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Le magazine d'Alliance Sud analyse et commente la politique étrangère et de développement de la Suisse. « global » paraît quatre fois par an et l'abonnement est gratuit.
La boule de démolition américaine et la Suisse
20.03.2025, Coopération internationale
Le démantèlement de l'engagement global des Etats-Unis doit préoccuper la Suisse, écrit Andreas Missbach. Les conséquences pour le multilatéralisme et la coopération au développement, et donc surtout pour les pays les plus pauvres, sont graves. Dans ce contexte, le Conseil fédéral ne doit pas miser sur le business as usual.
Les Etats-Unis se retirent, les bouleversements mondiaux sont immenses. A Berne, le Conseil fédéral s’est tu et l’indignation du monde politique ne s’est pas manifestée. © Keystone / Anthony Anex
Selon le Financial Times, « à part la révolution culturelle chinoise, il n’y a que peu de parallèles dans l'histoire avec l'attaque contre l'Etat du soi-disant département de l’efficacité gouvernementale ». Face à la mainmise sur le pouvoir aux Etats-Unis, les comparaisons appropriées font défaut. Et parfois même les mots. Tentons la référence à la culture pop : « I came in like a wrecking ball » (Miley Cyrus).
Il serait vain d'essayer de dresser un inventaire de tout ce qui a été réduit en miettes par cette boule de démolition (wrecking ball). Attardons-nous donc sur un sujet peu abordé en Suisse, même s’il peut avoir de grandes répercussions dans notre pays : la suspension du « Foreign Corrupt Practices Act », la législation américaine visant à lutter contre la corruption. Sans cette législation, nous ne saurions pas ce que signifie l'expression « argent liquide à Baar » ! En fait, jusqu’en 2016, le siège de Glencore à Baar proposait un guichet où le personnel pouvait récupérer les pots-de-vin. Et c'est grâce à l’application du « Foreign Corrupt Practices Act » que Glencore a dû s’acquitter d’une amende de plus de 1,1 milliard de dollars après avoir reconnu sa culpabilité. Si le « nouveau shérif en ville » ne brandit plus cette menace, la tentation est grande de revenir à des pratiques qui ont fait leurs preuves dans le commerce des matières premières. Avec des conséquences désastreuses pour les pays les plus pauvres et leurs populations.
Pour rester dans la culture pop : on peut dire qu’en Suisse règne « le silence des agneaux » (film de Jonathan Demme). Ou plutôt des sept agneaux. Il a fallu attendre près de deux mois avant d'avoir des nouvelles de Berne : « Le Conseil fédéral prend la situation géopolitique au sérieux », mais « la politique étrangère helvétique n'a pas changé », a-t-on ajouté aussitôt. Selon les médias, le Conseil fédéral disposait d'un document de discussion qui traitait également du retrait des Etats-Unis de l'OMS, du Conseil des droits de l'homme des Nations unies et de l'accord de Paris sur le climat ; les conséquences du gel des paiements de l'USAID y auraient été également abordées. Mais pas un mot à ce sujet dans la communication officielle. Au lieu de cela, le Conseil fédéral fait comme si de rien n'était et tente la variante suisse de « l’art de la négociation » : « La stratégie de la Suisse doit être d'avoir les portes ouvertes à l'UE, aux Etats-Unis et à la Chine » (Helene Budliger Artieda, secrétaire d'Etat du SECO).
Le démantèlement de la plus grande agence de développement du monde est un ouragan dans les pays du Sud global et reste une tempête en Suisse. Et l'indignation des politiques alors ? Des projets vitaux d'une organisation suisse de développement, d'un montant de 100 millions de francs, ne peuvent plus être poursuivis. Rien ne sera plus comme avant : « Si c'est le début de la fin de l'aide au développement, nous devrions nous concentrer sur le changement structurel », avertit Heba Aly, ancienne directrice canado-égyptienne du portail en ligne The New Humanitarian. « Une politique commerciale, fiscale et de la dette plus juste peut lutter contre les causes de l'inégalité. » C'est de cela qu'il s'agit maintenant. Et pour la Suisse, cela signifie tout sauf « business as usual ».
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LIGNES DIRECTRICES NORD-SUD
25.03.2025, Coopération internationale
Les gouvernements de droite coupent dans leurs budgets de développement, mettant ainsi en péril la coopération internationale et le multilatéralisme. La Suisse ne fait pas exception. Un bref retour dans les archives montre qu'il y a trente ans, des idées progressistes circulaient encore au sein de la Berne fédérale.
L’atmosphère de renouveau du Sommet de la Terre de 1992 a gagné la société civile et la Suisse officielle : des protestataires au Sommet de Rio, au Brésil. © Dylan Garcia Travel Images / Alamy Stock Photo
Les mots anglais « peak aid » ou « post-aid world » sont sur toutes les lèvres lorsqu'il est question de l'état actuel de la coopération au développement. La faim, la pauvreté et la crise climatique progressent, et la réponse des pays du Nord est le repli sur soi, le réarmement et les guerres commerciales. Au bout du compte, tout le monde est perdant. Pourtant, il existe d'autres approches qui favorisent le développement durable dans les pays du Sud global. En Suisse, ces dernières avaient même réussi jadis à rallier une majorité. Le moment est venu de se rappeler des idées visionnaires du passé. Nous avons interrogé les « Lignes directrices Nord-Sud » du Conseil fédéral qui ont 31 ans. Toutes les réponses sont des citations tirées de ces lignes directrices de 1994.
Tenue en 1992 à Rio de Janeiro, la Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement a marqué un tournant dans la politique environnementale internationale. Pourquoi cette conférence était-elle si cruciale ?
