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Impact Investing
21.03.2025, Financement du développement
L’investissement à impact est présenté par ses partisans comme un moyen de contribuer au financement des Objectifs de développement durable et du climat. Alliance Sud a analysé de plus près cette contribution, à ce jour encore très limitée.
L’investissement dans les pays les plus pauvres est faible, car considéré comme trop risqué. A Guerou, en Mauritanie, un agriculteur pratique l’irrigation de ses pâturages en utilisant des panneaux solaires.
© Tim Dirven / Panos Pictures
Ce n'est un secret pour personne : la Suisse vise à devenir un leader dans le domaine de la finance durable. Au cœur de la finance dite durable se trouve l'investissement à impact, qui a une double ambition : garantir des rendements financiers « basés sur le marché » tout en contribuant à résoudre les défis sociaux et environnementaux globaux. Cette approche – définie pour la première fois en 2007 par la Fondation Rockefeller – a, depuis, séduit de nombreux adeptes publics et privés au sein du système financier international ; leur objectif commun est de « mobiliser » des capitaux privés pour atteindre les objectifs de développement durable (ODD). Certains y voient même un moyen de pallier aux coupes dans les budgets de l’aide publique au développement (APD). Cependant, le « déficit » du financement nécessaire pour atteindre ces objectifs est abyssal. Selon l’ONU commerce et développement (CNUCED), basée à Genève, les pays en développement font face à un déficit de financement annuel de plus de 4’000 milliards de dollars américains. Sur cette somme, environ 2’200 milliards de dollars sont nécessaires pour financer la seule transition énergétique.
Pour mettre les choses en perspective, les banques suisses – leader en matière de gestion de fortune transfrontalière – géraient, à fin 2023, quelque CHF 8392 milliards. D’où la question, un peu candide : quelle part de cette fortune pourrait être investie dans les pays en développement pour financer les ODD ?
En effet, dans son plan d’action « finance durable », le Conseil fédéral vise à élargir l’accès aux investissements à impact à des capitaux privés, au-delà des seules fondations privées et des gestionnaires des patrimoines de personnes fortunées (family offices), « à grande échelle » pour financer des projets qui apportent une « contribution mesurable et crédible aux objectifs de durabilité ». Et de créer, en même temps, de nouveaux débouchés économiques pour le secteur suisse de la gestion d’actifs. En d’autres, termes, il s’agit de sortir l’impact investing de sa niche et de le rendre accessible et attrayant aux investisseurs institutionnels, y compris aux caisses de pension, qui recherchent, respectivement doivent assurer un rendement financier acceptable pour le marché.
En parallèle, des fonds de la coopération internationale (CI) de la Suisse – qui ont été pour rappel rabotés par le Parlement en décembre dernier – sont appelés, dans le cadre de financements mixtes (blended finance) à réduire les risques de placement pour rendre financièrement plus attrayant ces investissements à impact. Au travers de cette réduction des risques, l’espoir est de créer un « effet de démonstration » et d’attirer à plus grande échelle lesdits investisseurs institutionnels.
Afin d’analyser la plausibilité de ces attentes, Alliance Sud a présenté dans une étude récente le marché suisse de l'investissement à impact, soit les gestionnaires d'investissements à impact basés en Suisse qui déploient des capitaux dans les pays en développement. Ce marché comprend quelque 18 acteurs gérant près de 15 milliards USD de capitaux. Environ 11 milliards d'USD de ce montant sont des actifs dits privés, c'est-à-dire des investissements dans des actions et des obligations émises par des entreprises privées dans les pays en développement – par opposition aux entreprises « publiques » qui, elles, sont cotées en bourse.
Pour mettre ce chiffre en perspective, ce montant représente moins de 0,6 % du volume global des « investissements liés à la durabilité » (selon les définitions appliquées par l’association Swiss Sustainable Finance) ou 0,116 % du volume total des actifs sous gestion (AuM) des banques en Suisse à fin 2023 (les quelque 8400 milliards de francs suisses mentionnés plus haut).
D'innombrables banques européennes ont participé à des projets à faible risque et à haut rendement, comme la centrale solaire de Cerro Dominador dans le pays émergent du Chili. © Fernando Moleres / Panos Pictures
Ce marché est fortement concentré, avec ses trois acteurs principaux — responsAbility, BlueOrchard et Symbiotics, maintenant tous en mains étrangères –, qui en contrôlent 80 %. Sur le plan régional, ces investissements se concentrent principalement en Amérique latine et dans les Caraïbes (24 %) ainsi qu'en Europe de l’Est et en Asie centrale (20 %), en raison de la stabilité politique et économique relative et d’un environnement favorable aux investissements. En revanche, l’Afrique subsaharienne ne reçoit que 13 % des investissements totaux, tandis que le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord (MENA) n’en reçoit que 2 %, reflétant des conditions d’investissement moins attractives et des risques perçus comme plus élevés dans ces régions.
