plus développée et la plus riche de la ville. Ma collègue indienne m'a confié qu'elle avait couru de réunion en réunion toute la journée dans le centre de la ville sans être du tout gênée par l'eau. Les colonnes d'eau à New York sont donc également le reflet de l’état des inégalités entre ses quartiers.
Passant relativement inaperçue de la caravane mondiale de l’actualité, l'eau représente un problème majeur pour la mégapole, à long terme surtout. En raison du changement climatique, le niveau de la mer sur la côte new-yorkaise est monté de 30 centimètres depuis 1900. Selon les prévisions, 1,5 mètre viendra encore s’y ajouter d'ici la fin du siècle. Les fortes pluies vont s’intensifier en raison de la hausse des températures au-dessus de l'Atlantique. Le New York Times écrivait récemment qu'en raison de l'élévation du niveau de la mer, 600 000 habitants de la ville devront quitter leur domicile d'ici la fin du siècle. Comme si Zurich et Genève disparaissaient totalement sous la mer.
Pas d’argent pour combattre les flots
Lors de mes premiers jours à New York, en raison du décalage horaire que je ressentais, j’arpentais les rues dès six heures du matin. J’ai parcouru la ville pendant quelques heures avant que ne débutent nos rencontres avec les représentations de l'ONU des différents pays. Je me suis baladé dans les anciennes stations de métro et le long des docks à moitié abandonnés de Brooklyn. Du fait de leur proximité avec la mer, les quartiers du sud de la ville sont les plus exposés aux inondations. Far Rockaway par exemple, un quartier du Queens où vivent surtout des ouvrières et des ouvriers et la classe moyenne inférieure. Le «New York Times» a rapporté que certains de ses habitants fuyaient déjà devant la montée des eaux et déménageaient. L'infrastructure fragile est omniprésente au-delà de la surface lisse et clinquante du centre de la ville ou du Financial District. Tout rouille et se fissure dans l'espace public new-yorkais. On a du mal à imaginer que les adaptations nécessaires aux conditions climatiques très changeantes seront prêtes à temps ici, même si la ville dispose d'un plan d'adaptation (AdaptNYC) et d'un plan de durabilité (PlaNYC 2030 — A Greener Greater New York).
L'ancien officier de police et actuel maire démocrate Eric Adams vient de réclamer des fonds à Washington pour aider les migrantes et les migrants d'Amérique centrale et d'Amérique du Sud qui arrivent aujourd’hui en bien plus grand nombre à New York que les années précédentes. La ville ne dispose pas de moyens financiers suffisants pour leur offrir des logements dignes. L'adaptation à la crise climatique et les dépenses consenties au titre de la migration sont donc deux des plus grandes tâches des prochaines décennies à New York aussi. La « crise migratoire » est également entretenue par des gouverneurs républicains irresponsables dans les États du sud. Ils envoient parfois les nouveaux arrivants du Mexique directement vers la « Grande Pomme ». Le Texas a distribué des tickets de bus pour New York à 42 000 immigrants, dont 15 300 seraient déjà sur place. Au total, il manquera 8,3 milliards de dollars à la ville d'ici un an, rien que pour couvrir ses dépenses courantes. Une absurdité en fait, car c’est la ville la plus riche du monde : 340 000 millionnaires, 724 personnes possédant plus de 100 millions et 58 milliardaires y vivent. Une grande pauvreté règne en parallèle : en 2021, près d'un cinquième des New-Yorkaises et des New-Yorkais vivaient en situation de pauvreté et un tiers avaient du mal à couvrir les dépenses existentielles pour le logement, la nourriture, l'éducation des enfants ou l'assurance maladie.
Un matin, alors que je prenais le téléphérique pour retourner de Roosevelt Island au centre de la ville, j'ai engagé la conversation avec un jeune informaticien de Wall Street. Tous les matins, avec sa femme et sa fille en bas âge, il emprunte le téléphérique au-dessus de l'East River pour aller travailler à Manhattan et déposer son enfant au jardin d'enfants. Ces conditions sociales l’avaient certes fait réfléchir lorsqu'il m'a raconté que, venant d'un milieu modeste du Queens, ils habitaient désormais un appartement sur cette île calme et bien rangée. Une existence privilégiée. « Mais de ceux-là » — et il me montrait les sommets des gratte-ciel du centre-ville qui scintillaient au soleil du matin —, « j’en suis encore très éloigné ».
Des inégalités sociales extrêmes, des risques climatiques élevés, mais trop peu d'argent pour l'adaptation au changement climatique et pour des infrastructures décentes accueillant les immigrants : au fond, cette ville est une société renvoyant à celle des pays émergents. Le Sud mondial transparaît aussi dans la métropole la plus prestigieuse du Nord. Pour réduire les inégalités et la détresse des démunis, pour promouvoir l'adaptation aux changements climatiques et l’atténuation de ces derniers, la ville aurait un impérieux besoin de plus de recettes fiscales. Une taxation plus élevée des grandes fortunes, des bénéfices des entreprises et des capitaux pourrait rapporter gros : en 2022, 28 milliers de milliards de dollars ont été échangés à Wall Street. Mais le gouvernement de la ville est dominé par les tenants de l'austérité du Bureau de la gestion et du budget, comme l'a rapporté Politico.
Les orchidées de l’UE
Mes collègues du Réseau mondial pour la justice fiscale et moi-même sommes allés à New York afin de promouvoir une convention-cadre des Nations Unies sur la politique fiscale, qui permettrait de remplacer l'OCDE comme organisation multilatérale dominante en matière de politique fiscale internationale (voir global #90). Lors d'un cycle de réformes d’une décennie, le club des pays riches occidentaux n'est pas parvenu à répartir plus équitablement les recettes fiscales des entreprises, malgré l'intégration formelle de certains pays du Sud. L'ONU pourrait déclencher une toute autre dynamique dans ce domaine. Voilà pourquoi j'ai passé une semaine à me rendre de mission nationale en mission nationale avec mes collègues danois et néo-zélandais. La plupart d'entre elles se sont établies en demi-cercle autour du siège de l'ONU, sur l'East River. Nous voulons convaincre un maximum de pays membres de l'OCDE de soutenir les demandes des États africains pour l'élaboration d'une convention-cadre. Nos collègues éthiopiens et indiens sont en contact avec ces pays.
Mais il n'y avait pas grand-chose à faire à la mission de l'UE, dont les bureaux offrent une vue imprenable sur la troisième avenue et le One World Trade Center par-dessus les orchidées en pot sur le bord des fenêtres. « I'm afraid, you won't like what I'm going to say now, but... ». L'un des représentants français de la mission a évoqué des « doublons » avec les processus fiscaux de l'OCDE et le manque de connaissances et de ressources en termes de politique fiscale à l'ONU. Nous n'avons pas aimé entendre cela, car une convention fiscale de l'ONU serait, surtout du point de vue des pays producteurs du Sud mondial où s’activent de grandes multinationales quelque chose de complètement différent du « cadre inclusif » de l'OCDE. Certes, des pays du Sud peuvent désormais siéger à la table des négociations, pourtant ce sont toujours les États riches du Nord qui dominent. Mais à l'ONU, les rapports de force entre le Nord et le Sud sont beaucoup plus équilibrés. S’agissant des ressources, cela dépendrait de la volonté politique des pays riches de doter l'ONU en conséquence. De tels « arguments » ne sont donc que des éléments rhétoriques. Pourtant, la plupart des pays de l'OCDE argumentent ainsi, escamotant leurs intérêts matériels. Car dans un nouveau système fiscal de l'ONU, avec lequel les recettes fiscales issues des bénéfices des multinationales seraient réparties équitablement dans le monde entier, les anciens sièges des groupes du Nord seraient forcément perdants. La transparence globale du système offshore pour les fortunes privées compliquerait aussi les affaires pour les places financières traditionnelles du Nord. Cela vaut tout spécialement pour la Suisse, dont on dit à New York qu'elle préférerait noyer tout le processus de l'ONU dans l'East River. Mais il y a aussi des exceptions parmi les pays de l'OCDE : pour les pays à fiscalité élevée comme le Danemark ou la Norvège, l'ONU pourrait aussi leur apporter des recettes supplémentaires. La conversation avec le représentant danois dans l’incroyable restaurant de sushis était donc plutôt « hygge » — l’art de vivre à la danoise valorisant le réconfort et le sentiment de sécurité.
