Partager l'article
Communiqué
Le Conseil national soutient la société civile
09.12.2021, Coopération internationale
Le Conseil national a décidé aujourd'hui, à une nette majorité, qu’il n’entendait pas faire contrôler le respect des conditions d’exonération fiscale des organisations d'utilité publique en Suisse. Le rejet de la motion du conseiller aux États Ruedi Noser (PLR) est une bonne nouvelle pour la démocratie suisse.
Le résultat au Conseil national: 84 oui, 98 non.
Des milliers d'organisations auraient été concernées par la motion Noser dans toute la Suisse, y compris celles qui agissent dans les domaines de l'économie, des arts, de la culture, de l’éducation, du sport, de l'agriculture et de la protection du patrimoine. Elles disposent d'une immense expertise et contribuent dans une large mesure à la sensibilisation de la population sur divers thèmes et à la résolution d’un large éventail de prob¬lèmes de société.
« La décision du Conseil national réaffirme le rôle clé de la société civile dans la démocratie suisse », lance Bernd Nilles, président d'Alliance Sud et directeur de l'Action de Carême. « Dans cet esprit, Alliance Sud continuera à s'engager pour une politique prévenant les effets néfastes pour les plus pauvres de la planète et permettant des relations Nord-Sud plus équitables. »
Pour tout complément d’information :
Bernd Nilles, président d’Alliance Sud et directeur de l’Action de Carême, tél. +41 79 738 97 57
Marco Fähndrich, responsable de la communication chez Alliance Sud, tél. +41 79 374 59 73
Communiqué
La Suisse dope ses dépenses de développement avec des doses de vaccin excédentaires.
12.04.2022, Financement du développement
La Suisse reste très éloignée de l'objectif international d'allouer 0,7% de sa performance économique aux dépenses publiques de développement : en 2021, sa contribution est passée de 0,48% à 0,51% du revenu national brut (RNB), selon les chiffres publiés aujourd'hui. Les dons de doses de vaccin excédentaires, comptabilisés mais non divulgués de manière transparente, ont également contribué à ce résultat.
Die Welt befindet sich im Krisenmodus – Klimakrise, Coronakrise, Schuldenkrise und nun auch noch der Krieg in der Ukraine, der die Nahrungsmittel- und Energiepreise vielerorts drastisch steigen lässt. All diese Krisen haben massive negative Auswirkungen in den ärmsten Ländern dieser Welt: Sie führen zu steigender Armut, zu Hungersnöten und letztlich auch zu politischen Unruhen, Fragilität und Gewalt.
Anstatt endlich ihrer globalen Verantwortung nachzukommen, fokussieren die reichen Staaten weiterhin vor allem auf kurzfristige nationale Eigeninteressen, wobei sie diese nun gekonnt als Altruismus zu tarnen versuchen. So beschloss der Entwicklungsausschuss der Organisation für wirtschaftliche Zusammenarbeit und Entwicklung (OECD DAC), dass Impfdosen, die an ärmere Länder abgetreten wurden, den Entwicklungsausgaben zum Referenzpreis von 6.72 USD pro Impfdosis angerechnet werden dürfen. Andreas Missbach, Geschäftsleiter von Alliance Sud, sagt dazu: «Dies ist ebenso absurd wie skrupellos. Diese Impfdosen wurden nie im Interesse der ärmeren Länder gekauft − im Gegenteil, die überrissenen Käufe von Impfdosen in der Schweiz und in reichen Ländern führten dazu, dass sie in den am schwersten betroffenen Entwicklungsländern fehlten.»