La moitié des investissements à impact se concentrent dans dix pays. L'Inde arrive en tête avec 15 % de l'exposition totale, suivie par le Cambodge, la Géorgie, l'Équateur et le Vietnam. Au total, 35 pays représentent 85 % des investissements (en ne prenant en compte que les pays avec au moins 1 % d'exposition). Parmi ces 35 pays, dès 2025, seuls 14 sont des pays prioritaires pour la coopération internationale suisse. En termes de revenus, la moitié sont des pays à revenu intermédiaire supérieur. Seuls quatre sont des pays les moins avancés (PMA) : le Cambodge (6 %), le Bangladesh (2 %) – pays dont la DDC a indiqué se retirer dès 2025 suite aux coupes budgétaires –, la Tanzanie (1 %) et le Myanmar (1 %).
Le marché suisse de l’investissement à impact est également très concentré sur le plan sectoriel. Représentant environ la moitié des actifs totaux sous gestion, la microfinance domine le marché. Les deux secteurs de la microfinance et du développement des PME représentent plus de 80 % des investissements, reflétant leur performance financière. Les secteurs de l'alimentation et de l'agriculture ainsi que du climat et de la biodiversité reçoivent des investissements bien moindres – avec 10 % et respectivement 4 % – malgré leurs besoins financiers importants. Les « secteurs sociaux », incluant le logement, l’eau, la santé et l’éducation, attirent ensemble moins de 2 % du capital. Cela s’explique principalement par le fait que ces secteurs n’offrent généralement pas des rendements financiers attractifs et sont souvent gérés comme des biens publics par les gouvernements.
Le marché suisse de l'investissement à impact tend donc à se concentrer sur des régions et des secteurs qui présentent des risques plus faibles et offrent des rendements financiers plus élevés. Cela reflète une tendance plus large vers des investissements « sûrs » qui ne répondent pas nécessairement aux défis les plus urgents en termes de développement durable. Dans ses conclusions, l’étude d’Alliance Sud insiste sur le fait que l'investissement à impact ne peut évidemment à lui seul pas combler le déficit de financement pour atteindre les ODD. Il est dès lors crucial de donner la priorité à la mobilisation des ressources domestiques, à la lutte contre les flux financiers illicites et au maintien d'une aide publique au développement substantielle pour les pays les plus pauvres.
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FINANCEMENT CLIMATIQUE
05.12.2024, Financement du développement, Justice climatique
Nombreux sont les partisan-ne-s d’un recours accru à la mobilisation de financements privés pour assurer les actuelles et futures contributions des pays du Nord aux pays du Sud dans leur lutte contre les changements climatiques. Etat des lieux de Laurent Matile
Correction d'attentes exagérées : Une initiative lancée par la Première ministre de la Barbade, Mia Mottley, pour promouvoir le financement climatique dans les pays en développement a réduit ses exigences vis-à-vis du secteur privé. © Keystone / AFP / Brendan Smialowski
« Les chiffres que l'on avance sur le potentiel de mobilisation des capitaux verts sont illusoires. Il y a beaucoup d’inepties concernant la mobilisation des capitaux privés. » C’est par ces mots que Lawrence H. Summers, ancien secrétaire au Trésor des Etats-Unis et président émérite de l'université d’Harvard, concluait un panel à Washington D. C. en octobre dernier.1
Lors de la COP29, à Bakou, qui s’est conclue le 24 novembre dernier, un nouvel objectif de financement climatique a été convenu à la dernière minute : les pays développés se sont engagés à tripler le financement, de l'objectif précédent de 100 milliards de dollars par an à 300 milliards de dollars par an d'ici 2035. Un montant largement insuffisant au vu des besoins des pays en développement estimés globalement à 2400 milliards par an. Dans une formule nébuleuse, il a en outre été convenu de « garantir les efforts de tous les acteurs » pour augmenter le financement en faveur des pays en développement, à partir de sources publiques et privées, à 1,3 trillion de dollars par an d'ici 2035.
Bien que n’ayant pas figuré au cœur des discussions à la COP29, la « mobilisation » de financements privés pour le climat reste pour de nombreux acteurs publics et privés la recette miracle. En effet, la définition de « financement climatique » ne précise pas quelle part doit être garantie par des financements publics et/ou privés. Ce flou a ouvert une grande incertitude sur la provenance des fonds alloués au climat et laisse aux Etats une large marge de manœuvre pour honorer leurs engagements. Et la tentation est grande de vouloir combler le déficit de financement public par des fonds privés.
En effet, depuis l’Accord de Paris en 2015, de nombreux acteurs publics et privés – ceux que Lawrence Summers a à l’esprit – ont redoublé d’efforts pour prôner le développement « d’instruments financiers innovants » bénéficiant de subventions publiques et dont l’objectif est toujours le même : réduire les risques (de-risking) pour « catalyser » des investissements privés, que ce soit pour le climat ou le développement durable. Et ce credo est loin de disparaître. De nombreuses délégations, dont celle de la Suisse, ont derrière la tête, que, quel que soit le montant final dû par chaque pays développé, il sera possible d’en assurer une part substantielle par le biais de la « mobilisation de capitaux privés ».