La Conférence de Rio a montré à un vaste public la globalisation des problèmes de notre environnement naturel. Les pays en développement y jouent un rôle important. Ils détiennent une grande partie des ressources naturelles et sont bien plus menacés que les pays industrialisés par les conséquences de la désertification, l'élévation du niveau de la mer ou les changements climatiques. La pauvreté, l'industrialisation et la croissance démographique portent une atteinte supplémentaire à l'environnement. En outre, il est admis qu'une généralisation du mode de vie occidental actuel n'est en principe plus concevable écologiquement.
La Suisse a élaboré des Lignes directrices Nord-Sud dans ce contexte. Quel est le message clé de ces lignes directrices ?
Les lignes directrices exposent les problèmes principaux d'une politique de développement à l'heure actuelle. Elles en montrent les conséquences et les champs d'action et établissent les principes directeurs que suivra à l'avenir une politique suisse de développement. Ce n'est plus seulement la coopération au développement qui est concernée, mais bien l'ensemble des relations de la Suisse avec les pays en développement.
De quoi s’agit-il précisément ?
Les dichotomies traditionnelles entre politique de l'environnement et politique économique, entre politique économique et politique des migrations, entre politique commerciale et politique de coopération au développement, entre politique intérieure et politique extérieure ne permettent plus de répondre aux problèmes actuels. Ce qu'il faut, c'est « une politique cohérente envers le Sud ». Formuler une telle politique revient à montrer les contradictions éventuelles entre des intérêts nationaux à court terme et les buts de la politique suisse de développement, puis à les intégrer, de façon aussi transparente que possible, dans les processus de décisions politiques. Une telle politique ne peut être mise en œuvre que si la population suisse réalise que notre prospérité dépend à long terme du destin du Sud.
D'aucuns diraient : « La Suisse a suffisamment de problèmes. Nous devrions d'abord veiller au bien-être de notre propre population. » Que répondez-vous à cela ?
Il n'est pas question d'abandonner les intérêts suisses. Cependant, dans un monde que caractérisent l'interdépendance et la mutation, nous devons en permanence, dans une perspective à long terme et globalement, redéfinir les intérêts afin de mieux les préserver et déterminer les actions qui en découlent afin de mieux les conduire.
Est-ce que la coopération au développement devient obsolète dès lors qu'il existe une politique de développement cohérente ?
Avant d'atteindre une croissance économique durable, les pays les plus pauvres dépendront longtemps encore de l'aide extérieure. Dans nombre de domaines, les ressources humaines et financières leur manquent. Les pays à revenu moyen ont également besoin de notre soutien pour améliorer leurs infrastructures économiques et sociales et pour protéger efficacement leur environnement. Notre aide publique au développement doit donc encore augmenter quantitativement et qualitativement.
Merci beaucoup pour cet entretien. Nous espérons vivement que notre Conseil fédéral prendra connaissance de ces idées du passé et réalisera que les problèmes urgents du présent ne peuvent être résolus que par une politique de développement cohérente et clairvoyante.
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Analyse sur le démantèlement de l'USAID
17.02.2025, Coopération internationale
Le démantèlement pur et simple de l'Agence des États-Unis pour le développement international (USAID) a récemment fait couler beaucoup d’encre. Il apparaît désormais clairement que non seulement la manière dont l'agence a été supprimée était antidémocratique et illégale, mais aussi que les conséquences de cette décision sont dramatiques partout sur la planète. Malgré sa tradition humanitaire volontiers louée et son engagement en faveur du multilatéralisme à travers la Genève internationale, la Suisse officielle continue s’illustrer par son silence.
Des manifestant.e.s demandent au Congrès américain de sauver l'USAID. © KEYSTONE / CQ Roll Call / Newscom / Tom Williams
C’est en 1961 que John F. Kennedy a fondé l’USAID. Depuis, elle est devenue la plus grande agence de développement au monde. Avec un budget annuel de 40 milliards de dollars (soit moins de 1 % des dépenses publiques américaines), elle dispose d'environ 40 % de l'ensemble des fonds publics de développement de tous les pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Et voilà qu'en quelques semaines, elle a été complètement réduite à l’impuissance. Elon Musk, l'homme le plus riche du monde, qui dirige sans mandat officiel un « ministère » créé par Trump visant à améliorer l’efficacité du gouvernement (Department of government efficiency, DOGE), mène la campagne contre l'USAID. Dans une série de tweets haineux, il a qualifié l'agence de développement de « pomme grouillante de vers », de « nid de vipères » ou encore d’« organisation criminelle » et a exigé qu'elle disparaisse. Peu de temps après, il aurait envoyé un courriel à l’ensemble du personnel l’exhortant à ne pas se rendre au travail. Puis les événements se sont précipités. Des cadres ont été licenciés ou mis en congé. Le site web de l'USAID, son compte X et les comptes de messagerie du personnel sont soudainement devenus inaccessibles. En outre, Musk a obtenu illégalement l'accès aux données sensibles de l'agence en faisant pénétrer un groupe de jeunes spécialistes en informatique (les Doge Kids) dans les bureaux de l'USAID, de manière agressive et contre les ordres du personnel de sécurité. De la même manière, les Doge Kids ont obtenu des données sensibles des ministères de la santé, de l'éducation et des finances. Le sénateur Chuck Schumer a qualifié le groupe de « gouvernement fantôme non élu... qui procède à une prise de contrôle hostile du gouvernement fédéral ».