Plus de « hygge » pour la planète
Le dernier jour de mon déplacement à l'ONU, j'étais assis sur un large fauteuil moelleux dans un foyer trop réfrigéré au siège de l'organisation et j'écrivais des cartes postales de l'ONU datant des années 1980. Le Qatar avait aménagé l’endroit : des vitrines avec des modèles d'oasis dorés bordaient les murs. Une baie vitrée du sol au plafond donnait sur l'East River et les immeubles qui ne cessent de s'élever sur une rive de Brooklyn. La moquette ornée de fioritures absorbait tous les bruits ; à côté de moi, des négociateurs somnolaient dans des fauteuils. « Le monde est en proie à des catastrophes et des guerres, mais ici à l'ONU, la politique fiscale internationale pourrait tout de même devenir un peu plus équitable », ai-je écrit sur une carte postale. Peut-être que les puissants du Nord reconnaîtront les signes du temps, surmonteront leur amour du statu quo et commenceront à partager plus équitablement le pouvoir et les recettes fiscales. La planète aurait bien besoin d'un peu plus de « hygge ».
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Bientôt la fin de la grande nébuleuse ?
30.09.2022, Finances et fiscalité
Fin mai, les procureurs de Francfort ont perquisitionné les bureaux de la Deutsche Bank et de sa filiale de gestion d'actifs pour des activités présumées de « greenwashing ». Un signal qui annoncerait la fin du grand flou artistique en la matière ?
Des éoliennes près de la centrale nucléaire désaffectée de Grohnde, en Basse-Saxe. L’UE souhaite faire passer pour « verts » les investissements dans l’énergie nucléaire, un souhait critiqué par les organisations environnementales.
© Foto: KEYSTONE / DPA / Julian Stratenschulte
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Une résolution historique à l’ONU
22.11.2023, Finances et fiscalité
À New York, une grande majorité des États membres de l'ONU a dit oui à une convention-cadre des Nations Unies en matière fiscale. C'est un grand succès pour le Sud global. Ce tournant offre désormais à la communauté internationale la chance de créer, pour la première fois dans l'histoire de la politique fiscale internationale, des règles réellement applicables à l'échelle de la planète.
© Dominik Gross
Aujourd'hui à New York, 125 États membres de l'ONU ont approuvé l'introduction d'une convention-cadre de l'ONU en matière fiscale. Les pays du Sud global se sont dits « pour » pratiquement à l'unisson. Certains membres de l'OCDE se sont abstenus de manière surprenante : la Norvège, l'Islande, la Turquie, le Mexique, le Costa Rica et le Pérou, candidat à l'adhésion. La Colombie et le Chili ont même voté pour la résolution. La Suisse s'est opposée avec tous les autres pays de l'OCDE, dont les États-Unis, le Royaume-Uni et l'UE dite fermée. La décision est historique : une telle convention avait déjà fait l’objet de débats en 2015 lors de la 3e Conférence internationale sur le financement du développement dans la capitale éthiopienne Addis Abeba, mais elle n'avait finalement pas été intégrée dans le Programme d’action d’Addis-Abeba (PAAA) adopté à l'époque. Pour la première fois dans l'histoire centenaire de la politique fiscale multilatérale, un forum véritablement mondial prévoyant des décisions juridiquement contraignantes est désormais institué à l'ONU, au sein duquel tous les pays peuvent négocier et déterminer sur un pied d'égalité les futures règles de la politique fiscale internationale. Il s’agira de définir l’an prochain les différents principes et éléments de la convention : par exemple la transparence fiscale, l'imposition des multinationales ou des fortunes offshore.
L’OCDE en échec
Il y a plusieurs raisons pour lesquelles ce qui n'était qu'une utopie du mouvement mondial pour la justice fiscale voilà une décennie est devenu possible aujourd'hui. La première et la plus importante est à coup sûr l'échec de l'Organisation de coopération et de développement économiques, l’OCDE. Elle n’est pas parvenue ces quinze dernières années à initier des réformes fiscales qui auraient apporté des recettes fiscales bien plus substantielles aux pays du Sud mondial également. Certes, l'OCDE a récemment tenté de se départir de son image de club exclusif des pays les plus prospères (elle ne compte que 38 membres). Elle a aussi combattu l'impression très répandue qu'il s'agit uniquement d'assurer des privilèges (fiscaux) à ses membres. Ainsi, depuis 2016, les non-membres ont également pu s'asseoir à la table des négociations. Mais l'introduction de l'imposition minimale pour les grandes entreprises multinationales n'apporte pratiquement rien aux pays du Sud, qui forment ce que l’on appelle le G77 à l’ONU (le groupe compte aujourd'hui 134 membres). Des pays comme les États-Unis, l'Irlande ou la Suisse ont par exemple transformé la dernière réforme fiscale des entreprises en un programme récompensant les pays fiscalement cléments.
C’est pourquoi les pays du G77 misent désormais sur l’ONU. De son côté, l'OCDE risque de perdre beaucoup d’influence dans la politique fiscale internationale : ces derniers mois, des pays majeurs comme les États-Unis, le Canada, la Chine et d'autres États d'Asie ont remis en question leur mise en œuvre nationale de la dernière réforme de l'OCDE. En Suisse, Economiesuisse et certains représentant-e-s de l'économie au Parlement se sont récemment exprimés dans ce sens et ont plaidé pour un report de la mise en œuvre de l'imposition minimale en Suisse. Tout cela apporte de l'eau au moulin de l'ONU en matière de politique fiscale. Si les États du Nord font obstruction à ce niveau, le système fiscal mondial applicable aux entreprises multinationales risque de devenir un patchwork unilatéral qui n'est dans l'intérêt ni des entreprises ni des États. C'est précisément ce que l'OCDE devait éviter dans sa dernière période de réforme, mais elle échoue justement à cause de la mise en œuvre dans les États nationaux et de leur manque de volonté de pousser les réformes de l'OCDE. Le premier pilier de la réforme, la redistribution d'une partie des bénéfices des multinationales des États de résidence vers les États du marché, s’enlise probablement dans les tiroirs parisiens.
Il faut que les États-Unis, l'UE et la Suisse s’activent
Ces derniers jours, d’éminents économistes et anciens politiciens comme Joseph Stiglitz, Jayati Gosh, Thomas Piketty ou Thabo Mbeki ont plaidé pour la création d’une convention de l’ONU sur la fiscalité. L’Alliance mondiale pour la justice fiscale (Global Alliance for Tax Justice), dont fait partie Alliance Sud, œuvre dans ce sens depuis des décennies. Nous demandons à la Suisse de participer de manière constructive aux prochaines négociations sur la mise en œuvre de la convention. Jusqu'ici, notre pays s'est surtout distingué par le peu de cas qu’il fait du projet. Dans le cadre de son mandat actuel au Conseil de sécurité, la Suisse, toujours considérée (à juste titre) à l'étranger comme un paradis fiscal arriéré, dispose en fait d’une grande chance d'apparaître pour une fois comme un lanceur de ponts à l'ONU et une force d'équilibre entre les blocs dans le domaine de la politique économique également. Ce serait une position cohérente sur la toile de fond de sa campagne « a plus for peace ». Finalement, une politique fiscale mondiale qui aide tous les pays à dégager davantage de recettes est aussi une politique de sécurité, car des recettes fiscales suffisantes sous-tendent une communauté forte bien formée, profitant d’infrastructures publiques et d’un système social et de santé performant. Ce sont des éléments clés de la lutte contre la pauvreté et donc de la promotion de la démocratie, de la prévention de la migration et du terrorisme. Enfin, une plus grande justice fiscale mondiale est une condition nécessaire au financement d'un développement durable à l’échelle du globe, tel que la communauté internationale le vise avec les Objectifs de développement durable de l'ONU d'ici 2030. La dernière décennie a prouvé que l'OCDE n'est pas à la hauteur dans ce contexte. La Suisse et tous les autres pays « bloqueurs » du Nord seraient dès lors bien inspirés de s’activer et de participer désormais de manière constructive à l'élaboration de la convention.