Internationaler Zielwert immer noch nicht erreicht
Auch die Schweiz peppt ihre Entwicklungsausgaben (im OECD-Slang Aide publique au développement, APD) auf dem Papier auf. Im Unterschied zu anderen Ländern legt die Schweiz aber nicht einmal offen, wie stark die überschüssigen Impfdosen die Entwicklungsausgaben geboostert haben. Die Ausgaben für Asylsuchende in ihrem ersten Aufenthaltsjahr, die unsinnigerweise ebenfalls der APD angerechnet werden, machen 9.4% der Schweizer Entwicklungsausgaben aus. So schafft es die Schweiz zwar, ihre Quote im Vergleich zum letzten Jahr etwas aufzumöbeln, sie liegt aber nach wie vor weit unter dem international vereinbarten Zielwert von 0.7%. Die Schweiz ist im OECD-Ranking auf Platz 8, hinter Luxemburg, Norwegen, Schweden, Deutschland, Dänemark, Niederlande und Frankreich.
«Die Schweiz muss endlich einen angemessenen Beitrag an die Armutsbekämpfung und für nachhaltige Entwicklung leisten. Dies nicht nur aus Solidarität mit den Menschen in ärmeren Ländern, sondern auch im Interesse von uns allen, denn ohne die Reduktion der globalen Ungleichheit und ohne Klimaschutz wird es auf diesem kleinen Planeten noch ungemütlicher», sagt Andreas Missbach von Alliance Sud.
Für weitere Informationen:
Andreas Missbach, Geschäftsleiter Alliance Sud, Tel. +41 31 390 93 30, andreas.missbach@alliancesud.ch
Marco Fähndrich, Medien und Kommunikation, Tel. +41 79 374 59 73, marco.faehndrich@alliancesud.ch
Partager l'article
Communiqué
Plaintes abusives contre les ONG suisses
05.05.2022, Coopération internationale
Une fiche d'information publiée aujourd'hui concernant les plaintes d'entreprises contre les ONG révèle que les ONG suisses sont de plus en plus touchées par les SLAPP.
Les plaintes et les menaces de plaintes (appelées SLAPP: Strategic Lawsuits against Public Participation, ou poursuites-bâillons en français) déposées par des entreprises ou des dirigeants ont un impact négatif accru sur le travail des ONG en Suisse. Une analyse qualitative de l'œuvre d'entraide EPER révèle que les plaintes et les menaces à l’encontre des ONG ont fortement augmenté ces dernières années et que six des 11 ONG suisses interrogées sont déjà concernées par des plaintes de multinationales ou de détenteurs du pouvoir. La plupart des ONG sont concernées par des procédures aussi bien civiles que pénales et 11 des 12 plaintes déposées contre des ONG l'ont été depuis 2018.
Chantal Peyer, conseillère politique à l'EPER, suit cette tendance avec inquiétude: «La marge de manœuvre des ONG est de plus en plus réduite, compte tenu des plaintes et des menaces de plaintes, ce qui complique énormément notre travail de défenseurs des droits humains».
La conférence qui se tient aujourd'hui à Zurich, accueillant des invités d'Europe et de Suisse, a pour but d'attirer l'attention du public sur cette problématique et de discuter des options d'action avec les journalistes et les collaborateurs d'ONG concernés. La conférence fait suite à la proposition de loi publiée la semaine dernière par l’UE, qui sera également présentée dans ce cadre. Johanna Michel, responsable de campagne au Bruno Manser Fonds, souligne: «La directive européenne publiée la semaine dernière est un jalon important pour les professionnels des médias et les ONG dans l'UE. Il faut maintenant aussi donner des impulsions au niveau politique en Suisse».
Partager l'article
Communiqué
Engagement maximal pour une utilité minimale
02.06.2022, Coopération internationale
Après le Conseil national, le Conseil des États a lui aussi « dégainé » rapidement aujourd'hui : le Parlement veut sensiblement augmenter les dépenses militaires et refuse de voir que la meilleure prévention des crises exige une politique de paix mondiale, telle qu'elle a été esquissée par Alliance Sud.
« Alors que la sécurité humaine est menacée dans le Sud global surtout, la Suisse se concentre sur un réarmement insensé, qui apportera un bénéfice minimal avec un engagement maximal de moyens », commente Kristina Lanz, responsable de la politique de développement chez Alliance Sud, à propos de la décision prise aujourd'hui par le Conseil des États. Dans son analyse publiée aujourd'hui, elle montre la gravité de la situation dans le Sud global et l’absurdité des dépenses en milliards de francs consacrées à l'armée suisse, au vu des famines mondiales, des crises de la dette et de la déstabilisation politique.