Arrêtons-nous un instant sur l’état actuel du financement de la lutte contre le changement climatique dans les pays en développement. Sur la base des derniers chiffres de l’OCDE2, on constate que :
L’OCDE rappelle (encore et toujours) qu’un « certain nombre de défis peuvent affecter le potentiel de mobilisation du financement privé » de la lutte contre le changement climatique dans les pays en développement. Et de mentionner les conditions générales favorables (ou non) à l'investissement dans les pays bénéficiaires, la trop faible rentabilité de nombreux projets climatiques pour attirer des investissements privés à grande échelle ; ou encore, toujours selon l’OCDE, que les projets individuels sont souvent trop petits pour obtenir un financement commercial significatif.
Peu d'idées semblent aussi éculées que l'espoir que quelques milliards de dollars de fonds publics seront à même de mobiliser des milliers de milliards (trillions !) d'investissements privés en faveur du développement durable et de la protection du climat. Ce credo est de plus en plus remis en question, et pas seulement par les organisations non gouvernementales.
Pour preuve, l’Initiative de Bridgetown 3.0 a réévalué ses attentes à l’égard de la mobilisation du secteur privé. Lancée en 2022 par Mia Mottley, charismatique première ministre de la Barbade, cette initiative a été publiée dans sa troisième version à la fin du mois de septembre. Elle vise à repenser le système financier mondial afin de réduire la dette et d'améliorer l'accès au financement climatique des pays en développement. Alors que Bridgetown 2.0 appelait à mobiliser 1’500 milliards de dollars par an auprès du secteur privé pour une transition verte et équitable, sa version 3.0 a réduit sa demande à « au moins 500 milliards de dollars ».
A la lumière des résultats concernant les volumes et les caractéristiques des financements privés mobilisés à ce jour, un certain nombre de conclusions s’imposent :
Alliance Sud demande premièrement que l’essentiel de la « contribution équitable » de la Suisse au financement climatique international soit assuré par des financements publics – avec un équilibre entre les fonds alloués à la réduction des émissions et ceux alloués à l’adaptation. Deuxièmement, que les financements privés mobilisés par des instruments publics ne soient comptabilisés comme financement climatique de la Suisse que dans la mesure où leur effet positif pour les populations du Sud global puisse être dûment démontré.
1 CGD Annual Meetings Events: Bretton Woods at 80: Priorities for the Next Decade, Washington D.C., October 2024.
2 Climate Finance Provided and Mobilised by Developed Countries in 2013-2022, OECD 2024.
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Communiqué
10.12.2024, Financement du développement
Lundi s’est ouvert à Genève le sommet de « Building Bridges », dont le but affiché est « d'accélérer la transition vers un modèle économique mondial aligné sur les besoins des objectifs du développement durable (ODD) ». Une nouvelle analyse d’Alliance Sud met en avant le caractère de niche de l’investissement d’impact et déplore le peu d'investissements dans les pays les plus pauvres.
Concentration régionale de l'investissement d'impact. Source: Tameo 2023.
La Suisse ambitionne de devenir un leader de la finance durable. Au cœur de la finance dite durable se trouve l’investissement d’impact dont l’ambition est double : assurer des rendements financiers tout en répondant aux grands enjeux sociaux et environnementaux. Cette approche, devenue populaire dans le système financier international, vise à mobiliser des capitaux privés pour atteindre les ODD. Or, le « déficit de financement » nécessaire pour atteindre les ODD est abyssal : selon l’ONU Commerce et Développement (CNUCED), basée à Genève, les pays en développement font face à un déficit de financement annuel de plus de USD 4 000 milliards.
Dans une analyse publiée aujourd’hui, Alliance Sud s’est penché sur la contribution de l’investissement d’impact au développement durable. Malgré la croissance du secteur, il ressort clairement que cette approche ne pourra pas à elle seule combler le déficit de financement et éliminer les obstacles systémiques et structurels au développement durable. La priorité doit rester à la mobilisation des ressources fiscales dans les pays en développement, à la lutte contre les flux financiers illicites et au maintien d'une aide publique au développement substantielle pour les pays les plus pauvres.
En outre, l'investissement à impact ne saurait remplacer la nécessité d'une profonde transformation des marchés financiers mondiaux pour les aligner sur les objectifs de durabilité et climatiques. Cela doit inclure des réglementations crédibles, la tarification du carbone et la divulgation des informations financières liées au climat.
Une préoccupation majeure partagée par Alliance Sud est le risque de « washing d'impact », où des investissements sont présentés comme socialement ou écologiquement bénéfiques, sans produire des résultats mesurables. Ce risque est aggravé par l'absence de définitions et de normes universellement acceptées pour mesurer l’impact des investissements et assurer des rapports crédibles.
Se focalisant plus précisément sur le marché suisse de l’investissement à impact dans les pays en développement, l’analyse d’Alliance Sud met en avant le caractère de niche de ce marché. En effet, seuls quelque USD 11 milliards sont investis dans des entreprises et projets dans les pays en développement. Cela représente moins de 0,6 % du volume global des « investissements liés à la durabilité » ou moins de 0,12 % du volume total des actifs sous gestion (AuM) des banques en Suisse en 2023 (quelque 8'400 milliards de francs suisses).
Les investissements à impact suisses restent en outre fortement concentrés sur le plan régional, avec près de la moitié des investissements effectués en Amérique latine et dans les Caraïbes et en Europe de l’Est et en Asie centrale, en raison de la stabilité politique et économique relative et d’un environnement favorable aux investissements. En revanche, malgré les besoins de financements majeurs de ces régions défavorisées, l’Afrique subsaharienne et le Moyen-Orient et Afrique du Nord (MENA) ne reçoivent que quelque 15 % des investissements totaux.