Même si l'arrêt des programmes de développement n’est officiellement valable que pour 90 jours et même si les « programmes humanitaires vitaux » peuvent demander une dérogation, les décisions prises par Trump et Musk semblent indiquer que l'USAID ne sera plus réactivée. Ainsi, plusieurs organisations partenaires ont fait savoir qu'elles ne pouvaient pas poursuivre leurs programmes malgré l’autorisation exceptionnelle, car le système de paiement de l'ensemble de l'organisation a été paralysé par les Doge Kids de Musk. En outre, dans un nouveau décret gouvernemental, Trump a entre-temps demandé à l'agence de suspendre les autorisations exceptionnelles supplémentaires. De manière cynique, seule l'aide militaire à Israël et à l'Égypte se poursuit sans changement. Dans l’intervalle, l’ensemble du personnel a été prié de rentrer aux États-Unis, le logo « USAID » a été retiré des bureaux de New York et l'agence est désormais désignée dans les communications officielles comme « l'ancienne USAID ». Cette agence, créée par le Congrès américain et dont le budget est approuvé chaque année par le Congrès, a été « jetée dans la déchiqueteuse » (pour reprendre les mots de Musk) en quelques semaines par un représentant du gouvernement non élu. Même si plusieurs plaintes ont été déposées aux États-Unis contre les agissements de Trump et Musk, il n'est pas certain qu'elles aient un effet réel. D'une part, une grande partie du pouvoir judiciaire est dominée par les républicains et, d'autre part, les déclarations du président Trump et de son vice-président Vance suggèrent que tout jugement des tribunaux visant à réduire le pouvoir exécutif de Trump serait ignoré.
La fermeture de l'USAID n'est pas seulement fatale d'un point de vue démocratique, elle a également des conséquences majeures dans le monde entier. Comme l'USAID mène de nombreux projets en collaboration avec d'autres organisations, le système de développement international dans son ensemble s'en trouve considérablement ébranlé. Outre les quelque 10 000 employé.e.s de l'USAID qui ont perdu leur emploi du jour au lendemain, des milliers de postes ont déjà été supprimés dans les organisations partenaires qui mettent en œuvre les projets de l'USAID. Selon les estimations, plus de 50 000 emplois ont déjà été perdus et ce chiffre devrait dépasser les 100 000 dans les mois à venir. Plusieurs centaines d'employé.e.s locaux ont également été licenciés par diverses ONG suisses. De nombreuses petites organisations partenaires dans les pays du Sud ont déjà fermé leurs portes.
Il n'est pas exagéré de dire que la fermeture de l'USAID a des conséquences potentiellement mortelles pour des millions de personnes. Prenons l'exemple du secteur de la santé, dans lequel l'USAID joue un rôle de pionnier : en raison de sa disparition, des millions de gens ne pourront plus se procurer des médicaments vitaux. L'autorité sanitaire africaine CDC Africa estime que deux à quatre millions de personnes mourront chaque année à cause de cette situation.
La fermeture soudaine de l'USAID a notamment pour conséquence que des tonnes de nourriture pourrissent dans des entrepôts, tandis que des centaines de milliers d'enfants attendent leur repas scolaire ou que 11.7 millions de filles et de femmes n'ont pas accès à la contraception, ce qui augmente considérablement le risque de grossesses non désirées et de complications à l'accouchement.
La couverture médiatique indépendante souffrira également énormément dans de nombreux pays. En 2023, l'USAID a financé la formation et le soutien de 6 200 journalistes, a aidé 707 chaînes d'information non gouvernementales et 279 organisations de la société civile qui œuvrent au renforcement des médias indépendants dans plus de 30 pays, dont l'Iran, l'Afghanistan et la Russie.
Il est clair que ni Trump ni Musk ne se soucient du sort des gens ou de la disparition de nombreuses ONG dans les pays du Sud global. En Suisse également, certaines personnes opposées à la coopération au développement se réjouissent déjà et souhaitent la suppression de la Direction du développement et de la coopération (DDC). Mais la fermeture brutale de l'USAID comporte également des risques majeurs pour la politique de sécurité à moyen et long terme, et ce partout sur la planète.
Ainsi, l'USAID est en grande partie responsable de la surveillance et de l'endiguement du virus Ebola en Afrique de l'Ouest ainsi que de la surveillance de la grippe aviaire dans 48 pays. Avec le retrait des États-Unis de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), cela a des conséquences fatales et les risques de pandémie augmentent dans le monde entier.
La suppression de l'aide d'urgence vitale dans les zones de guerre et de crise peut aussi rapidement entraîner de nouvelles vagues de migration. Plusieurs spécialistes mettent déjà en garde contre le fait que le vide créé par la dissolution de l'USAID profitera à des pays comme la Chine et la Russie, qui seront alors ravis de prendre le relais avec leur rhétorique anti-occidentale habituelle.
Le démantèlement de l'USAID intervient à un moment où la crise climatique s'aggrave dans le monde entier et où la réalisation des objectifs de développement durable (ODD) semble de plus en plus hors de portée. L’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) estime désormais à 6,4 trillions de dollars le déficit de financement nécessaire pour atteindre les ODD d'ici 2030. Parallèlement, plusieurs pays européens, dont la Suisse, ont déjà réduit les fonds qu’ils consacrent au développement ces dernières années, et le déficit de financement international de la lutte contre le changement climatique ne cesse de se creuser.
De plus en plus d'États se retranchent derrière des intérêts nationalistes et la propagande d'extrême droite semble à nouveau être tolérée en maints endroits. Outre les avancées majeures réalisées dans les domaines de la diversité, de l'égalité des sexes et de la lutte contre le racisme, cette situation affecte aussi fortement la coopération au développement.
Bien sûr, le système de développement mondial a besoin de réformes. Les acteurs locaux doivent par exemple être davantage associés à la conception et à la mise en œuvre des projets. Un débat ouvert sur l'avenir de la coopération au développement est le bienvenu. Mais c’est exactement le contraire qui se passe avec l’USAID. La politique radicale de Trump et de Musk montre clairement non seulement les conséquences fatales de la suppression brutale d'une agence de développement dans le monde, mais aussi la rapidité avec laquelle une démocratie peut s'effondrer et l'idéologie et la rhétorique d'extrême droite s'imposer.