Dans le contexte des crises globales actuelles, qui interagissent entre elles et se renforcent mutuellement, Alliance Sud appelle la politique suisse à s'engager davantage aussi dans la coopération internationale et dans le financement climatique. « L'accroissement précipité des dépenses militaires ne doit pas être l'occasion de rester les bras croisés dans d'autres domaines liés à la sécurité, comme la protection du climat ou la coopération internationale », avertit Kristina Lanz. Au contraire : la prochaine conférence sur l'Ukraine à Lugano et la candidature au Conseil de sécurité des Nations Unies obligent d'autant plus la Suisse à se souvenir de sa tradition humanitaire plutôt que de sa tradition de mercenaire.
Pour tout complément d’information :
Kristina Lanz, responsable de la politique de développement chez Alliance Sud, tél. +41 76 295 47 46
Andreas Missbach, directeur d’Alliance Sud, tél. +41 31 390 93 30
Partager l'article
Communiqué
Un plus pour elle-même, un moins pour le monde
09.06.2022, Coopération internationale
Candidate au Conseil de sécurité de l'ONU, la Suisse se vante de sa politique des droits humains et de son rôle de pionnier en matière de développement durable planétaire. Mais dans divers domaines la Confédération doit revoir sa copie.
© Ruedi Widmer
A plus for peace — Un Plus Pour la Paix : c'est avec ce slogan que notre pays fait campagne auprès des 192 autres membres de l'ONU pour être élu aujourd'hui au Conseil de sécurité de l'ONU. Il est indéniable que la Suisse est un membre actif de l'ONU, qu’elle s'y engage pour la paix, la liberté, la démocratie et les droits de l'homme et plaide pour une ONU forte dans le concert mondial des mul-tiples organisations multilatérales. Dans sa candidature, la Suisse souligne non seulement son rôle de médiateur neutre dans la diplomatie internationale, sa tradition humanitaire et son potentiel d'innovation, mais aussi son engagement pour un développement durable de la planète et donc pour une mise en œuvre rigoureuse de l’Agenda 2030 de l’ONU et de ses 17 objectifs de développement durable.
Or, c’est précisément sur ce plan, où une politique de paix globale est aussi en jeu et où il convient donc de concilier les objectifs de la politique climatique, sociale, de genre ou environnementale avec la politique économique, que notre pays n’est pas un plus, mais un moins pour le monde. Dans le classement des pays par ordre de durabilité globale, la Suisse figure parmi ceux qui causent le plus de dommages aux autres. Dominik Gross, expert fiscal et financier chez Alliance Sud, le centre de compétence suisse pour la coopération internationale et la politique de développement, explique : « La place financière helvétique et les grandes entreprises multinationales en Suisse en sont les princi-pales responsables. En évitant de payer des impôts, en polluant l'environnement et en exploitant la main-d'œuvre, elles violent les droits humains dans les pays économiquement défavorisés et nuisent considérablement à leur développement durable. Notre monde politique en fait bien trop peu pour y remédier. »
Mettre les promesses électorales en pratique
La politique fiscale et financière de la Suisse nuit à l'application des droits humains dans les pays du Sud. En 2016 déjà, le Comité de l'ONU pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes (Comité CEDEF) critiquait par exemple la Suisse parce que sa politique fiscale et financière avait des effets potentiellement négatifs sur la capacité des autres États, surtout ceux qui disposent déjà de faibles revenus, à mobiliser le maximum de ressources disponibles pour la réalisation des droits des femmes.