On constate également une concentration sur le plan sectoriel avec une large domination de la microfinance et du financement des PME, qui représentent plus de 80 % des investissements. Les secteurs de l'alimentation et de l'agriculture ainsi que du climat et de la biodiversité reçoivent des investissements bien moindres. Les « secteurs sociaux », incluant le logement, l’eau et les communautés, la santé et l’éducation, attirent ensemble moins de 2 % du capital. Cela s’explique principalement par le fait que ces secteurs n’offrent généralement pas des rendements financiers attractifs et sont souvent gérés comme des biens publics par les gouvernements.
« Le marché suisse de l'investissement à impact se concentre sur des régions et des secteurs qui présentent des risques plus faibles et offrent des rendements financiers plus élevés, reflétant une tendance plus large vers des investissements « sûrs » qui ne répondent pas nécessairement aux défis les plus urgents en termes de développement durable », selon Laurent Matile, experts en entreprises et développement chez Alliance Sud, le centre de compétence suisse pour la coopération internationale et la politique de développement.
Pour plus d’informations :
Laurent Matile, Expert en entreprises et développement chez Alliance Sud, tél. +41 22 901 14 81, laurent.matile@alliancesud.ch
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Étude
10.12.2024, Financement du développement
L'investissement à impact a gagné en popularité, notamment en Suisse, un pays reconnu pour son système financier et ses aspirations en matière de finance durable. Cependant, comme l'investissement à impact est souvent présenté comme une panacée pour répondre aux défis du développement, l’étude d’Alliance Sud examine de manière critique son efficacité, ses limites et dans quelle mesure il peut réellement contribuer au développement durable.
L'investissement à impact, bien qu'en croissance, reste un
marché de niche à l'échelle mondiale. Source: Tameo 2023.
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Reconstruction de l’Ukraine
03.10.2024, Financement du développement
Le Conseil fédéral veut attribuer 500 millions de francs destinés à la reconstruction de l'Ukraine au secteur privé suisse. Ce n'est certainement pas dans l'intérêt de l'économie ukrainienne et de ses entreprises.
De grandes aciéries ukrainiennes comme Zaporizhstal ont été attaquées, occupées et peinent à maintenir leurs volumes de production. © Keystone/EPA/Oleg Petrasyuk
Le 11 juin dernier, lors de l’Ukraine Recovery Conference (URC) à Berlin, le Conseiller fédéral Ignazio Cassis présentait les engagements de la Suisse : « Premièrement : Le secteur privé joue un rôle clé dans le processus de reconstruction. La Suisse promeut des conditions-cadres durables et veille à ce que les petites et moyennes entreprises (PME) puissent fonctionner et rester compétitives ». En collaboration avec la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD), la Suisse annonçait son soutien à un nouveau mécanisme de protection des investissements privés contre les risques de guerre et sa volonté de rejoindre une alliance de soutien aux PME. On était alors en droit de penser que le ministre suisse des affaires étrangères avait en tête de soutenir, en priorité, les entreprises et l’économie ukrainiennes.
Or, deux semaines plus tard, le 26 juin, le Conseil fédéral annonçait qu’un « rôle de premier plan devrait être accordé au secteur privé suisse dans la reconstruction de l’Ukraine ». A cette fin, le Conseil fédéral entend mettre à disposition CHF 500 millions sur les quatre prochaines années, prélevés du budget de CHF 1,5 milliard prévu dans la stratégie de coopération internationale 2025-2028 pour l’Ukraine. La quasi-totalité des fonds sera transférée de la coopération bilatérale au développement de la Direction du développement et de la coopération (DDC) au Secrétariat d’Etat à l’économie (SECO). L'ensemble du « budget Ukraine » sera géré par Jacques Gerber, actuellement conseiller d'Etat PLR jurassien, qui siégera en tant que délégué Ukraine au secrétariat général du DFAE et sera directement subordonné aux conseillers fédéraux Cassis et Parmelin.
Pour autant que l'on sache, les plans du SECO comportent deux phases. Dans une première phase, il s'agit de soutenir les entreprises suisses déjà présentes en Ukraine afin qu'elles créent ou maintiennent des emplois. Pour ce faire, la Confédération doit prendre en charge les risques des entreprises, par exemple via des aides financières ou des solutions d'assurance. Argument avancé pour justifier l’usage des fonds de la CI, les projets des entreprises soutenues doivent comporter une « composante de développement », par exemple des mesures de formation professionnelle. Jusqu'ici, rien n'est clair, mais certains bénéficiaires potentiels, comme le fabricant de verre Glas Trösch, sont mentionnés. En outre, certaines des mesures visent à inciter des entreprises suisses qui ne sont pas encore actives en Ukraine à y investir. Cela pourrait évincer les PME et les entreprises locales.