Davantage de coopération en matière de politique économique dans un monde divisé
Les développements actuels en matière de politique fiscale à l'ONU ont aussi une composante géopolitique : la première résolution visant à renforcer la politique de l'ONU en matière fiscale a été adoptée à l'unanimité par l'Assemblée générale voilà un an. À l'époque, au vu de la situation géopolitique mondiale, les États du Nord n’ont pas osé froisser une fois de plus les États du G77 après la colère qu’ils avaient exprimée face à la lutte mondiale contre la pandémie (inégalité devant la vaccination), aux conséquences peu atténuées de la guerre en Ukraine pour le Sud mondial (crise alimentaire) et à la politique climatique et d'endettement du Nord (manque de compréhension pour la situation du Sud). Les États du Nord voulaient éviter de les pousser ainsi davantage dans les bras de la Russie et de la Chine. Faire fi de cette démonstration, l'an dernier, de la volonté de coopérer en matière de politique fiscale, et donc aussi de politique économique, irait de pair avec des risques considérables pour l'Occident. Une attitude constructive apporte en revanche la chance de redonner des perspectives universalistes, au moins en matière de politique fiscale, à un monde où agissent justement des forces centrifuges extrêmement vives.
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Communiqué
Révolution fiscale? Tempête dans un verre d’eau
08.10.2021, Finances et fiscalité
Enfin du concret au niveau de l’OCDE : les représentant-e-s des 140 pays participant aux négociations se sont réuni-e-s aujourd’hui pour décider de la mise en œuvre concrète de la nouvelle imposition minimale des groupes d’entreprises et des modalités d’une répartition plus équitable d'une petite partie des bénéfices exorbitants des groupes numériques. Il est clair que les résultats sont décevants sous l’angle de la politique de développement. Et que le paradis fiscal suisse s'en tire à bon compte.
© Harry Hautumm / pixelio.de
Cette réforme (dite BEPS 2.0, « Base Erosion and Profit Shifting », soit érosion de la base d’imposition et transfert des bénéfices) porte, d’une part, sur la redistribution des bénéfices des groupes d’entreprises des États de domicile vers les pays du marché (pilier 1) et, d'autre part, sur l'introduction d'un impôt minimal transnational effectif pour les multinationales (pilier 2). Malgré ces approches prometteuses, la « révolution fiscale » tant prônée fait toujours défaut.
« La réforme BEPS 2.0 laisse à désirer pour deux raisons majeures », selon Dominik Gross, expert en politique fiscale internationale chez Alliance Sud. « Tout d'abord, l'ensemble de l'industrie extractive et le secteur financier sont exclus du premier pilier et seule une très petite partie des bénéfices est re-distribuée. Deuxièmement, le taux minimal d'imposition de 15 % envisagé dans le deuxième pilier est bien trop bas. » Les pays abritant les sièges sociaux de nombreux groupes de sociétés, comme la Suisse, peuvent eux-mêmes décider s'ils veulent introduire le nouvel impôt minimal ; à l'inverse, le Sud reste une fois de plus sur le carreau. Les pays d'Afrique, d'Amérique latine et d'autres pays en développement ont généralement des taux d'imposition de 25 ou 30 %. Pour les groupes internationaux spécialisés dans les matières premières en particulier, il reste donc intéressant de transférer leurs bénéfices vers les sièges sociaux helvétiques.
Selon un calcul des économistes Petr Janský et Miroslav Palanský (2019), les pays à bas ou moyens revenus voient des recettes fiscales de l’ordre de 30 milliards de dollars leur échapper chaque année en raison du transfert de bénéfices des multinationales. À l'inverse, d’après un groupe d'économistes réunis autour de l’expert fiscal Gabriel Zucman, la Suisse tire 38% de ses recettes fiscales totales du transfert de bénéfices en provenance d'autres pays, soit plus de 100 milliards de dollars par an. Notre pays n’aura guère à renoncer à cette manne.
Conclusion de Dominik Gross : « Quiconque en Suisse entend s'engager en faveur d'une politique fiscale globalement plus équitable et d'un changement de paradigme dans notre territoire à faible imposition ne peut pas compter sur l'OCDE pour une résolution extérieure des problèmes. Il convient dès lors de s’appuyer sur les forces progressistes des milieux politiques suisses. » Ces dernières peuvent prôner l'introduction d’une publication des déclarations pays par pays (« Country-by-Country Reportings », CbCR) qui améliorerait la transparence fiscale des groupes d’entreprises multinationales en Suisse. Elles devraient en outre exiger du Conseil fédéral qu’il plaide pour un renforcement du rôle de l'ONU sur la scène internationale. C'est la seule manière de garantir que les pays du Sud puissent faire valoir leurs intérêts sur un pied d'égalité dans le prochain aménagement d'un système fiscal international plus équitable.
Complément d’information :
Dominik Gross, expert en politique fiscale internationale chez Alliance Sud, tel. +41 78 838 40 79
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Les touristes du sommet de Rome
03.11.2021, Finances et fiscalité
Le nouveau taux d’imposition mondial minimal de l'OCDE et du G20 distribue les richesses dans la tradition du monde (post)colonial : il favorise le Nord en exacerbant les inégalités planétaires.
L'eau de la Fontana di Trevi avec ses nombreuses pièces de monnaie.
© Wolfgang Dirscherl / pixelio.de
Les chefs de gouvernement des pays du G20 ont clos leur rencontre en jetant des pièces de monnaie dans la fontaine de Trevi, un rite auquel sacrifient presque tous les touristes découvrant la Ville éternelle. Et au vu des résultats de ce sommet en termes de politique climatique et fiscale, ainsi que de pandémie, on était alors tenté de croire que les plus puissants du monde n’étaient au fond rien de plus que des touristes : des personnes peu désireuses de forger activement le monde, mais ambitionnant qu’il les favorise si on tente de s'enrichir à ses dépens. Des pièces de monnaie dans la fontaine donc !
« Why don’t you come on back to the war, don’t be a tourist », dit une chanson de Leonard Cohen. Dans le cas du sommet du G20 de Rome, la « guerre » – au-delà de la pandémie – aurait été la lutte contre la crise climatique et l’inique système d’imposition mondiale des groupes d’entreprises multinationales. Juste avant la Conférence sur le climat entamée cette semaine à Glasgow (COP26), le sommet aurait été une excellente occasion de commencer à réfléchir ensemble, au plus haut niveau politique également, à ces trois grands défis politiques mondiaux contemporains – on en était très loin !
Inutile réforme de l’imposition des sociétés par l'OCDE et le G20
Négociée par plus de 120 pays dans le cadre de l’OCDE en l’absence de nombreux pays africains, la réforme de l’imposition des sociétés désormais approuvée à Rome par les pays du G20 sur ses points essentiels, le montre de façon exemplaire : ce qui est célébré comme un « accord historique » par le président américain Biden ou le chancelier allemand désigné Scholz, et qui est présenté sans esprit critique comme une « révolution fiscale mondiale » par de nombreux médias, suisses y compris, n'est objectivement pas plus qu'une vaguelette déclenchée par une pièce de monnaie.