Il semble d'autant plus urgent que des pays comme la Suisse, qui se font un point d’honneur de mettre en avant leur démocratie et leurs valeurs humanitaires, prennent maintenant clairement position et condamnent fermement le démantèlement antidémocratique de l'USAID. La Suisse, qui héberge avec la Genève internationale un centre névralgique de la coopération internationale, est de plus désormais appelée, avec d'autres pays donateurs, à compenser financièrement la perte de l'USAID et à se positionner à long terme en tant que fervente partisane du multilatéralisme et de la démocratie. Ce n'est que de cette manière que la crise dans laquelle Trump et ses sbires semblent plonger le monde entier peut encore représenter une chance.
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Communiqué
13.02.2025, Coopération internationale, Financement du développement
À quatre jours de la réunion de la Commission de politique extérieure du Conseil des États (CPE-E), une dizaine d’organisations réaffirment la nécessité absolue de maintenir le financement de l’UNRWA pour pérenniser l’accord de cessez-le-feu entre Israël et le Hamas. Les organisations remettent une lettre à la CPE lors d'une action pour appeler la Suisse à demeurer fidèle à sa tradition humanitaire.
Remise de la lettre à la porte de la Chancellerie fédérale. © Luisa Baumgartner / Alliance Sud
L’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA) a procédé dès la fin janvier à l’évacuation de son siège dans le quartier de Sheikh Jarrah, à Jérusalem-Est, et au redéploiement temporaire de son personnel international en Jordanie. Cette mesure fait suite à l’adoption par le Parlement israélien d’une loi inédite et contraire au droit international, interdisant la présence de l’UNRWA en Israël, ainsi qu’à Jérusalem-Est, que le pays occupe depuis 1967.
« La loi israélienne entre en vigueur à un moment où l'aide humanitaire est plus que jamais nécessaire. La vie, la santé et le bien-être de millions de Palestinien·ne·s sont en danger. La Suisse doit demander au gouvernement israélien de permettre à l'UNRWA d'exercer sur l'ensemble du Territoire palestinien occupé, tout en poursuivant son soutien financier à l'agence onusienne », déclare Michael Ineichen, responsable de plaidoyer à Amnesty Suisse.
Depuis l’entrée en vigueur du cessez-le-feu à Gaza, l’UNRWA a acheminé 60 % de toute l’aide humanitaire parvenue dans le Territoire palestinien occupé. Elle y demeure le plus important acteur humanitaire. Seule l’agence onusienne dispose du réseau nécessaire pour délivrer des services tels que des abris d’urgence, des infrastructures d’assainissement, des soins et du matériel médical, et assurer la distribution de nourriture et d’eau. Le succès du cessez-le-feu dépend de cette aide essentielle.
Depuis l’arrêt de la Cour internationale de justice de janvier 2024, la Suisse a plus particulièrement l'obligation de prendre des mesures pour éviter un génocide et assurer une aide humanitaire à la population civile de Gaza. En tant qu’État dépositaire des Conventions de Genève, elle organise en outre une conférence des États parties aux Conventions de Genève dans le but de renforcer la protection de la population palestinienne. Une raison de plus de s’engager pleinement en faveur des droits humains des Palestinien·ne·s, notamment en contribuant à la livraison de biens et services de première nécessité.
« Amnesty International appelle donc la CPE à autoriser la poursuite du soutien à l’UNRWA. Une interruption de son financement serait en contradiction avec les engagements internationaux de la Suisse et saperait les efforts de paix et de stabilité dans la région. Le soutien de notre pays est d'autant plus nécessaire après la décision du président américain Trump de mettre fin au financement de l’agence onusienne », conclut Michael Ineichen.
Les organisations suivantes ont signé la lettre ouverte à la CPE-E : Alliance Sud, Forum pour les droits humains en Israël/Palestine, Frieda – L’ONG féministe pour la paix, Association Suisse-Palestine, Groupe pour une Suisse sans armée GSsA, Ina autra senda - Swiss Friends of Combatants for Peace, Jüdische Stimme für Demokratie und Gerechtigkeit in Israel/Palästina JVJP, Médecins du Monde Suisse, medico international suisse, Palestine Solidarity Switzerland, Peace Watch Switzerland
En avril 2024 déjà, les organisations porteuses de la lettre remise aujourd’hui à la CPE ont déposé une pétition pour un cessez-le-feu et la poursuite du financement de l'UNRWA au Conseil fédéral et au Parlement munie de plus de 45 000 signatures. En octobre, certaines de ces organisations ont exposé les conséquences d'un retrait suisse du soutien à l'UNRWA dans une lettre ouverte à la même commission.
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Communiqué
29.01.2025, Coopération internationale, Financement du développement
La DDC et le SECO ont fait savoir aujourd'hui comment ils allaient appliquer les coupes dans la coopération internationale décidées par le Parlement. Les conséquences dramatiques pour les populations dans les pays et les programmes concernés sont minimisées.
Malgré la situation politique incertaine et les inondations dangereuses, la suppression du programme de développement bilatéral au Bangladesh est notamment justifiée par les « besoins réels sur place ». © Keystone / EPA / STR
Pour éviter tout malentendu : la responsabilité des coupes de 110 millions de francs dans le budget 2025 et de 321 millions dans le plan financier des années à venir est entièrement imputable à la majorité bourgeoise du Parlement qui a pris ces décisions. En revanche, l'affirmation selon laquelle « en établissant des priorités de manière ciblée, il sera tout de même possible de maintenir dans une large mesure les effets attendus de la coopération internationale (CI) » donne un mauvais signal. La coopération au développement qui peut être menée malgré les restrictions budgétaires reste certes efficace. Mais il est tout aussi clair que l'on ne peut pas faire autant avec 110 millions de moins. Et il est évident que ce sont les populations du Sud global qui en subiront concrètement les conséquences si des projets à succès doivent être interrompus.