La deuxième phase, dans laquelle le SECO prévoit de « privilégier de manière générale le secteur privé suisse », est encore bien plus problématique. L'Ukraine recevrait de l'argent de la Suisse qu'elle ne pourrait utiliser que pour des achats auprès d'entreprises suisses. Cette aide liée (tied aid) est contraire aux bonnes pratiques de la coopération internationale (CI), aux dispositions de l'OMC et au droit suisse des marchés publics. Il n'existe pas de base légale pour cela ; celle-ci doit être créée au cours des prochains mois. Pour le Conseil fédéral, un traité international avec l'Ukraine suffit, alors que la Commission de politique extérieure du Conseil des Etats a exigé une loi spécifique. La décision finale sur l'ensemble du paquet sera prise par le Parlement dans le cadre de la stratégie de la CI lors de la session d'hiver. La décision du Conseil fédéral d'accorder un traitement préférentiel au secteur privé suisse n'est toutefois manifestement pas cohérente avec les promesses faites à Berlin. Le fait que l'Ukraine puisse décider elle-même de ce dont elle a besoin de la part des entreprises suisses n'est pas un argument convaincant. – Dans une situation d'urgence, on accepte les bons d'achat de la Migros, même si cela nuit à son propre magasin de village, qu’il faudrait soutenir.
Ce dont l’Ukraine a besoin, c’est un soutien de la communauté internationale, à laquelle la Suisse doit s’associer, à son économie et à ses entreprises, dont la colonne vertébrale est formée par les petites et moyennes entreprises (PME) – quelque 90 % – qui font preuve d’une résilience extraordinaire malgré les aléas de la guerre. Une étude récente de la London School of Economics1 constate que l’économie ukrainienne s’est montrée étonnamment résistante, mais que les perspectives de croissance resteront faibles tant que la guerre durera. Les producteurs ukrainiens perdent des parts de marché national au profit de concurrents internationaux qui n'opèrent pas dans des conditions de guerre, perte préoccupante pour l'Ukraine qui illustre le fait que son économie relativement ouverte (notamment à l’égard de l'UE par le biais de l'accord d'association) est mal adaptée aux conditions de temps de guerre. Dans cette situation, l'augmentation des achats de biens et de services par l'État (via les marchés publics) auprès d'entreprises privées ukrainiennes est un outil important pour accroître la résilience de l'économie ukrainienne pendant la guerre, en soutenant la capacité de production et l'emploi, tout en se préparant à la reprise et à la reconstruction futures.
Les partenaires, dont la Suisse, doivent en conséquence soutenir une « offensive de localisation » pour garantir et développer les capacités nationales. Ils devraient soutenir le programme de subventions « Made in Ukraine » du gouvernement ukrainien, qui vise à accroître la production nationale. Ils devraient donner l'exemple en faisant des exigences en matière de contenu et d'achat locaux (local content) une condition de l'aide financière fournie à l'Ukraine, afin de dépenser l'aide pour l'Ukraine en Ukraine. Cela devrait également inclure des efforts pour favoriser le transfert de technologie dans l'économie ukrainienne. Il en résulterait non seulement une augmentation des recettes fiscales, mais aussi, grâce à l'augmentation des exportations, des recettes en devises qui seront toutes deux nécessaires pour rembourser les prêts de reconstruction accordés par la communauté internationale (surtout de l'UE).
De plus, les pays occidentaux devraient encourager la coopération entre leurs entreprises et les entreprises ukrainiennes dans la production de biens (par exemple, via des joint-ventures ou des consortiums), par le biais d’instruments d'assurance contre les risques de guerre et de financements favorables. Cela peut renforcer, à court terme, la résilience de l'économie ukrainienne tant que dure la guerre et contribuer, à moyen et long terme, à son intégration dans les chaînes de production mondiales. Les mesures de la première phase des plans suisses seraient donc judicieuses, avec des conditions cadres appropriées.
La reconstruction doit être planifiée en tenant compte de la transition verte, à la fois pour rendre l'économie ukrainienne durable et pour faciliter l'alignement sur le Green Deal de l'UE. Les investissements dans les énergies propres seront essentiels, tout comme les efforts visant à décentraliser la production d'énergie (l'Ukraine dispose d'un grand nombre de petites centrales électriques), afin de la rendre moins vulnérable aux frappes russes. Les partenaires et les investisseurs étrangers devraient aider les entreprises ukrainiennes qui manquent de compétences et de capital humain à mettre en œuvre les technologies de pointe, y compris les technologies à zéro émission. Les plans du SECO pourraient également y contribuer.
Il existe néanmoins un énorme déficit de financement pour moderniser l'industrie ukrainienne et assurer la reconstruction, notamment dans le secteur des matériaux de construction ou de la métallurgie, et pour assurer la décarbonisation des structures datant pour certaines de l’ère soviétique. La création d’une banque de développement ukrainienne pourrait apporter les financements à long terme nécessaires à de tels projets de réindustrialisation. Les partenaires occidentaux, dont la Suisse, devraient soutenir Kiev pour trouver les fonds et accorder les garanties nécessaires au financement des entreprises ukrainiennes à large échelle.