En fait il s’agit là, d'une part, de la redistribution des bénéfices des groupes de sociétés des États de domicile vers les pays du marché (pilier 1) et, d'autre part, de l'introduction d'un impôt minimal effectif pour les multinationales (pilier 2). La réforme BEPS 2.0 (« Base Erosion and Profit Shifting », soit érosion de la base d’imposition et transfert des bénéfices) laisse à désirer sous l’angle de la politique du développement pour deux raisons majeures. Premièrement, l'ensemble de l'industrie extractive et le secteur financier sont exclus du premier pilier pour des raisons techniques. Largement tributaires des industries extractives, les pays pauvres du Sud n’auront donc pas de droits supplémentaires pour taxer les bénéfices de ces industries. De plus, le premier pilier ne redistribue qu'une très faible partie des bénéfices, et ce uniquement dans les sociétés affichant un chiffre d'affaires annuel de 20 milliards de dollars et un taux de profit de plus de 10 %. Au niveau mondial, seule une centaine d'entreprises sont concernées ; en Suisse vraisemblablement les géants Novartis, Roche, Nestlé et Schindler uniquement. Les principaux bénéficiaires de cette redistribution seront les pays riches dotés de vastes marchés intérieurs comme les États-Unis ou l'Allemagne. Deuxièmement, le taux d'imposition minimal de 15 % prévu dans le deuxième pilier est beaucoup trop bas et ne peut être appliqué que par le pays dans lequel la société concernée a son siège. Et là encore uniquement à la condition que cette société présente un chiffre d'affaires annuel de plus de 750 millions d'euros.
Les pays en développement restent sur le carreau
Selon un calcul des économistes Petr Janský et Miroslav Palanský (2019), les pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure (« lower-middle-income countries » ; situés sans exception dans l'hémisphère sud) voient des recettes fiscales de l’ordre de 30 milliards de dollars par an leur échapper en raison du transfert de bénéfices des multinationales du Nord. Or ces montants exorbitants pour les pays pauvres sont d’une extrême importance sur le plan de la politique climatique : ils correspondent au sextuple (et ce sera moins encore en réalité) des ressources financières promises par la communauté internationale dans le cadre du Fonds vert pour le climat (FVC) pour l'adaptation au changement climatique dans les pays en développement de 2020 à 2023. Et le FVC n'inclut même pas le financement des pertes et préjudices (« Loss&Damage »), à savoir la compensation des pertes et dégâts (par exemple terres, infrastructures ou biodiversité) déjà causés par la crise climatique, par des tempêtes notamment. Pour combler ce déficit de financement, une meilleure mobilisation de ressources financières nationales (« domestic revenue mobilization ») est également indispensable pour les pays en développement.
Aujourd'hui, l’imposition internationale des sociétés va totalement à l'encontre d’un tel objectif. La récente réforme fiscale n’y changera rien. C'est ce que montrent les cas d'évasion fiscale récemment rendus publics dans des sociétés comme Socfin (commerce d'huile de palme et de caoutchouc), Glencore (pétrole, cuivre, charbon et autres matières premières) et Nestlé (denrées alimentaires), dans lesquels notre pays à faible imposition joue systématiquement un rôle central. Tandis que l'étude publiée en octobre par Pain pour le prochain, le réseau allemand pour la justice fiscale et Alliance Sud révèle que Socfin paie la majeure part de ses impôts à Fribourg, en Suisse, même si un pan majeur de ses activités a lieu dans les plantations de Sierra Leone, du Libéria et du Cambodge et que la valeur ajoutée est donc également générée dans ces pays, l'exemple de Nestlé au Maroc souligne l’impérieuse nécessité d’une administration fiscale nationale forte : du fait de calculs de prix de transfert peu clairs, l'entreprise suisse de tradition risque de devoir payer des arriérés d'impôts record de 110 millions de dollars. Cela n'aurait pas été possible sans les autorités fiscales qui ont scruté l'entreprise à la loupe - mais ce sont précisément de telles ressources qui manquent à de nombreux pays en développement.
Reste à espérer qu’au cours des deux prochaines semaines, les acteurs clés de la Conférence des Nations Unies sur le changement climatique de Glasgow ne seront pas trop influencés par les touristes de marque de Rome et qu'ils agiront au lieu de faire une agréable excursion. Les exigences majeures dans une perspective de politique mondiale sont sur la table des négociations : les pays riches doivent mettre à disposition 100 milliards de dollars par an pour lutter contre la crise climatique, comme ils l’ont promis voilà dix ans, et dédommager les pays pauvres pour les préjudices (« Loss&Damage ») qu’ils ont subis.
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L’ode à la joie des pays riches
07.12.2021, Finances et fiscalité
L'OCDE et le G20 ont donné leur bénédiction à l'introduction d'un taux d’imposition minimal des grandes entreprises multinationales. Cette décision a donné lieu à de vives critiques en Afrique, en Asie et en Amérique latine.
« Pecunia non olet » (l’argent n’a pas d’odeur) : lors du sommet du G20 à Rome fin octobre, les chefs d’État et de gouvernement se sont réunis devant la Fontaine de Trevi pour y jeter une pièce en euro frappée spécialement pour le sommet.
© Roberto Monaldo/Keystone/APA/laPresse
À la mi-octobre, les quelque 120 pays membres du Cadre inclusif sur le BEPS de l'OCDE et, finalement, les pays du G20 également, se sont entendus sur l'introduction d’un nouveau taux d’imposition minimum international. « Accord historique ! », « Révolution fiscale mondiale ! », « Changement de paradigme ! » ont alors entonné les opinions publiques d’Europe et d’Amérique du Nord. L’enthousiasme était plus modéré sur d'autres continents : les ONG d’Afrique et d’Asie œuvrant pour la justice fiscale ont critiqué l'entente trouvée à l'OCDE en parlant d’accord fiscal des riches (« Tax Deal of the Rich ») et les pays du G24 – une alliance de gouvernements africains et latino-américains de pays en développement et émergents – ont trouvé à redire à la perte d'autonomie fiscale nationale qui irait de pair avec les nouvelles règles. Ainsi, les pays désireux de maintenir leurs taxes numériques unilatérales, ou d’en introduire de nouvelles, subiront la pression des sanctions imposées par l'OCDE. En réponse à ce que le Sud a considéré comme un accord incomplet, dont le contenu a été pour l’essentiel négocié sur la base d’un compromis entre les États-Unis, l'Allemagne, la France et les principaux paradis fiscaux pour les entreprises multinationales comme l'Irlande, les Pays-Bas, le Luxembourg et la Suisse, les pays du G77 (le groupe des pays en développement auprès des Nations Unies) ont présenté une résolution en faveur d'une instance intergouvernementale sous l'égide des Nations Unies qui reprendrait de l’OCDE le rôle d’un chef de file politique dans le domaine de la politique fiscale internationale – et serait ainsi garante d’une bien meilleure représentation des anciens États coloniaux du Sud.