À l’époque, le Comité CEDEF recommandait à la Suisse d'évaluer régulièrement les effets de sa politique fiscale et financière sur la réalisation des droits des femmes dans le monde entier. Cinq longues années se sont écoulées et la Suisse est restée totalement inactive sur ce front. Et ce n'est qu'un exemple parmi d’autres de la manière dont notre pays traite les recommandations de l'ONU visant à la réalisation des droits humains dans nos frontières et à l'étranger. Andreas Missbach, directeur d'Alliance Sud : « Nous exigeons donc du Conseil fédéral qu'après les élections, il tienne les promesses faites dans le cadre de sa candidature et mène également une politique active en matière de droits humains dans les questions économiques. Le respect des recommandations du Comité CEDEF de 2016, qui n'a que trop tardé, constituerait un premier pas »
Partager l'article
Communiqué
La Suisse vit aux dépens du monde
06.04.2022, Agenda 2030
Dans son rapport publié aujourd'hui, la Plateforme Agenda 2030 constate que la Suisse n'est pas en route pour un monde durable. Elle demande davantage de leadership au Conseil fédéral pour effectuer les transformations nécessaires.
© Silvia Rohrbach / Plattform Agenda 2030
Dans son rapport publié aujourd'hui, la Plateforme Agenda 2030 constate que la Suisse n'est pas en route pour un monde durable. Elle demande davantage de leadership au Conseil fédéral pour effectuer les transformations nécessaires, afin de réduire de moitié la pauvreté, de préserver le climat et les droits humains comme de rendre la place financière responsable.
Sept ans après l'adoption de l'Agenda 2030 pour le développement durable à New York, la Plateforme suisse Agenda 2030 - qui regroupe plus de 50 organisations actives en faveur de l'environnement, de la coopération internationale, des droits humains, de l'économie durable, du genre, de la paix, du logement et du travail - dresse un bilan : la Suisse n'est pas en voie d'atteindre les 17 objectifs de durabilité (ODD). Nous vivons aux dépens du reste du monde, mais le Conseil fédéral n'a présenté jusqu'à présent aucune stratégie pour maîtriser la transformation indispensable vers une économie qui respecte les limites planétaires. Dans le monde et en Suisse, des personnes sont empêchées d’exercer leurs droits fondamentaux; la faim et la pauvreté augmentent.
Pour réaliser les 17 ODD, il faut aligner clairement toutes les politiques publiques sur les objectifs et l'ambition de l'Agenda 2030. Nous demandons des mesures efficientes pour combler rapidement les déficits identifiés. Il s'agit notamment d'élaborer une stratégie montrant comment réduire de moitié la pauvreté d'ici 2030 en Suisse ; ou encore de publier un plan d'action pour la biodiversité, qui mette à disposition des moyens suffisants pour stopper la perte des espèces naturelles. Il importe aussi d'imposer des conditions au marché financier, afin que les investissements contribuent à préserver le climat et les droits humains, ainsi qu’à renforcer l'engagement contre la militarisation et pour la sécurité humaine.
La Plateforme Agenda 2030 demande davantage d’ascendant au Conseil fédéral pour la durabilité. Il doit avoir le courage de développer des solutions réellement transformatrices. Il ne suffit pas de couvrir le business as usual d'une parure colorée d’ODD par des adaptations cosmétiques. Ce qu'il faut, c'est un changement véritable vers une société durable.
La Plateforme Agenda 2030 présente le rapport de la société civile au Forum politique de haut niveau de l'ONU, qui a lieu du 5 au 15 juillet. Elle confronte ainsi ses propres analyses et recommandations d'action au rapport national officiel de la Suisse, que le conseiller fédéral Ignazio Cassis présentera au Forum le 12 juillet à New York. Nous invitons le Conseil fédéral à collaborer avec nous en vue de réviser la Stratégie nationale de développement durable à l'horizon 2030 et le plan d'action qui l'accompagne.
Le rapport de la société civile est à disposition en ligne pour téléchargement.
Des photos peuvent être téléchargées sous ce lien.
Partager l'article
Communiqué
La Suisse reste un paradis pour fraudeurs fiscaux
18.02.2020, Finances et fiscalité
Dans le classement des places financières de l'ombre établi cette année par le Réseau pour la justice fiscale, la Suisse occupe la troisième place. Il est toujours facile pour les personnes fortunées du Sud de cacher leur argent en Suisse.