Les « besoins sur place » n'ont à coup sûr pas diminué au Bangladesh et en Zambie, deux pays dans lesquels les programmes de la DDC doivent être abandonnés. Le Bangladesh connaît une situation d'insécurité politique qui affecte l'industrie textile, centrale pour le pays. La Zambie souffre d'une crise de la dette. Selon le Fonds monétaire international, il existe toujours « (a) high risk of overall and external debt distress ». Cela s'explique aussi par le fait que le pays a souffert et souffre encore de l'évasion fiscale agressive de groupes étrangers. Glencore, par exemple, n'a jamais payé d'impôts sur les bénéfices en Zambie, même lorsque les prix du cuivre y atteignaient des sommets. Les deux pays sont en outre particulièrement touchés par la crise climatique, qui menace les avancées antérieures en matière de développement. Le Bangladesh à cause des tempêtes et de l'élévation du niveau de la mer et la Zambie parce que la production d'électricité a fortement reculé, le débit des rivières étant bien moindre.
Au plan multilatéral également, les réductions ne peuvent pas être ignorées sans conséquences. Les paiements à ONUSIDA sont par exemple suspendus. Or, le sida reste l'une des principales causes de mortalité en Afrique et près d'un cinquième des patientes et des patients africains atteints du VIH ne reçoivent toujours pas les médicaments qui pourraient les sauver. D’autres « coupes transversales » sont également prévues et les contributions de base des ONG sont concernées, même si le conseiller fédéral Cassis a déclaré l'été dernier au Parlement que ces organisations partenaires contribuent à la mise en œuvre de la stratégie de la CI à moindre coût. En clair, cela signifie concrètement que les familles paysannes n'ont pas d'approvisionnement en eau sûr pour lutter contre la crise climatique, que les jeunes n'ont pas de place de formation et que davantage d'enfants se couchent le ventre vide. Il ne s'agit pas de rassurer les responsables des coupes budgétaires, mais de les obliger à regarder cette réalité en face.
Pour plus d’informations :
Andreas Missbach, directeur, Alliance Sud, tél. +41 31 390 93 30, andreas.missbach@alliancesud.ch
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Tied Aid dans la CI
29.11.2024, Coopération internationale
L'aide liée à des contreparties est mal vue depuis des décennies dans la coopération internationale. Mais cela ne semble guère déranger les pays donateurs. Bien au contraire. En Suisse aussi, l'aide liée redevient acceptable. Eclairage de Laura Ebneter
Pas encore d’aide économique pour les entreprises suisses : en mars 2022, après le début de la grande offensive russe contre l’Ukraine, la Suisse a livré des biens de secours humanitaires.
© Keystone / Michael Buholzer
« Lorsque nous coopérons au développement, nous voulons avant tout donner des mandats à l'économie locale. Mais ici, il s'agit de la reconstruction [de l'Ukraine]. Nous sommes donc dans une autre logique », a déclaré Helene Budliger-Artieda, directrice du Secrétariat d'Etat à l'économie (SECO), lors d'une interview accordée à la Radio et Télévision Suisse alémanique (SRF) en été 2024. L'entretien portait sur les projets du Conseil fédéral en matière d’aide à l'Ukraine. Celui-ci prévoit de consacrer 1,5 milliard de francs au soutien de l'Ukraine au cours des quatre prochaines années. Sur cette somme, 500 millions devraient profiter à des entreprises suisses actives en Ukraine. Est-ce encore de la coopération au développement ou de la promotion des exportations ?
Il est ici question de la très décriée aide liée (tied aid), autrement dit de fonds de développement liés à la condition d'achat de biens et de services auprès des pays donateurs. C'est la raison pour laquelle on parle souvent de bons d'achat. Les pays partenaires n'ont pas d'autre choix : dans une situation d'urgence, on prend aussi les bons d'achat de la Migros, même si cela nuit au magasin de son propre village, qui serait bien plus crucial à moyen terme pour la population locale.
Toutes les estimations disponibles aboutissent au même constat : lorsque les biens et les services doivent être achetés dans les pays donateurs, les projets coûtent 15 à 30 % de plus que si les pays pouvaient choisir un fournisseur. Mais la coopération sans contrepartie ne renforce pas seulement l'efficacité de l'utilisation des ressources et l'autodétermination des pays partenaires. En encourageant les entreprises et les marchés locaux, elle crée des incitations positives supplémentaires qui vont au-delà des résultats des projets. Si les fournisseurs locaux sont pris en compte, il y a en outre moins de problèmes pour l'acquisition de pièces de rechange, car les chaînes d'approvisionnement sont nettement plus courtes. Dans le cas contraire, les coûts de maintenance sont supérieurs et peuvent rendre un succès à long terme impossible si les fonds manquent une fois le projet mené à terme.
L'aide liée s'inscrit dans un débat vieux de plusieurs décennies sur l'efficacité du financement du développement. Au fond, il est question de deux préoccupations étroitement liées : d’abord de celle d’une coopération internationale tournée vers l'avenir et basée sur des principes d'efficacité et d'efficience. Le débat sur l'aide non liée touche donc aussi à l'agenda de la décolonisation : les pays partenaires doivent pouvoir décider eux-mêmes de leur trajectoire de développement. Et ensuite de la préoccupation des effets de distorsion potentiels lors de l'attribution de fonds liés à l'exportation de biens et de services en provenance des pays donateurs.
Et il est aussi question de lutte à armes égales. En effet, les pays qui renoncent à la pratique de l'aide liée — c'est-à-dire qui font des appels d’offres internationaux — critiquent à juste titre le fait qu'ils seraient désavantagés si d'autres pays ne faisaient pas de même. Ainsi, les fournisseurs suisses n'ont qu'un accès limité à d'autres marchés, alors que les fournisseurs internationaux accèdent aisément aux marchés publics suisses.
En 2001, afin de procéder de manière coordonnée au niveau international, l'OCDE s'est mise d'accord sur la Recommandation sur le déliement de l'aide publique au développement (APD) [Recommendation on Untying Official Development Assistance (ODA)]. L'objectif de cet accord commun était (et reste) d'attribuer le plus possible de fonds de développement non liés et de renforcer ainsi l'efficacité et l'efficience de la coopération internationale. En effet, la communauté internationale s'accorde à dire que cette forme de financement public du développement est paternaliste, coûteuse et inefficace.