Imposition minimale de l’OCDE : efficacité nulle en termes de politique de développement
La réforme laisse à désirer pour deux raisons majeures dans la perspective des pays du Sud. Premièrement, l'ensemble de l'industrie extractive et le secteur financier sont exclus de la redistribution du substrat fiscal. Largement tributaires des industries extractives, les pays pauvres du Sud n’auront donc pas de droits supplémentaires pour taxer les bénéfices de ces industries. De plus, le Pilier Un (redistribution des bénéfices des entreprises des pays d'accueil vers les pays de marché) s’applique uniquement aux entreprises affichant un chiffre d'affaires annuel de 20 milliards de dollars et un taux de profit de plus de 10 %. Au niveau mondial, seule une centaine d'entreprises sont concernées ; en Suisse vraisemblablement les géants Novartis, Roche, Nestlé et Schindler uniquement. Les principaux bénéficiaires de cette redistribution sont les pays riches dotés de vastes marchés intérieurs comme les États-Unis ou l'Allemagne. Deuxièmement, le taux d'imposition minimal de 15 % prévu dans le Pilier Deux est beaucoup trop bas et ne peut être appliqué que par le pays dans lequel la société concernée a son siège. Et là encore uniquement à la condition que cette entreprise présente un chiffre d'affaires annuel de plus de 750 millions. Pour le Sud, qui juge que la réforme de l'OCDE est un échec, cette nouveauté a des effets dramatiques : en effet, les pays en développement pâtissent énormément des transferts de bénéfices des entreprises multinationales que le système fiscal actuel rend possibles. Selon un calcul des économistes Petr Janský et Miroslav Palanský (2019), ils perdent des recettes fiscales de l’ordre de 30 milliards de dollars par an en raison des transferts de bénéfices vers les centres des multinationales du Nord. Toutefois, une meilleure mobilisation des recettes fiscales nationales (« domestic revenue mobilization ») – que la Suisse définit également comme l'un des objectifs de sa coopération technique au développement – ne peut réussir que s’il est mis fin à la fuite du substrat fiscal vers les juridictions à faible imposition. Depuis quarante ans, les multinationales n'ont cessé de développer ces pratiques avec l'aide bienveillante des États de domicile du Nord. Les piliers de la réforme désormais adoptés par l'OCDE et les pays du G20 n'y changeront rien.
Nestlé, Glencore, Socfin : de nouveaux cas d’évasion fiscale en Suisse
Les cas d'évasion fiscale récemment rendus publics dans des entreprises comme Socfin (commerce d'huile de palme et de caoutchouc), Glencore (pétrole, cuivre, charbon et autres matières premières) et Nestlé (denrées alimentaires), dans lesquels notre pays à faible imposition joue systématiquement un rôle central, démontrent que les nouvelles règles de l'OCDE sont insuffisantes. Alors que l'étude « Cultivating Fiscal Inequality », tout juste publiée par Pain pour le prochain, le réseau allemand pour la justice fiscale et Alliance Sud, révèle que Socfin paie la majeure part de ses impôts à Fribourg, en Suisse, même si un pan majeur de ses activités a lieu dans les plantations de Sierra Leone, du Libéria et du Cambodge et que la valeur ajoutée est donc également générée dans ces pays, l'exemple de Nestlé au Maroc souligne l’impérieuse nécessité d’une administration fiscale nationale forte : du fait d’opaques calculs de prix de transfert, l'entreprise suisse de tradition risque de devoir payer des arriérés d'impôts record de 110 millions de dollars. Cela n'aurait pas été possible sans les autorités fiscales qui ont scruté l'entreprise à la loupe. Mais ce sont précisément de telles ressources qui manquent à de nombreux pays en développement. Un autre rapport publié fin octobre par l'ONG d’investigation CICTAR (Centre for International Corporate Tax Accountability and Research) révèle un transfert de bénéfices du groupe spécialisé dans les matières premières Glencore, de l'Australie vers le canton de Zoug, dans le cadre de ses activités liées au charbon. Même si la pratique n'a pas de lien direct avec la politique de développement, l'étude montre comment Zoug, canton où Glencore a son siège, bénéficie directement de l'une des activités les plus dommageables pour le climat. Avec son système de faible imposition des entreprises multinationales, la Suisse ne s'oppose pas seulement à une transformation écologique et juste de la société mondiale en termes économiques. Elle le fait aussi directement au plan politique.
La Suisse comme avocat des multinationales auprès de l’OCDE
Dans le cadre d'une alliance avec d'autres juridictions à faible imposition comme l'Irlande, le Luxembourg, les Pays-Bas ou la Hongrie, la Suisse défend toujours les réformes les moins contraignantes possible lors des négociations de politique fiscale à l'OCDE. Elle vient de le faire à nouveau dans le cadre du récent processus de réforme. Preuve en est une lettre que le ministre des finances de l'UDC, Ueli Maurer, a envoyée en août au nouveau secrétaire général de l'OCDE, Mathias Cormann. Ueli Maurer y exige des déductions de l'imposition minimale pour les sociétés de groupe menant des activités de recherche et de développement (dans l'intérêt des géants pharmaceutiques bâlois) et propose une règle supplémentaire selon laquelle les multinationales pourraient déduire les taxes payées sur le CO2 de leurs impôts sur les bénéfices. Une proposition absurde : les entreprises multinationales minent les efforts mondiaux de lutte contre la crise climatique par leurs pratiques d'évasion fiscale et elles devraient simultanément être indemnisées pour leurs taxes incitatives, censées renchérir l'activité économique nuisible au climat afin d'encourager les sociétés à investir dans les technologies vertes.
Dans sa réponse, M. Corman juge la proposition d’Ueli Maurer farfelue : « Les taxes sur le CO2 sont des taxes sur les intrants [les émissions de CO2 sont taxées dans la production, note de l’auteur] et non sur les revenus [donc les bénéfices des entreprises, idem] et ne s'inscrivent donc pas dans le cadre conceptuel et la conception des deux piliers ». Il est d'autant plus remarquable que M. Maurer a apparemment eu plus de succès avec sa première demande visant à de nouvelles déductions de l'imposition minimale pour les pharmas. Dans la « Handelszeitung », le Département des finances a fièrement annoncé ce qui suit comme un succès suisse à Paris après l’accord de l'OCDE : en permettant aux entreprises de demander des déductions pour les coûts de personnel et d'infrastructure, leur revenu imposable est réduit de 10 et 8 % respectivement au cours des cinq premières années après l'introduction de l'imposition minimale (ensuite de 5 % dans chaque cas). Les coûts de ces déductions sont supportés par le fisc suisse. Le Secrétariat d'État aux questions financières internationales (SFI), responsable auprès du DFF, représente donc auprès de l'OCDE ni les intérêts d’une communauté mondiale ni les intérêts nationaux des collectivités publiques suisses, mais tout simplement ceux des entreprises multinationales basées chez nous. Donc quiconque en Suisse entend s'engager en faveur d'une politique fiscale globalement plus équitable et d'un changement de paradigme en matière de faible imposition suisse ne peut compter ni sur l'OCDE ni sur le Conseil fédéral. Dans un tel objectif, il faut faire appel aux forces politiques progressistes et à la société civile.
La Suisse pourrait améliorer la réforme de l'OCDE : mode d’emploi
La nouvelle encourageante dans ce contexte est que relativement peu de modifications techniques pourraient améliorer le taux d’imposition minimal élaboré par l'OCDE de sorte que les pays producteurs pauvres puissent en bénéficier également : je veux parler du taux d’imposition effectif minimum sur les entreprises multinationales (« minimum effective tax rate for multinationals », METR). Il a été élaboré par la société civile en coopération internationale avec des économistes et des avocats fiscalistes et s’appuie pour l’essentiel sur les mêmes concepts techniques que ceux de l’OCDE. Mais, premièrement, il réaménage l’impôt minimum de sorte qu’il puisse être mis en œuvre conjointement par des pays individuels, ou des groupes de pays, sans qu'il soit nécessaire – contrairement à la mise en œuvre du Pilier Deux de l'OCDE – de conclure un nouvel accord multilatéral ou de modifier les conventions bilatérales en matière de double imposition, ce qui constitue une autre faiblesse du concept de l'OCDE. Deuxièmement, le METR s’applique également aux pays de domicile, de vente et de production des multinationales. Dans un premier temps, on calcule le total des bénéfices sous-imposés au sein d'un groupe. Ces derniers sont définis par un taux d'imposition minimum, comme dans la proposition de l'OCDE. Ce qui est inférieur à ce taux passe pour sous-imposé. Alors que le Pilier Deux de l'OCDE prescrit un taux d'imposition minimal de 15 %, le METR partirait d’un taux de 25 %, s'orientant ainsi vers la moyenne mondiale actuelle, qui se situe juste en dessous.