Il n'y a qu'aux États-Unis et aux Îles Caïmans (photo) que l'évasion fiscale trouve des conditions encore meilleures qu'en Suisse.
© pixelio.de / Katharina Wieland Müller
Selon les derniers calculs du Réseau pour la justice fiscale (TJN), la place financière suisse a réduit de 12 % par rapport à 2018 le risque d'agir comme un port offshore pour les réfugiés fiscaux du monde entier et elle est passée de la première place en termes d’opacité à la troisième. Les seuls pays qui devancent la Suisse sont les États-Unis et les îles Caïmans. Cette amélioration est principalement due au fait que la Suisse a étendu son réseau international d'échange automatique des renseignements sur les clients (EAR) à plus de 100 pays.
Toutefois, à quelques exceptions près, les pays pauvres ne sont toujours pas inclus. Les personnes fortunées des pays du Sud peuvent donc toujours cacher leur argent pratiquement sans risque aux autorités fiscales de leur pays d'origine en utilisant les services offshore des banques et autres prestataires de services financiers en Suisse. Cela a été démontré encore une fois récemment par les révélations sur les constructions offshore suisses d’Isabel dos Santos, la fille de l'ex-président angolais (#Luandaleaks).
Selon l'Association suisse des banquiers (SwissBanking), les institutions locales gèrent encore plus d'un quart des actifs transfrontaliers mondiaux. Cela signifie que la Suisse est toujours le plus grand centre financier offshore du monde – bien qu'il ne soit plus le plus opaque. Compte tenu de la grande importance de la place financière suisse pour l'industrie offshore mondiale et malgré l'assouplissement du secret bancaire au cours des dix dernières années, la contribution de la politique financière et fiscale suisse à la lutte contre la fraude fiscale mondiale reste insuffisante. Il y a encore beaucoup de rattrapage à faire dans ce domaine, même par rapport aux normes internationales.
Alliance Sud propose les réformes suivantes :
- La Suisse devrait aider les pays du Sud à respecter les normes de l'OCDE en matière de rapports afin qu'ils puissent rejoindre le réseau EAR.
- Dans le cadre d'une nouvelle révision du droit des sociétés, la Suisse doit introduire un registre public des ayants droit économiques, qui fournira des informations sur les personnes qui possèdent effectivement des sociétés offshore en Suisse. Les pays de l'UE sont en train de mettre en place un tel registre.
- Les rapports pays par pays des sociétés multinationales, qui ont déjà été échangés avec des dizaines de pays, doivent être rendus publics afin que l'évasion fiscale ne continue pas à bénéficier de la protection de l'État. Dans l'UE, ce règlement, qui fournit des informations sur les structures de profit, s'applique déjà aux grandes banques.
Pour plus d'informations:
Dominik Gross, spécialiste de la politique financière et fiscale à Alliance Sud : +41 78 838 40 79,
Partager l'article
Communiqué
La culture de l’iniquité fiscale
20.10.2021, Finances et fiscalité
Le groupe agroalimentaire luxembourgeois Socfin transfère des bénéfices issus de la production de matières premières vers Fribourg, un canton suisse à faible fiscalité. Cette pratique d’optimisation fiscale agressive équivaut à l’expatriation de bénéfices au détriment de la population vivant dans les zones concernées en Afrique et en Asie. Pour la première fois, un rapport rédigé par Pain pour le prochain, Alliance Sud et le Réseau allemand pour la justice fiscale met en lumière les rouages de ce mécanisme. La Suisse porte elle aussi une part de responsabilité dans ce phénomène, car la politique helvétique de sous-enchère en matière d’imposition des entreprises représente l’un des piliers de ce système inique.
La plantation d'hévéas de la Salala Rubber Corporation (SRC) au Liberia couvre environ 4500 hectares de terres.