Le secteur naissant des matières premières de l'Ukraine montre à la fois la nécessité d'un financement accru et d'une politique industrielle ciblée. Les représentants de l'UE ont salué, à Berlin, les énormes réserves de l'Ukraine de « matières premières critiques » que la Commission européenne considère comme cruciale pour l’économie européenne. L’Ukraine disposerait de 22 des 34 minéraux identifiés comme tels, essentiels pour assurer l'« autonomie stratégique » de l'UE, voire la « souveraineté européenne ». Une banque de développement ukrainienne pourrait aider les entreprises nationales à devenir des acteurs de ce secteur émergent et à maximiser la création de valeur en Ukraine.
Pour Alliance Sud, il est clair que certaines mesures de la première phase des plans du SECO peuvent être judicieuses, si elles créent des emplois, favorisent le transfert de technologie -–en particulier « vert » –, impliquent des partenariats avec des entreprises locales et s'il est garanti que la promotion d'entreprises suisses n'évince pas des entreprises locales. Il est urgent de rendre compte de manière transparente des plans concrets, afin que leur utilité ou leurs effets néfastes puissent être évalués. L'aide suisse devrait toutefois se concentrer sur le soutien du secteur privé local et de l'économie ukrainienne. Pour cela, il faut avant tout de l'argent ; le mieux serait que la Suisse utilise les canaux multilatéraux existants plutôt que de faire cavalier seul.
La deuxième phase, qui n'a pour but que d'assurer à l'économie d'exportation suisse une « part du gâteau » de la reconstruction, irait clairement à l'encontre des intérêts de l'économie ukrainienne. Or, une économie ukrainienne stable à long terme est plus utile à la Suisse que des carnets de commande pleins pour quelques entreprises à court terme. Ces plans doivent donc être stoppés. Et il est évident que ces activités ne correspondent que marginalement aux priorités de la coopération internationale de la Suisse et ne doivent donc pas être financées par le budget de la CI.
1 A state-led war economy in an open market. Investigating state-market relations in Ukraine 2021-2023. LSE Conflict and Civicness Research Group, 4. Juni 2024.
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Communiqué
26.06.2024, Financement du développement
Le Conseil fédéral a décidé aujourd'hui de soutenir le secteur privé suisse à hauteur de 500 millions de francs pour la reconstruction de l'Ukraine. Le tout sera financé par le montant prévu dans le budget de la coopération internationale 2025-2028, qui était en fait destiné à l'Ukraine. Mais même le Conseil fédéral s'est aperçu que cette proposition était contraire à la loi.
Charkiw (Ukraine). © imago
Le Conseil fédéral a présenté la stratégie de coopération internationale (CI) 2025-2028 au Parlement en mai 2024. Il y prévoit de consacrer 1,5 milliard de francs à l'aide à l'Ukraine. Dans cette même stratégie, il écrit que la promotion du secteur privé local joue un rôle crucial : « La collaboration entre la CI et le secteur privé est toujours axée sur l’objectif de la lutte contre la pauvreté et du développement durable. Les bénéficiaires sont les PME locales et la population » (p. 39). À peine un mois plus tard, le Conseil fédéral abandonne cette idée. Désormais, il prévoit en effet 500 millions de francs pour le secteur privé suisse pour la reconstruction de l'Ukraine. C'est plus que la totalité des fonds bilatéraux de la DDC pour l'Afrique subsaharienne en une année (2022).
Le Conseil fédéral sait que la promotion du secteur privé suisse avec les moyens de la coopération au développement est contraire à la loi, car il doit préparer une nouvelle base légale à cet effet. Alliance Sud ne comprend pas les raisons pour lesquelles le Conseil fédéral formule actuellement une telle proposition avant même que la stratégie 25-28 de la CI ne soit examinée par le Parlement. Il est inconcevable que ce dernier puisse se prononcer sur des crédits d'engagement de la coopération internationale si 500 millions de francs doivent être alloués sans base légale existante.
« Le fait que les fonds destinés à la coopération internationale doivent servir à financer des entreprises suisses est un scandale », dénonce Andreas Missbach, directeur d'Alliance Sud, le centre de compétences pour la coopération internationale et la politique de développement. Avec cette décision, la pratique de l'aide liée (tied aid), qui est sous le feu des critiques internationales, devrait être appliquée à grande échelle en Ukraine. « Cela renchérira massivement la reconstruction si l'Ukraine ne peut pas choisir le fournisseur le moins cher pour un produit ou un service, mais doit dépendre des fournisseurs onéreux des pays donateurs », poursuit-il.
Pour de plus amples informations :
Andreas Missbach, directeur d’Alliance Sud,
tél. 031 390 93 30, andreas.missbach@alliancesud.ch
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Article, Global
21.03.2024, Financement du développement
Le Comité d'aide au développement (CAD) de l'OCDE a pris une décision passée largement inaperçue dans l'opinion publique : Elle concerne la prise en compte des instruments du secteur privé dans le financement du développement et pourrait avoir des conséquences importantes pour les pays les plus pauvres du Sud.
© Christina Baeriswyl
Depuis que le financement du développement existe, les discussions tournent autour de la manière dont il doit être mesuré. Alors que les pays donateurs du nord souhaitent être vus comme étant les plus généreux possible, les pays du Sud souhaitent qu'une part aussi importante que possible des fonds parvienne là où ils sont le plus nécessaires. C'est dans ce contexte que se situe le débat actuel sur la prise en compte des contributions publiques pour des prêts et divers types d’investissements dans les entreprises des pays du Sud.