À la faveur d’une deuxième étape, ces bénéfices sous-imposés seraient ainsi attribués aux pays dans lesquels la création de valeur d'une multinationale a effectivement lieu. Une formule (« formulary apportionment ») assurerait cette attribution. Elle prend en compte a) le capital (actifs physiques), b) le personnel et c) les revenus des ventes d'une entreprise multinationale dans un pays donné. Lors d’une troisième démarche, les différents États peuvent imposer de manière autonome ces bénéfices localisés, conformément à leur législation fiscale nationale. Cela peut garantir, au moins partiellement, que les bénéfices d'une entreprise multinationale soient effectivement imposés là où une certaine valeur dont les bénéfices résultent est produite (dans les pays de production) ou vendue (dans les pays de marché). Mais la question se pose de savoir si les pays qui mettent en œuvre les nouvelles règles de l'OCDE peuvent simultanément introduire un taux d'imposition minimum supérieur au taux de 15 % de l'OCDE. Il s'agirait toutefois d'une condition préalable pour que les pays en développement dont les taux actuels d'imposition des bénéfices sont généralement supérieurs à 25 % puissent également bénéficier du METR. Mais en principe, les pays membres du Cadre inclusif de l'OCDE sont libres de décider s'ils veulent introduire ou non le taux d’imposition minimum de l'OCDE.
Si la Suisse était politiquement prête à repenser son modèle économique de base dans ses relations avec les entreprises multinationales, elle serait le pays idéal pour l'introduction du système METR. En tant qu'important État hôte d’entreprises multinationales, elle dispose des informations nécessaires sur leurs pratiques commerciales, ce qui lui permettrait aussi de faire avancer la mise en œuvre du METR sur le plan de la politique fiscale. En outre, ses chances de trouver des pays partenaires pour ce système seraient élevées vu que l'imposition helvétique des entreprises multinationales a une influence significative sur la situation fiscale de nombreux pays qui sont liés à la Suisse par les entreprises multinationales correspondantes. Si elle cherchait ces partenaires, par exemple, parmi les pays du Sud où les entreprises suisses extraient des matières premières, ou parmi les pays émergents considérés comme des débouchés pour les entreprises de biens de consommation de la Suisse – comme Nestlé ou Procter&Gamble –, une introduction helvétique du système de taxation METR contribuerait dans une large mesure à une politique de développement suisse efficace.
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La place financière protège les amis de Poutine
03.03.2022, Finances et fiscalité
Avec la guerre en Ukraine, les contradictions entre les principes de sa politique étrangère et ses intérêts en matière de politique économique extérieure ont explosé à la figure de la Suisse officielle. Il est temps de les surmonter, enfin.
Manifestation pour la paix à Berne le 26 février 2022 : la société civile fait pression sur le Conseil fédéral pour qu'il renforce les sanctions contre la Russie.
© Marco Fähndrich / Alliance Sud
L'invasion russe en Ukraine a mis en lumière les principales faiblesses de la politique étrangère helvétique. Comme au cours des mois précédents, alors que les tensions entre la Russie, l'Ukraine et l'OTAN ne cessaient de croître, le Conseil fédéral a joué, au cours de la première semaine de guerre, le rôle qui correspond à l'image que la Suisse officielle donne dans le monde en matière de politique étrangère. Il s'agit notamment des principes de neutralité, de médiation diplomatique entre les parties au conflit ("bons offices") et de l'insistance sur le respect des droits humains et des peuples. Le ministre des Affaires étrangères et président de la Confédération Ignazio Cassis a ainsi proposé aux belligérants une rencontre à Genève afin d'entamer des négociations de paix. Pendant ce temps, le gouvernement ukrainien a préféré se tourner vers Israël. Entre-temps, les belligérants se parlent en Biélorussie, près de la frontière ukrainienne. La Suisse n'y joue aucun rôle. On ne peut pas s'empêcher de penser que les bons offices de la Suisse intéressent actuellement surtout la Suisse.
Dans le pétrin entre le lobby de la place financière et l'UE/les États-Unis
Alors que la diplomatie suisse a travaillé pour la galerie ces dernières semaines et ces derniers mois, il a fallu quatre longues journées chaotiques au Conseil fédéral pour se rallier pleinement aux sanctions de l'Union européenne contre la Russie. Quatre jours pendant lesquels il a été possible pour des fortunes russes proches du régime de restructurer leurs constructions transnationales d'entreprises, de placements et de comptes, dans lesquelles des banques suisses et d'autres prestataires de services financiers jouent (ou ont joué) un rôle, de telle sorte qu'elles ne puissent plus du tout être touchées par les sanctions. La NZZ rapporte en tout cas de l'intérieur de la place financière que l'agitation est très grande dans les affaires russes. La manière dont les banques réagissent aux sanctions semble être une question stratégique : les unes misent sur une application aussi stricte que possible pour minimiser les risques juridiques considérables dans ce contexte ; les autres sur un manque de transparence maximal, ce qui devrait les rendre encore plus attractives pour les clients russes. On peut supposer que la pression politique exercée par l'UE et les Etats-Unis sur le Conseil fédéral, pour qu'il prenne des sanctions, a dû dépasser celle exercée par les représentants politiques de la place financière pour que notre gouvernement, à majorité de droite, se décide à prendre cette mesure.
Il n'est toutefois pas garanti que les sanctions financières contre les Russes fortunés soient vraiment plus qu'une politique symbolique. Les structures offshore par lesquelles les personnes fortunées du monde entier gèrent aujourd'hui leur argent sont transnationales et si imbriquées qu'il s’avère souvent presque impossible pour les autorités d'attribuer clairement des avoirs à des personnes précises. Le New York Times a ainsi rapporté que Vladimir Poutine, sanctionné par les Etats-Unis et la Suisse, était probablement le plus riche des Russes, mais que personne ne savait où se trouvait exactement son argent. Même le président de la Confédération Cassis a dû admettre il y a quelques jours que l'on ne savait pas si Poutine disposait de comptes en Suisse. L'application des sanctions se heurte ici au modèle commercial traditionnel de la place financière suisse, qui mise sur les chambres noires plutôt que sur la transparence. Les banques et les conseillers financiers continuent de proposer en Suisse des services qui favorisent l'évasion fiscale, le blanchiment d'argent, la corruption et les affaires criminelles. C'est ce qu'ont montré récemment - comme de nombreuses autres fuites auparavant - les "SuisseSecrets" ; une très vaste collection de données provenant de la gestion de fortune globale de Credit Suisse (CS), qui a été transmise par un lanceur d'alerte à la Süddeutsche Zeitung. A la question de savoir à combien s'élèvent les sommes d'argent russe gérées par des banques en Suisse, personne ne peut donner de réponse précise. La NZZ a écrit qu'il s'agissait de 50 à 150 milliards de francs. Rien que cette énorme fourchette est révélatrice du manque de transparence de la place financière locale. Ces estimations ne tiennent de toute façon pas compte des fortunes des Russes qui ont un domicile en Suisse. La somme des fortunes de ces résidents devrait être du même ordre de grandeur que celle des étrangers. Un domicile en Suisse est en effet très intéressant pour les riches, y compris en termes de gestion de fortune, puisqu'ils bénéficient de la protection encore très stricte du secret bancaire national. La côte d'or zurichoise, les stations alpines comme Gstaad ou St-Moritz et les rives des lacs de Zoug et de Genève témoignent du fait que les riches Russes aiment vivre au moins partiellement en Suisse.