© Brot für alle
La société Socfin, dont le siège se trouve au Luxembourg, s’est vu octroyer dans dix pays d’Afrique et d’Asie des concessions d’une superficie supérieure à 380 000 hectares, soit presque l’équivalent de la surface agricole de la Suisse. Dans ses 15 plantations, le groupe produit du caoutchouc et de l’huile de palme qu’il écoule ensuite sur le marché mondial. Si l’entreprise est dotée d’une structure complexe, il apparaît toutefois clairement qu’elle commercialise une grande partie de son caoutchouc par l’intermédiaire d’une filiale établie à Fribourg, à savoir Sogescol FR. Et c’est une autre filiale elle aussi basée à Fribourg, Socfinco FR, qui se charge d’administrer les plantations et de fournir des prestations aux autres sociétés du groupe.
En 2020, Socfin a enregistré un bénéfice consolidé de 29,3 millions d’euros. Le rapport, qui procède à une analyse du bénéfice par employé·e dans les différents pays où opère Socfin, met en évidence la distribution particulièrement inégale de ces revenus. Ainsi, alors que le bénéfice par employé·e avoisinait 1600 euros dans les pays africains accueillant les activités de Socfin, il en va tout autrement au sein des filiales helvétiques du groupe, où ce chiffre a atteint 116 000 euros l’année dernière, soit un montant près de 70 fois supérieur. En Suisse, le bénéfice par employé·e a même en moyenne dépassé les 200 000 euros entre 2014 et 2020.
À faible fiscalité, bénéfices élevés
Comment expliquer ces écarts dans la distribution des bénéfices à l’intérieur d’un même groupe ? Selon le rapport publié par Pain pour le prochain, Alliance Sud et le Réseau allemand pour la justice fiscale, la réponse est à trouver dans la fiscalité des pays accueillant les activités de Socfin. En effet, c’est là où les impôts sont le plus bas que le bénéfice par employé·e de l’entreprise est le plus élevé. Dans les pays africains où Socfin est active, le taux d’impôt varie ainsi de 25 à 33 %, contre moins de 14 % en Suisse. Il s’agit là d’un schéma classique de transfert de bénéfices entre filiales à des fins d’optimisation fiscale agressive.
Cette pratique très répandue parmi les sociétés multinationales n’est pas forcément illégale, mais elle n’en demeure pas moins en tout état de cause inique, car elle prive les pays producteurs de l’hémisphère sud des recettes fiscales indispensables à leur développement et creuse de ce fait les inégalités mondiales. Chaque année, environ 80 milliards d’euros de bénéfices réalisés dans des pays en développement sont ainsi expatriés vers des territoires peu taxés comme la Suisse, ce qui représente bien plus que la moitié des enveloppes publiques annuelles allouées à la coopération au développement à l’échelle mondiale.
Le transfert de bénéfices au sein de multinationales est généralement difficile à appréhender pour l’opinion publique (en raison de l’opacité qui l’entoure) et pour les administrations fiscales (faute de volonté en ce sens ou de moyens suffisants). Dans le cas de Socfin, en revanche, les rapports financiers ventilés par zone publiés par la société livrent des informations sur la structure et l’objet des transactions entre filiales. Qu’elles portent sur le négoce, des prestations de conseil, des licences ou des services d’autre nature, les opérations intragroupe délocalisent en Suisse une grande partie des revenus générés en Afrique et en Asie. Et seul un examen approfondi réalisé par des administrations fiscales permettrait de vérifier si ces prix de transfert sont, ainsi que l’affirme Socfin, conformes aux règles édictées par l’OCDE en la matière.
La Suisse doit faire œuvre de plus de transparence
La réalité des plantations dans l’hémisphère sud représente le revers de la médaille des juteux bénéfices enregistrés en Suisse. En effet, Socfin dispose dans ces pays de concessions extrêmement avantageuses, mais n’offre pas une compensation suffisante à la population touchée, ne rétribue le dur labeur des ouvriers·ères que par de modiques salaires et n’honore pas totalement ses promesses d’investissements sociaux. En dépit de ce contexte particulièrement favorable, certaines exploitations du groupe, comme la plantation d’hévéas de LAC au Liberia, n’en affichent pas moins des pertes persistantes – ce qui, selon le rapport, vient encore appuyer l’hypothèse de transfert de bénéfices de l’Afrique vers le paradis fiscal helvétique.