En février 2016, dans le cadre du processus de « modernisation » de la définition de l’Aide publique au Développement (APD), les membres du Comité d’aide au développement (CAD) de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) s’étaient, pour la première fois, entendu sur des principes de comptabilisation des instruments du secteur privé (Private Sector Instruments / PSI). Ces instruments comprennent les prêts accordés à des entreprises, les investissements sous forme de prises de participation au capital, le financement mezzanine et les garanties.
Mais les membres du CAD n’avaient pas réussi à l’époque à s’entendre sur les règles à appliquer pour prendre en compte les PSI dans l’APD, conformément aux principes convenus. Des modalités provisoires de notification sont alors mises en place en 2018. Puisque les PSI ne représentent que 2 à 3 % de l’APD totale, cette solution avait été jugée acceptable en attendant que les travaux du CAD aboutissent à une solution plus permanente. En octobre 2023, un nouvel accord permanent a été conclu concernant les PSI, susceptible d’avoir des conséquences importantes pour le financement du développement.
Depuis l'introduction de l'APD dans les années 60, l'un de ses principes clés a été celui de la concessionnalité. Selon ce principe, les fonds de développement consistent en de simples dons (grants) ou prennent la forme de prêts à des conditions préférentielles. Avec sa décision d'octobre 2023, le CAD de l'OCDE a ébranlé ce principe et a ainsi redéfini l'APD. Selon les nouvelles règles, il y a lieu de démontrer, lors de la prise en compte des instruments du secteur privé, dans quelle mesure les fonds alloués à ces instruments apportent une valeur ajoutée financière ou en termes de contenu et en termes de développement (voir « L’additionnalité : trois définitions » ). Les pays membres du CAD sont censés fournir − à titre obligatoire − des informations sur le type d’additionnalité des PSI auxquels ils font recours.
Mais le CAD lui-même regrette que les données communiquées à ce jour ont été inégales et que les rapports soumis sur l'additionnalité soient « incomplets et pas convaincants ». L'établissement de rapports sérieux sur l'additionnalité est pourtant essentiel pour garantir que les membres du CAD allouent efficacement les ressources limitées de l’aide publique au développement là où le besoin est le plus grand et où l’impact peut être le plus important.
Pour qu'une activité de PSI soit éligible en tant qu’APD, elle doit être additionnelle sur le plan financier ou en valeur, ainsi que sur le plan du développement :
Or, sans rendre compte de l’additionnalité, on ne peut que présumer plutôt que démontrer la valeur ajoutée des PSI. Ou, en d’autres termes, sans ces informations, on fait face au risque que l’APD soit artificiellement « gonflée » par des pratiques comptables créatives, ce qui diluerait de plus en plus la définition de l'« aide au développement ». Point a priori positif, dès 2026, les informations communiquées sur l'additionnalité des PSI feront l'objet d'un examen particulier de la part du secrétariat du CAD « pour promouvoir l'intégrité de l'APD ». Il reste à espérer que ces vérifications permettront d'y voir plus clair.
Selon une étude du réseau des ONG Eurodad, entre 2018 et 2021, un volume total de USD 20,6 milliards ont été déclarés comme PSI ; cela représente 3 % de l’APD totale. Les quatre principaux donateurs européens (Royaume-Uni, UE, Allemagne et France) représentent à eux seuls près de 80 % du volume total des PSI des membres du CAD. La Suisse pointe à la 11ème place, avec 0,7 % du volume total.
Sur le volume total, 85 % des fonds ont été acheminés par l'intermédiaire des institutions de financement du développement (IFD), dont, en Suisse, le Swiss Investment Fund for Emerging Markets (SIFEM). Les IFD respectives des quatre principaux donateurs européens – British International Investment (BII) au Royaume-Uni, la Banque européenne d’investissement (BEI/UE), la Kreditanstalt für den Wiederaufbau (KfW) et la Deutsche Investitions- und Entwicklungsgesellschaft (DEG) allemandes et Proparco, en France – représentent 91 % de l’ensemble des PSI déclarés comme APD de ces membres du CAD. Certaines de ces IFD ont vu leur portefeuille doubler en une décennie et il est attendu que le volume d’activités des IFD continuent d’augmenter ces prochaines années.
Source : OECD-DAC, Creditor Reporting System 2023
Ces sociétés de financement du développement ont un mandat de rentabilité et investissent donc en priorité dans des pays et des régions qui présentent un profil de risque réduit et offrent des perspectives de bénéfices plus sûres. Comme le montre le graphique ci-dessus, entre 2018 et 2021, la majorité des instruments du secteur privé ont été investis dans des pays à revenu intermédiaire supérieur (UMICs) (59 %), suivis par des pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure (LMICs) (37 %). Seuls 4 % des PSI ont été alloués aux pays les moins avancés (LDCs). Cela montre que les fonds de développement gérés par les PSI n'atteignent que très marginalement les pays qui en auraient le plus besoin.