Une banque à l'origine d'un nouveau scandale
De son côté, CS n'a pas seulement fait les mauvais titres de la presse ces dernières semaines avec les "Suisse Secrets". Le Financial Times a révélé hier que la grande banque suisse avait demandé ces derniers jours à des hedge funds et à d'autres investisseurs, sous l'effet des sanctions, de détruire des documents de certains clients russes sanctionnés. La banque leur avait accordé des crédits pour lesquels des yachts, des biens immobiliers et d'autres jouets avaient servi de garantie. Fin 2021, la banque avait "transféré" une partie de ces risques de crédit aux hedge funds concernés. On soupçonne CS d'avoir voulu, par cette demande, aider les clients russes à échapper aux sanctions. Au vu des scandales que l'une des principales banques suisses a produits quasiment toutes les semaines ces derniers mois, le principe de base de la philosophie suisse en matière de « compliance », à savoir l'autocontrôle des banques sur le respect de leur devoir de diligence, apparaît comme une plaisanterie.
La réaction extrêmement hésitante du Conseil fédéral face au déclenchement de la guerre en Ukraine et le comportement commercial très déloyal simultané de l'une des deux grandes banques helvétiques nuisent à la réputation de la Suisse et menacent ainsi également la crédibilité de sa politique étrangère. La semaine dernière, le ministre des Affaires étrangères Cassis a encore justifié la renonciation initiale du Conseil fédéral à appliquer les sanctions de l'UE et des Etats-Unis par la volonté de garder ouverte la voie du dialogue avec Poutine. De telles excuses ne sont pas nouvelles, mais, contrairement au mythe, elles constituent la fonction réelle de la neutralité suisse : Elle représente, surtout en cas de conflit, bien plus une possibilité de (continuer à) faire des affaires avec toutes les parties qu'elle ne permet à la diplomatie de jouer un véritable rôle de médiateur entre les parties en conflit. L'affirmation de cette dernière a toujours été et est toujours plus facile à justifier politiquement. C'est ce qui s'est passé pendant la Seconde Guerre mondiale avec l'Allemagne nazie ou dans les années 1980 avec le contournement des sanctions économiques dans les échanges avec l'Afrique du Sud de l'apartheid. Au vu des nouveaux grands conflits dramatiques dans le monde, la Suisse ne semble plus pouvoir se permettre, jusqu’à nouvel ordre, une stratégie de politique étrangère aussi hasardeuse. Le fait que la Suisse, après avoir initialement refusé les sanctions américaines et européennes, les ait finalement adoptées (ou ait dû le faire), le laisse en tout cas penser.
Une inversion de la politique étrangère est nécessaire
Le Conseil fédéral et le Parlement seraient donc bien avisés de saisir l'occasion fournie par les crises actuelles pour inverser le rapport entre la politique étrangère et la politique économique extérieure de la Suisse : les valeurs fondamentales de la politique étrangère suisse ne devraient plus servir de feuille de vigne morale pour les intérêts économiques extérieurs. Au lieu de cela, la pratique de cette dernière devrait s'orienter sur les principes de la première. La Suisse s'est d'ailleurs engagée en faveur d'une telle cohérence politique lorsqu'elle a promis en 2015, avec tous les Etats membres de l'ONU, de mettre en œuvre les Objectifs de développement durable de l'ONU, qui ont alors été ancrés dans l'Agenda 2030. Celle-ci se base sur le principe de la cohérence politique pour le développement durable. En principe, ce principe signifie qu'aucun domaine politique ne doit contredire les objectifs d'un autre.
Comme premier pas efficace à moyen terme vers une politique fiscale et financière suisse cohérente du point de vue du droit international et des droits humains, la Berne fédérale pourrait augmenter la transparence des constructions offshore. Pour cela, il faut un registre public qui indique les véritables ayants droit économiques d'un compte bancaire ou d'une société-écran. A court terme, le Conseil fédéral doit mettre sur pied une task force réunissant toutes les institutions fédérales concernées (Département fédéral des finances (DFF), Autorité de surveillance des marchés financiers (FINMA), Ministère public de la Confédération (MPC), Bureau de communication en matière de blanchiment d'argent (MROS)). Celle-ci pourrait permettre la mise en œuvre effective des sanctions en examinant les structures patrimoniales réelles des personnes sanctionnées et en établissant ainsi un lien entre les noms et les patrimoines. D'autres pays ont déjà décidé de mettre en place une telle task force - notamment l'Allemagne et les États-Unis.
Des sociétés plus justes, plus écologiques et plus démocratiques sont la meilleure assurance contre les despotes brutaux comme Vladimir Poutine. Une politique commerciale et économique qui favorise l'équilibre politique en répartissant équitablement les richesses est à son tour une condition nécessaire à leur construction. La Suisse, en tant que centre financier et commercial important, dispose de leviers efficaces à l'échelle mondiale qui lui permettent de contribuer à de tels développements.
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Communiqué
Place financière suisse : avec les bellicistes
17.05.2022, Finances et fiscalité
La Suisse est la place financière la plus opaque du monde, derrière les États-Unis. C'est ce que révèle le nouvel indice de l’opacité financière du réseau pour la justice fiscale (TJN).
© Tax Justice Network
Gemäss den heute publizierten Berechnungen des TJN beherbergt die Schweiz einen der attraktivsten Finanzplätze für Steuerhinterzieherinnen, Geldwäscher, Terrorismusfinanziererinnen oder korrupte Politiker. Denn die Banken in der Schweiz verwalten nicht nur so viele ausländische Vermögen wie nirgends sonst in der Welt – gemäss der Schweizer Bankiervereinigung sind das aktuell über 3'600 Milliarden Franken –; der Schweizer Finanzplatz gehört trotz aller Reformen der letzten zehn Jahre immer noch zu den undurchsichtigsten weltweit.
Mit Blick auf den russischen Angriffskrieg in der Ukraine ist dies aus zwei Gründen problematisch, sagt Dominik Gross, Finanzexperte bei Alliance Sud, dem Schweizer Kompetenzzentrum für internationale Zusammenarbeit und Entwicklungspolitik: «Erstens fehlen in der Schweiz die Gesetze, die den Behörden eine aktive Suche nach einem grossen Teil der sanktionierten Vermögen russischer Oligarchen ermöglichen würden. Das zeigen die Analysen des TJN deutlich.» Gemäss Staatssekretariat für Wirtschaft (SECO) sind aktuell nur 6,3 Milliarden Franken russischer Vermögen in der Schweiz gesperrt, seit April haben die Banken über eine Milliarde schon wieder freigegeben. Obwohl gemäss Bankiervereinigung insgesamt 150-200 Milliarden russischer Vermögen in der Schweiz liegen.
Dazu kommt: Da die Schweiz mit vielen Entwicklungsländern immer noch keinen automatischen Informationsaustausch (AIA) über Bankkundendaten unterhält, haben Steuerhinterzieher aus Nicht-AIA-Ländern auf Schweizer Banken nach wie vor kaum etwas zu befürchten. Gross: «Sie verstecken hier Geld vor dem Fiskus ihrer Heimatstaaten, die dieses dringend im Kampf gegen die Nahrungsmittelkrise bräuchten, die der Ukraine-Krieg ausgelöst hat.»
Parlament muss handeln
Trotz grossem Handlungsbedarf bleibt der Bundesrat untätig. National- und Ständerat könnten aber bald korrigieren:
• Eine überparteiliche Motion im Nationalrat verlangt vom Bundesrat eine Gesetzesvorlage für mehr Transparenz, damit die wahren Besitzer von Briefkastenfirmen und Profiteure von Offshore-Konstrukten zumindest den Behörden bekannt werden.