Et cette pratique profite aujourd’hui considérablement à la Suisse, ces transactions générant près de 40 % des recettes de l’impôt sur les bénéfices des entreprises à l’échelon cantonal et fédéral. Afin de lutter contre les abus qui en découlent, il est impératif que notre pays améliore la transparence de sa politique fiscale et rende publics les rulings, ces accords que les administrations fiscales concluent avec les sociétés. Il en va de même pour les rapports que les multinationales sont tenues de déposer en Suisse dans le cadre de la déclaration pays par pays de l’OCDE et dont l’accès est actuellement réservé aux administrations fiscales. Avant toute chose, il est primordial que la Suisse promeuve un régime international d’imposition des entreprises qui localise la taxation des bénéfices dans les pays où ils sont générés et non sur les territoires à faible fiscalité.
Mobilisation à Fribourg
Ce matin, Pain pour le prochain mène une action de mobilisation devant le siège de Sogescol et de Socfinco à Fribourg afin d’exhorter Socfin à cesser ses pratiques immorales de transfert de bénéfices et d’optimisation fiscale au sein de ses structures. Il importe en outre que le groupe réponde aux revendications des communautés locales, restitue les terres litigieuses et garantisse à tous les ouvriers·ères des plantations le versement de salaires décents.
Cliquez sur ce lien pour télécharger des photos de cette action à partir de 10 heures environ.
Matériel à télécharger :
Synthèse du rapport (en français), version intégrale du rapport (en anglais)
Photos et graphique
Informations complémentaires :
Lorenz Kummer, responsable Médias de Pain pour le prochain: +41 79 489 38 24
Socfin: l’évasion fiscale sur le dos des plus démunis
Pain pour le prochain, Alliance Sud et Réseau allemand pour la justice fiscale
Partager l'article
Communiqué
La tirelire face au serpent fictif de la dette
20.10.2022, Financement du développement
Hier, le Conseil fédéral a publié un « rapport complémentaire au budget 2023 ». Il entend ainsi, avant les futurs débats sur le budget, engager le Parlement dans une sévère cure d'austérité.
La situation pour le budget fédéral est loin d'être aussi désespérée que le présente le Conseil fédéral.
© Parlamentsdienste 3003 Bern
La mesure la plus évidente — revenir sur la décision précipitée et superflue de gonfler le budget de l'armée — n’y figure pas, tout comme une discussion réaliste sur la question de la dette, qui aurait dû avoir lieu depuis longtemps. Alliance Sud, le centre de compétence pour la coopération internationale et la politique de développement, est très préoccupée par les conséquences que pourrait avoir le rapport en question. Il identifie un potentiel de réduction des dépenses « faiblement liées » de 3% en 2024 et de 10% à partir de 2025 ; et ce en termes nominaux, c'est-à-dire sans tenir compte de l'inflation.
La coopération internationale (CI), à savoir le soutien de la Suisse aux pays les plus pauvres, fait partie de ces dépenses. Alors que notre pays, l’un des plus riches du monde, est toujours loin de l'objectif convenu au niveau international de consacrer 0,7% du revenu national brut à la CI, diverses crises s'aggravent actuellement sur la planète. L'extrême pauvreté et la famine ont fortement augmenté au cours des deux dernières années et la crise climatique met en péril les bases d’existence d'innombrables personnes.
La guerre en Ukraine et les hausses actuelles des taux d'intérêt des banques centrales aggravent encore la situation — plus de la moitié des pays les plus pauvres ne sont quasiment plus en mesure d'honorer leur dette publique. Or, l'augmentation de la pauvreté et de la faim intensifie également la fragilité et la vulnérabilité aux crises de nombreux pays. « Les dépenses de développement sont des investissements pour rendre le monde un peu plus stable et sûr. Elles sont aussi un investissement dans la sécurité de la Suisse », assure Kristina Lanz, responsable de la politique de développement chez Alliance Sud.