En comparaison internationale, la Suisse fait jusqu'à présent bonne figure en termes de chiffres officiels de l'aide non liée. Selon une analyse de l’OCDE, notre pays a attribué 3 % de ses fonds de manière liée en 2021 et 2022. Cette analyse ne donne cependant qu'une image incomplète, car le nombre ne comprend que l'attribution de fonds clairement liés. Il existe également des moyens informels de donner la préférence aux fournisseurs nationaux. Le cercle des candidats peut par exemple être contrôlé par la langue de l'appel d'offres, l'ampleur financière des projets ou le choix du canal de communication.
Il n'existe pas de vue d'ensemble précise de l'ampleur de l'aide liée de manière informelle. Les statistiques d'adjudication permettent toutefois d'estimer la part des fonds ayant fait l’objet d’appels d’offres qui revient à des prestataires nationaux. En 2018 — on ne dispose pas de données plus récentes —, selon les évaluations du Réseau européen sur la dette et le développement (Eurodad), 52 % de tous les fonds non liés ont été adjugés à des fournisseurs dans le pays même. La Suisse se situe dans la moyenne avec 51 %. Au total, seuls 11 % sont allés directement à des fournisseurs dans des pays partenaires.
En Suisse, l'aide non liée a longtemps fait l'unanimité. Dans le projet actuel de stratégie de coopération internationale (stratégie CI) 2025-2028, on peut lire en effet : « Elle [la CI] est cohérente avec le droit commercial international, qui vise à empêcher les subventions génératrices de distorsions commerciales en faveur des entreprises suisses. [...] La Suisse prend en compte les recommandations de l’OCDE « DAC Recommendation on Untying Official Development Assistance. » Cette profession de foi semble n'avoir servi que pour la galerie dans les décisions relatives aux fonds ukrainiens destinés aux entreprises suisses, puisque quelques semaines après la publication de la stratégie CI, le Conseil fédéral a écrit dans un communiqué de presse : « Un rôle de premier plan devrait être accordé au secteur privé suisse dans la reconstruction de l’Ukraine ». Avec une telle intention, la Suisse entend aussi réintroduire formellement l'aide liée (voir l'article de Laurent Matile, #global93).
Selon les directives de l'OCDE, le financement de base versé à des organisations non gouvernementales issues de pays donateurs n’est pas considéré comme de l'aide liée, car ces organisations travaillent dans l'intérêt public et n'agissent pas à des fins lucratives. Ce traitement de faveur est toutefois contesté au niveau international. Ces derniers mois, le mouvement international #ShiftThePower a exigé que davantage de fonds de développement soient versés directement à des organisations du Sud global. Aussi justifiée que soit cette revendication, il vaut la peine d'analyser de plus près la manière dont les fonds peuvent parvenir aux organisations partenaires dans le Sud global. Car le fait de procéder à des appels d’offres pour davantage de projets et de programmes au niveau international ne signifie pas automatiquement que les organisations du Sud global obtiennent le marché. C'est pourquoi il faut s'assurer que des processus d'adjudication soient mis en place pour permettre aux petites organisations du Sud global de recevoir un financement de base et de ne pas rester cantonnées au rôle de partenaires de mise en œuvre des projets. Les ONG suisses en particulier, qui ont toutes des partenariats solides et de confiance de longue date avec d'innombrables organisations du Sud mondial, jouent ici un rôle crucial de relais.
De nombreux pays ne cachent pas qu'ils lient leur financement du développement à des intérêts de politique étrangère. En 20222, Carsten Staur, le président danois du Comité d'aide au développement de l'OCDE, a déclaré dans une interview qu’il n'y avait jamais eu d'aide publique au développement dans l’histoire qui n’ait pas poursuivi d'une manière ou d'une autre des objectifs de politique étrangère et de sécurité.
Il est intéressant de noter que l'aide liée en Suisse est précisément réclamée par les partis politiques qui prônent par ailleurs des règles commerciales libérales. Dans le cas de la coopération internationale, celles-ci ne devraient soudain plus s'appliquer. Et les voix qui affirment qu’elle n’est pas efficace sont, avec de telles décisions politiques, coresponsables du fait que les moyens destinés à la CI peuvent être utilisés avec une efficacité moindre.
Pour pouvoir coopérer durablement, efficacement et sur un pied d'égalité, les pays partenaires doivent pouvoir définir eux-mêmes leurs propres trajectoires de développement. Le fait que nous devions définir en Suisse ce dont les pays partenaires « ont besoin » ne reflète pas les débats internationaux sur une coopération internationale en prise sur l'avenir. Il importe également de comprendre que l'aide liée est inefficace et coûteuse. Il est donc grand temps d’abandonner cette approche et d'investir dans des partenariats à long terme, d’égal à égal.
On parle d'aide liée (tied aid) lorsque l'octroi de fonds est soumis à la condition que les biens et les services soient achetés auprès de fournisseurs du pays donateur. Mais il existe également d'autres formes de conditionnalité, plus précisément lorsque les pays donateurs imposent des directives concernant des mesures anti-corruption, une politique de libre-échange et de libéralisation ou le respect des principes démocratiques. La conditionnalité des fonds de développement est également un instrument stratégique permettant d'atteindre des objectifs de politique étrangère dans les pays du Sud global. Mais cette méthode est rarement bien accueillie par les pays partenaires, car elle empiète sur le droit à l'autodétermination nationale. C'est entre autres pour cette raison que de nouveaux pays donateurs, comme la Chine, qui ne fixent que peu ou pas de conditions, sont des plus appréciés.
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Le magazine d'Alliance Sud analyse et commente la politique étrangère et de développement de la Suisse. « global » paraît quatre fois par an et l'abonnement est gratuit.