• Mit weiteren Vorstössen wollen Nationalrät- und StänderätInnen vom Bundesrat wissen, wie er sanktionierte Vermögen in Zukunft aufspüren und konfiszieren will, und verlangen die Schaffung einer Schweizer Task-Force bzw. den Beitritt der Schweiz zur internationalen Task-Force, die aktiv nach russischen Vermögen sucht.
• Ein Postulat der aussenpolitischen Kommission des Nationalrates verlangt vom Bundesrat einen Bericht, worin er darlegt, wie er in Zukunft die Transparenz von Finanzflüssen erhöhen will, die in und durch die Schweiz fliessen.
Für weitere Informationen:
Dominik Gross, Experte für Finanzpolitik Alliance Sud: +4178 838 40 79; dominik.gross@alliancesud.ch
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Communiqué
Recettes fiscales appartiennent au Sud
23.06.2022, Finances et fiscalité
Le Conseil fédéral a présenté aujourd’hui sa proposition de mise en œuvre de la récente réforme de l’OCDE. Celle-ci n’aide pas les pays qui ont déjà été spoliés de leurs recettes fiscales par les multinationales suisses. Alliance Sud demande que les recettes supplémentaires soient redistribuées aux pays à bas revenus dans lesquels les entreprises suisses produisent. Le centre de compétence suisse pour la coopération internationale et la politique de dévelop-pement est soutenu dans cette démarche par l’ATAF, le forum des autorités fiscales africaines.
La justice fiscale passe à la trappe
© Thorben Wengert / pixelio.de
Au printemps 2021, de nombreux États promettaient encore que le système international d'imposition des multinationales deviendrait plus équitable avec l'introduction d'un impôt minimum. Or, le message du Conseil fédéral montre que ce qui aurait dû améliorer l'imposition des multinationales dans les États qui étaient jusqu'à présent touchés par l'évasion fiscale massive de ces entreprises entraînerait des recettes supplémentaires précisément dans les États qui ont permis cette évasion fiscale. La Suisse en fait partie en première ligne.
Pour Dominik Gross, expert en politique fiscale chez Alliance Sud : "Les recettes supplémentaires provenant de l'impôt minimum de 15% ne vont pas dans les pays qui ont perdu des milliards de recettes fiscales au cours des dernières décennies en raison de la "course vers le bas", mais à nou-veau dans des paradis fiscaux comme la Suisse". Depuis le début du millénaire, elle a rivalisé avec l'Irlande, le Luxembourg ou les Pays-Bas pour attirer les multinationales avec des taux d'imposition des bénéfices toujours plus bas. Grâce à de nombreuses lacunes dans le système fiscal international, celles-ci ne déclarent pas leurs bénéfices là où elles les réalisent, mais là où elles sont imposées aux taux les plus bas.
La justice fiscale passe à la trappe
Or, lors des négociations de l'OCDE de l'année dernière, ces pays à faible fiscalité ont fait du lobbying pour obtenir des modifications techniques de l'impôt minimum. Les bénéfices des groupes qui tombent sous le coup de l'impôt minimum ne seront pas versés dans les pays de production des groupes, mais pourront tout simplement être imposés un peu plus dans les pays à faible fiscalité. Ainsi, la Suisse ou l'Irlande obtiennent encore plus d'impôts sur des bénéfices qui ne devraient en fait pas être imposés chez eux, car ils sont générés ailleurs. Le ministre suisse des Finances Ueli Maurer a ainsi déclaré récemment dans la NZZ : "Si le taux d'imposition minimal dans la réforme globale de l'imposition des entreprises est aujourd'hui de 15 pour cent, et ce sans le mot "au moins", c'est grâce à l'attitude unie des petites économies nationales innovantes et à fort investissement". En d'autres termes : les paradis fiscaux pour les multinationales. Les pays d'extraction économiquement défavorisés des multinationales suisses des matières premières en Afrique, en Asie et en Amérique latine, où la véritable création de valeur a lieu, restent une fois de plus sur le carreau.
Ce que le Parlement doit corriger
Dominik Gross : "Le Parlement doit maintenant corriger le tir pour que l'impôt minimum en Suisse contribue tout de même à une plus grande justice fiscale globale et à un développement durable du monde". Alliance Sud propose trois améliorations :
1) La Confédération doit percevoir une grande partie des recettes supplémentaires, et non les cantons.
2) La Suisse devrait renoncer à l'application de l'impôt complémentaire national ("Top-Up Tax") pour les groupes qui produisent dans des pays considérés comme pauvres ("lower middle income" ou "low income countries" selon la Banque mondiale), afin de leur permettre de taxer les Bénéfices du groupe eux-mêmes d’une manière pareille. Cette demande d'Alliance Sud est soutenue par le Forum des autorités fiscales africaines (ATAF). Anthony Munanda, Senior International Tax Advisor de l'ATAF, déclare : "Il y a quelques groupes suisses qui sont actifs dans des pays africains et qui peuvent être soumis à l'impôt minimum en Suisse. Si la Suisse renonce à l'application de l'impôt complémentaire national pour ces entreprises, une partie de l'ensemble de la substance fiscale de ces entreprises peut être imposée dans les pays africains et autres pays en développement concernés " (lisez ici l'intégralité du commentaire de l'ATAF sur notre proposition).
3) Au moins un tiers des recettes supplémentaires de la Confédération doit être affecté au fi-nancement international de l'ONU pour le climat, en compensation des dommages que les entreprises suisses causent aux pays économiquement défavorisés du Sud.
Plus d'informations :
Dominik Gross, expert en politique fiscale Alliance Sud, tel. +41 78 838 40 79
Laurent Matile, responsable "Entreprises et développement", tel. 021 612 00 98
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Communiqué
Le Conseil national veut enfin des réponses
26.09.2022, Finances et fiscalité
Qu'il s'agisse ces dernières années de doutes sur l'application des sanctions contre les oligarques russes, de chiffres douteux sur la suppression de l'impôt anticipé ou de scandales offshore, le Conseil fédéral est souvent resté sans réponse. Lundi soir, le Conseil national a envoyé un signal clair contre le secret qui règne sur la place financière et commerciale suisse : il demande au Conseil fédéral un rapport qui doit montrer comment la transparence des flux financiers internationaux peut être améliorée.
Le résultat au Conseil national.
© Alliance Sud
Les débats sur les sanctions contre les oligarques russes qui gèrent leur argent par le biais de banques, de cabinets d'avocats, de sociétés-écrans ou de négociants en matières premières suisses, ou sur les conséquences fiscales du projet de réforme de l'impôt anticipé sur lequel les citoyen-ne-s ont voté dimanche, le montrent une fois de plus : lorsqu'il s'agit de comprendre comment et par quels canaux l'argent étranger transite par la Suisse, la politique, les médias et parfois même les autorités elles-mêmes restent dans le noir.
Le Conseil national veut changer cela : il a adopté un postulat de sa commission de politique extérieure qui demande au Conseil fédéral un rapport sur la manière dont il entend améliorer la transparence des flux financiers internationaux dans lesquels la Suisse est impliquée. Du point de vue d'Alliance Sud, le centre de compétence suisse pour la coopération internationale et la politique de développement, il s'agit d'une grande opportunité : « Après toutes les tergiversations de ces derniers mois et années, le Conseil fédéral a maintenant l'occasion de réfléchir calmement à la manière dont il entend renforcer la confiance dans le centre financier et commercial suisse face à la guerre, aux crises et aux scandales, et contribuer à améliorer sa réputation », explique Dominik Gross, expert en politique fiscale et financière chez Alliance Sud : « Sans transparence, rien n'est possible : car ce n'est que lorsque nous savons ce qu'il en est que nous pouvons apprendre ce que nous devons changer. »
Pour plus d‘informations :
Dominik Gross, responsable politique fiscale et financière, Alliance Sud, tel: +41 78 838 40 79
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