La Suisse notifie au CAD quelque CHF 35 millions en tant qu’un PSI, ce qui équivaut en moyenne aux versements au capital du SIFEM de CHF 30 millions par an, auxquels s’ajoutent quelques autres instruments (moins de 5 millions CHF). SIFEM est spécialisé dans le financement à long terme des PME et d'autres entreprises « à croissance rapide », avec pour but de favoriser la croissance économique et la création d'emplois.
Les PSI doivent être distingués des « montants mobilisés du secteur privé », soit tous les financements privés mobilisés par les interventions de financement public du développement, quelle que soit l'origine des fonds privés. Ces fonds ne font pas partie de l'APD, mais peuvent être comptabilisés dans l'indicateur plus large du financement du développement – le total official support for sustainable development (TOSSD).
Dans sa récente édition, le rapport DFI Transparency 2023 – qui analyse les activités des trente principales IFD, dont les actifs totalisent USD 2000 milliards – SIFEM est placée dans les dernières places du classement en termes de transparence ! À fin 2022, SIFEM avait un portefeuille d’investissements de USD 451 millions, presque entièrement alloué aux économies à revenu intermédiaire (MICs). Plus précisément, 62 % ont été investis dans des économies à revenu intermédiaire inférieur et 34 % dans des économies à revenu intermédiaire supérieur. Les économies à faible revenu (par exemple, l'Éthiopie et le Malawi) ne représentaient que 3 % du portefeuille d'investissement. À cette même date, seuls 42 % du portefeuille étaient investis dans les pays prioritaires de la coopération internationale (CI) de la Suisse.
Nous nous trouvons dans une période critique où des guerres, les suites de la pandémie Corona et les effets croissants du changement climatique font basculer des millions de personnes dans la pauvreté. Les ressources des pays donateurs, qui restent stables ou diminuent, sont en conséquence confrontées à un nombre croissant de crises et de guerres. Dès lors, la question se pose de savoir si le développement des instruments du secteur privé, qui sont en grande majorité alloués aux pays en développement les plus prospères, est la bonne voie pour la CI de la Suisse. La base de données actuelle n'est pas suffisante pour une évaluation définitive de l’efficacité de ces instruments. À ce jour, au vu de la répartition géographique, on peut néanmoins douter de la contribution des instruments du secteur privé au mandat constitutionnel de la CI – à savoir soulager les populations dans le besoin et lutter contre la pauvreté dans les pays en développement, les régions et en faveur des groupes de population les plus pauvres. Ces instruments ne devraient dès lors pas occuper à l’avenir non plus une place centrale dans la CI de la Suisse. Mais il est bien plus important de veiller à ce que le principal indicateur de mesure du financement du développement – l'APD – ne soit pas davantage dilué dans le cadre du processus de modernisation et que la boîte de Pandore soit refermée.
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global
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Communiqué
01.10.2020, Financement du développement
Le Conseil fédéral veut diversifier et renforcer la coopération au développement en collaboration avec le secteur privé et tester de nouveaux instruments financiers. Alliance Sud analyse le potentiel, les limites et les risques de cette approche.
© Gerd Altmann / Pixabay
Le Conseil fédéral entend utiliser des fonds de l’aide publique au développement (APD) pour permettre de « mobiliser des financements privés additionnels » pour un développement durable, notamment par le biais de la finance mixte (blended finance). La Stratégie de coopération internationale 2021-2024 n’indique par contre ni les montants prévus pour développer cette collaboration avec le secteur privé, ni ne présente les instruments concrets, encore moins les partenaires privés avec lesquels le Conseil fédéral entend collaborer à l’avenir.
Bien qu’il existe un large consensus sur le fait que l’investissement privé dans les pays en développement est nécessaire pour assurer le financement des Objectifs de développement durable (ODD), des études et rapports récents relève le niveau d’ambition exagéré qui a marqué les stratégies de finance mixte adoptées à ce jour. En outre, ces mêmes analyses relèvent que la mise en œuvre des stratégies de blended finance dans les pays les moins avancés (PMA) se heurte à de nombreuses limitations et présentent des risques substantiels.
Dans son papier d’analyse, Alliance Sud présente de manière synthétique le potentiel, les limites et les risques que présentent les divers instruments de la finance mixte. Dans ses conclusions et recommandations, Alliance Sud rappelle que, en termes de financement de l’Agenda 2030 et de collaboration avec le secteur privé :
Alliance Sud exige qu’une évaluation de l’ensemble des formes de collaboration avec le secteur privé de la coopération internationale de la Suisse soit effectuée, et qu’une stratégie d’engagement détaillée, comprenant une liste de critères sociaux et environnementaux soit développée avant que de nouvelles formes de partenariats, respectivement de nouveaux instruments financiers avec le secteur privé ne soient développés.
Blended finance – les financements mixtes et la coopération au développement : La position d’Alliance Sud, 28 pages. Septembre 2020
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Medienmitteilung
16.08.2015, Financement du développement
L’agenda d’Addis Abeba est sous toit. Pendant que les diplomates fêtent le prétendu succès des négociations, la société civile critique le résultat comme insuffisant pour assurer un développement durable.
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Medienmitteilung
13.07.2015, Financement du développement
Aujourd’hui commencent à Addis Abeba les négociations d’un cadre de financement pour le développement durable. Une déclaration des ONG exhorte la communauté internationale à donner un signal fort.
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