Communiqué
12.12.2024, Coopération internationale
Le Conseil des Etats et le Conseil national ont procédé jeudi à des coupes drastiques dans la coopération internationale. Selon le Conseil national la population ukrainienne victime de la guerre devrait également souffrir de ces mesures d'austérité. Le Parlement a perdu sa boussole humanitaire.
Lors de la visite officielle du président ukrainien Volodymyr Selenskyj à Berne en janvier 2024, les parlementaires avaient encore réaffirmé la solidarité de la Suisse.
© Services du Parlement / Monika Flückiger
Ce matin, deux décisions graves ont été prises : le Conseil des Etats veut économiser 71 millions de francs dans le budget de la coopération internationale (CI) pour l'année prochaine. Dans le même temps, le Conseil national a décidé, dans la procédure d'élimination des divergences sur la stratégie de coopération internationale 2025-2028, d'économiser au total 351 millions de francs dans la CI. Sur ce montant, 151 millions doivent être coupés dans la Direction du développement et de la coopération (DDC) et 200 millions dans l'aide à l'Ukraine. Concrètement, cela touche aussi l'aide humanitaire en Ukraine. Cette décision est d'autant plus choquante que le Conseil national veut exclure de l'exercice d'économie le soutien d'entreprises suisses à l'aide à l'Ukraine.
Pour Andreas Missbach, directeur d'Alliance Sud, le centre de compétence suisse pour la coopération internationale et la politique de développement, le Parlement a perdu toute perspective : « Le Conseil national préfère attribuer l'argent destiné à l'Ukraine à des entreprises suisses plutôt qu'accorder protection et aide à la population ukrainienne souffrant du froid ».
Alliance Sud demande au Parlement de revenir sur ces coupes dans la suite de l'élimination des divergences.
Pour plus d'informations :
Andreas Missbach, directeur, Alliance Sud, tél. +41 31 390 93 30, andreas.missbach@alliancesud.ch
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Communiqué
04.12.2024, Coopération internationale, Financement du développement
Aujourd’hui, le Conseil national a décidé d'économiser un total de 250 millions de francs dans le budget 2025 sur le dos des plus pauvres. Cette décision grave privera des millions de personnes de leurs bases d’existence. Il ne faut pas qu’elle se répète demain dans le cadre de la stratégie de coopération internationale (CI).
Le discours sur l'austérité éclipse tout : le Conseil national décide des coupes dans la coopération internationale, avec de graves conséquences pour les personnes dans les pays les plus pauvres.
© KEYSTONE / Alessandro della Valle
Le Conseil national débattra jeudi de la stratégie CI 2025-2028. À son conseil, la commission des finances propose des coupes d'un montant total d'un milliard de francs. Et ce, même s’il manque déjà 1,5 milliard de francs pour le Sud global en raison du financement de l'Ukraine.
Une réduction des crédits d'engagement d'un montant d'un milliard de francs, combinée à la réallocation déjà décidée pour l'Ukraine, aurait par exemple pour conséquence1
… de priver plus de 60 000 personnes de formation professionnelle et, de cette manière, d’une perspective de vie autonome.
… de priver plus de 19 000 PME d’un capital de démarrage, ce qui fragiliserait l'économie locale.
Pour le développement humain, cela signifierait
… que plus de 120 000 enfants en situation d'urgence ne recevraient plus d'éducation de base.
… que plus de 670 000 personnes auraient moins accès à un approvisionnement en eau potable à un prix abordable.
… que près de 160 000 accouchements ne pourraient plus être effectués par du personnel de santé qualifié. Il en résulterait une augmentation de la mortalité infantile et maternelle.
… que plus de 910 000 personnes de moins pourraient s'adapter aux conséquences du changement climatique, ce qui entraînerait une augmentation de la pauvreté, de la faim et de la migration.
Pour Andreas Missbach, directeur d'Alliance Sud, le centre de compétence suisse pour la coopération internationale et la politique de développement, le Conseil national franchit une ligne rouge par cette décision budgétaire : « Seule la mise en œuvre des propositions du Conseil fédéral au cours de la session d'hiver concernant les crédits d'engagement de la stratégie CI 2025 – 2028 et le budget 2025 permettra d'offrir des perspectives d'avenir aux populations des pays les plus pauvres et de sauver des vies d'enfants, de mères et de malades. »
Pour de plus amples informations :
Andreas Missbach, directeur, Alliance Sud,
tél. +41 31 390 93 30, andreas.missbach@alliancesud.ch
Isolda Agazzi, responsable média pour la Suisse romande, Alliance Sud,
tél. +41 22 901 07 82, isolda.agazzi@alliancesud.ch
1 Ces calculs se fondent sur le tableau des résultats 2020-2022 obtenus grâce à l'aide humanitaire, la coopération au développement et la coopération économique au développement, voir Stratégie CI 2025 - 2028, p. 12.
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Transition politique au Bangladesh
03.10.2024, Coopération internationale
C'est précisément ce qui se passe depuis juillet et cela ne concerne pas n'importe quel pays, mais le huitième le plus peuplé du monde. À quelques exceptions près, le succès du soulèvement des jeunes au Bangladesh et l'expulsion de l'autocrate Sheikh Hasina vers l'Inde n'ont pas été relayés par les médias locaux.
Un mois après le changement de pouvoir, des milliers de personnes se rassemblent à nouveau à Dhaka en septembre. © AP Photo/Rajib Dhar
Dans les débats actuels sur la coopération au développement, il vaut pourtant la peine de s’intéresser de plus près à ce pays prioritaire de la Direction du développement et de la coopération (DDC). Le Bangladesh a connu une croissance économique spectaculaire, surtout depuis le tournant du millénaire. Le produit intérieur brut (PIB) par habitant a plus que sextuplé et le pays devance désormais l'Inde et le Pakistan. Le nombre de personnes vivant en dessous du seuil de pauvreté (2,15$ par jour) est passé d'un tiers en 2000 à 5,8% en 2023.