La population veut renforcer la coopération au développement
Alors que le rapport mentionne quelques mesures d’allègement envisageables, il passe sous silence la possibilité de corriger la décision précipitée de gonfler le budget de l'armée. En mai déjà, selon un sondage représentatif de Tamedia, une majorité de la population helvétique se montrait sceptique envers l'augmentation du budget de l'armée. L'étude annuelle sur la sécurité de l'Académie militaire de l'EPFZ l’a confirmé dans un sondage réalisé en juin 2022 : seuls 19% de la population suisse ont jugé que les dépenses de l'armée suisse n'étaient pas assez élevées. En revanche, 30% ont trouvé que les dépenses pour la défense étaient excessives. Entre-temps, l'armée russe a clairement démontré qu'elle ne menaçait pas notre pays avec ses armes conventionnelles, si bien que le soutien des citoyennes et citoyens suisses à la hausse des dépenses militaires devrait être encore plus réduit. Selon l'étude de l'EPFZ sur la sécurité, la population est en revanche très favorable à une augmentation des dépenses de développement — 68% des personnes interrogées et des personnes de toutes les opinions politiques y sont favorables.
Excédent attendu pour 2023
Le rapport est en outre porté par le mantra d’Ueli Maurer sur la dangerosité de la dette publique. Pour-tant, la semaine dernière encore, l'Administration fédérale des finances (AFF) concluait : « Les derniers chiffres laissent entrevoir un excédent de 1,3 milliard de francs pour l'ensemble du secteur des administrations publiques (Confédération, cantons, communes et assurances sociales). Les dépenses de l'État devraient rester stables et une hausse des recettes publiques est attendue. La dette devrait quant à elle décroître à partir de 2023 ». Même les dettes de la seule Confédération sont insignifiantes en comparaison internationale, comme le montre le graphique suivant de l’AFF :
© AFF / Finances publiques de la Suisse 2020 – 2023
« Bien sûr, le frein à l'endettement inscrit dans la Constitution est une « camisole de force », mais une politique financière prévoyante devrait enfin lancer le débat sur son bien-fondé », lance Andreas Missbach, directeur d'Alliance Sud. Le taux d'endettement net de la Suisse (en pourcentage du PIB) a baissé depuis son pic de 39,4% en 2004 jusqu'à 17,3% en 2019. L'augmentation due à la crise du coronavirus est minime et temporaire (cf. graphique ci-dessus). Le frein à l'endettement est donc devenu un danger pour la Suisse.
Si notre pays entend atteindre la neutralité climatique d'ici 2050 et devenir une économie qui ne prospère plus au détriment d'autres pays, elle doit procéder à des investissements massifs et revoir entièrement son système fiscal. Comme le souligne à juste titre le rapport complémentaire, cela prendra du temps. Une augmentation modérée de la dette donne à la Suisse le temps nécessaire pour y parvenir. Un examen par des pairs de l’OCDE («peer-review») a également récemment conseillé à la Suisse, vu son excellente situation financière et dans la perspective d'une augmentation urgente et nécessaire des dépenses pour la CI, d’investir davantage dans le développement durable vu son PIB élevé par habitant et sa faible dette publique : « Switzerland's high GDP per capita and low public debt suggest room to invest more in sustainable development ».
Pour de plus amples informations :
Kristina Lanz, responsable de la politique de développement d'Alliance Sud, tél. +41 76 295 47 46, kristina.lanz@alliancesud.ch
Andreas Missbach, directeur d'Alliance Sud, tél. +41 31 390 93 30, andreas.missbach@alliancesud.ch
Voir également : L’armée suisse pourfend des moulins à vent
Partager l'article
Communiqué
Agenda 2030 : Enfin passer aux actes !
06.06.2019, Agenda 2030
Il faut que Cantons et Confédération inscrivent clairement leurs actions dans la durabilité, si la Suisse veut appliquer l’Agenda 2030 des Nations Unies. La plate-forme de la société civile Agenda 2030 formule des attentes et se réorganise.
Partager l'article