Et pourtant le Bangladesh était parti du mauvais pied. Dans les premières années qui ont suivi son indépendance en 1971, le pays a souffert des conséquences de la guerre civile et d'une terrible famine. L'ascension du « cas désespéré » (Henry Kissinger) et de l'Etat fragile au « tigre du Bengale » est volontiers présentée comme un exemple parfait des opportunités offertes par l'intégration au marché mondial. Ou pour le mantra « seuls les investissements étrangers apportent croissance et développement », également populaire au Palais fédéral. En effet, les textiles représentent 85 % des exportations du Bangladesh et l'industrie textile emploie quatre millions de personnes, principalement des femmes. Mais les salaires versés ne suffisent pas pour vivre, a fortiori avec l'inflation actuelle. Et les investissements étrangers ne rapportent qu'un dixième des devises que les migrantes et les migrants envoient dans leur pays d'origine.
Les exportations de textile et le marché mondial sont certes essentiels, mais au mieux la moitié de la bataille. Car la réussite du Bangladesh est aussi celle des ONG locales. Plus des trois quarts des agents de santé au niveau communautaire ne sont pas fournis par le gouvernement, mais par des ONG. La plus grande d'entre elles pourvoit des informations et des services de base à 110 millions de personnes. Elle diagnostique la majorité des nouveaux cas de paludisme et de tuberculose à un stade précoce. « Dans aucun autre pays en développement, les organisations de développement locales créées pour aider les pauvres n’ont une telle incidence », affirme l'économiste du développement Stefan Dercon dans son analyse complète « Gambling on development : Why some countries win and others lose ». Et le Bangladesh est aussi une histoire à succès de la coopération au développement, par exemple du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), qui « est une offre visant à encadrer son propre développement », dixit son directeur Achim Steiner dans la grande interview publiée dans le présent numéro de « global ».
Le temps presse, car les chaînes d'approvisionnement dans l'industrie textile s’effondrent facilement ; dès le début des troubles estudiantins, des commandes ont déjà été transférées au Cambodge et dans d'autres pays. Mais le dynamisme de la société civile et le soutien de la communauté internationale permettent d'espérer que le pays surmontera la crise.
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Le magazine d'Alliance Sud analyse et commente la politique étrangère et de développement de la Suisse. « global » paraît quatre fois par an et l'abonnement est gratuit.
Communiqué
09.09.2024, Coopération internationale
La classe politique entend réduire massivement les fonds de la coopération au développement. Une large résistance s'organise contre cette décision. Les organisations suisses de développement entament une tournée nationale avec leur « Alarme solidarité ». Après le départ le 5 septembre, la tournée passera par Genève et Lausanne.
Lors des prochaines sessions d'automne et d'hiver, le Parlement débattra de la stratégie de coopération internationale pour les quatre prochaines années et du budget 2025. Face à la menace de coupes massives dans la coopération au développement, les organisations suisses de développement tirent la sonnette d'alarme et envoient un signal sans équivoque à Berne : non aux coupes claires au détriment de notre tradition humanitaire ! Au lieu de cela, des moyens supplémentaires doivent être mis à disposition pour l’aide cruciale à l'Ukraine, sans tailler dans les programmes existants dans les pays les plus pauvres.
Sur le site Internet de la campagne https://www.alarme-solidarite.ch/, on peut actionner le bouton d'alarme virtuel. Avec une série d'événements sur place, l'« Alarme solidarité » fait désormais également une tournée dans les villes suisses. Les passantes et les passants recevront sur place un complément d’information sur la coopération suisse au développement et pourront déclencher une alarme analogique en direction de Berne.
Dans sa Stratégie de coopération internationale 2025-2028, le Conseil fédéral a prévu 1,5 milliard de francs pour l'aide à l'Ukraine. C'est plus d'argent que ce qui est consacré à la coopération au développement dans toute l'Afrique subsaharienne. Et le Parlement risque même de procéder à des coupes supplémentaires en raison des mesures d’austérité et du réarmement de l'armée. Andreas Missbach, directeur d'Alliance Sud, le centre de compétence suisse pour la coopération internationale et la politique de développement, s’indigne : « Cette attaque contre la coopération au développement anéantit des projets établis à long terme et extrêmement efficaces et porte atteinte à la réputation de la Suisse. »
D'innombrables acteurs des milieux politiques et scientifiques et de la société civile partagent ce point de vue, car la faim et la pauvreté augmentent à nouveau sur la planète et les crises humanitaires s'aggravent. Ils soulignent notamment qu'une approche purement militaire de la sécurité est une réponse insuffisante à ces défis mondiaux. Notre pays doit au contraire renforcer sa coopération internationale s’il entend promouvoir efficacement la paix et la stabilité.
Vous trouverez une liste actualisée de la tournée de l’« Alarme solidarité » sur
https://www.alarme-solidarite.ch/campagne
Pour de plus amples informations :
Andreas Missbach, directeur d’Alliance Sud
andreas.missbach@alliancesud.ch, 031 390 93 30
L’« Alarme solidarité » est une campagne d’Alliance Sud, Swissaid, Action de Carême, Helvetas, Caritas, EPER, Solidar Suisse, terre des hommes Suisse, Brücke Le Pont, Biovision, Comundo, Unité et Vivamos Mejor.
Organisations de soutien : Armée du Salut, Frieda, IAMANEH Suisse, Interaction, Vétérinaires sans frontières, Women’s Hope International, Médecins du Monde, Médecins sans Frontières, cbm mission chrétienne pour les aveugles, Solidarmed, Verein Bethlehem Mission Immensee, OEME-Kommission Bern, Fédération genevoise de coopération, Enfants du monde, Fedevaco, Fondation Village d’enfants Pestalozzi, connexio.
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