Medienmitteilung

La justice climatique au centre de la COP-22

27.10.2016, Justice climatique

A Marrakech tout tourne autour la question de la promesse des pays industrialisés. Comment augmenteront-ils leurs contributions aux pays en développement à 100 milliards USD par an d’ici 2020 ? Alliance Sud assistera à la conférence climatique.

La justice climatique au centre de la COP-22

Communiqué

COP28 : une étape sous-financée vers l'abandon des énergies fossiles

13.12.2023, Justice climatique

La conférence sur le climat de Dubaï s'est achevée aujourd'hui sur un accord. Alors que pour la première fois, tous les Etats sont appelés à contribuer à la transition vers l'abandon des énergies fossiles, le financement pour le Sud global reste totalement flou. Les Etats du Nord global ont l'obligation de mettre à disposition le financement nécessaire d'ici la COP29 à Bakou. Dans le cas contraire, la transition juste deviendra une illusion tragique.

Delia Berner
Delia Berner

Experte en politique climatique internationale

+41 31 390 93 42 delia.berner@alliancesud.ch
COP28 : une étape sous-financée vers l'abandon des énergies fossiles

La grande faiblesse de la décision de la conférence est l'absence d'amélioration dans le financement pour le Sud global.

© Action de Carême

 

 

 

 

Après deux ans de préparation, l'espoir d'un état des lieux mondial ambitieux était grand. Le président de la COP, Sultan Al Jaber, a également affirmé à plusieurs reprises qu'elle visait une conclusion ambitieuse. De grandes divergences sont apparues pendant la conférence, mais la pression s'est accrue pour que la sortie des énergies fossiles soit décidée en commun. Le texte final demande désormais pour la première fois aux Etats, outre le développement des énergies renouvelables, de contribuer à l'abandon des énergies fossiles dans les systèmes énergétiques : un petit pas dans la bonne direction, mais rien de plus.

« L'élan pour exiger l'abandon des énergies fossiles a augmenté en raison de l'engagement d'innombrables communautés et organisations de la société civile du monde entier », soulignent David Knecht et Stefan Salzmann, experts d’Action de Carême et observateurs sur place. « Mais malheureusement, le texte final est loin de répondre à l'urgence de la crise climatique : les personnes les plus pauvres, qui souffrent déjà de la crise, doivent attendre encore une protection climatique ambitieuse. »

La loi sur le CO2 mise sur la compensation plutôt que sur la transition en Suisse

Le Conseiller fédéral Rösti a soutenu à Dubaï, au nom de la Suisse, l'exigence d'une sortie des énergies fossiles d'ici 2050. Le Conseil national doit joindre l'acte à la parole lors de l'examen de la loi sur le CO2 la semaine prochaine. Le projet de réaliser plus de la moitié des efforts supplémentaires d'ici 2030 en compensation à l'étranger n'est pas digne de la riche Suisse. En effet, les compensations à l'étranger ne remplacent pas la réduction des émissions à l'intérieur du pays, comme l'a démontré Alliance Sud cette semaine en prenant l'exemple du premier programme à Bangkok. Le Conseil national doit améliorer la loi et notamment donner au Conseil fédéral la possibilité d'adapter la taxe sur le CO2 à la hausse.

Financement insuffisant pour le Sud global

La grande faiblesse de la décision de la conférence est l'absence d'amélioration dans le financement pour le Sud global, afin que la transition juste puisse être poursuivi dans le monde entier. Un défi d'autant plus grand se pose donc pour la prochaine conférence, qui aura lieu en novembre 2024 en Azerbaïdjan : la négociation du prochain objectif financier collectif pour soutenir le Sud global dans la mise en œuvre de l'Accord de Paris.

« Le manque de financement est le plus grand obstacle pour les Etats du Sud global à entamer une transition juste et la plus grande injustice pour les personnes les plus pauvres, qui sont les plus touchées par la crise climatique, mais qui n'en sont en aucun cas responsables », explique Delia Berner, experte de politique climatique chez Alliance Sud, le Centre de compétences pour la coopération internationale et la politique de développement.

L'adoption du nouveau fonds pour les dommages et les pertes au premier jour de la conférence n'y change pas grand-chose, car il est beaucoup trop peu contraignant pour les États pollueurs d'alimenter ce fonds. La Suisse est presque le seul pays industrialisé à ne pas lui avoir encore alloué un centime – tout en réclamant haut et fort que les autres paient davantage.

Des fonds supplémentaires sont également nécessaires pour l'adaptation au climat

Les résultats de la conférence sont également insuffisants en ce qui concerne l'adaptation aux effets du réchauffement climatique. « Pour que les pays les plus pauvres et les plus vulnérables puissent s'adapter aux conséquences négatives du réchauffement de la planète, le financement de l'adaptation par les pays industrialisés doit être doublé et le fonds d'adaptation renforcé », clarifie Christina Aebischer, experte d'Helvetas et observatrice sur place. Le financement de l'adaptation doit provenir de fonds publics et être basé sur des dons et non sur des crédits. Ces fonds devraient s'ajouter aux budgets de la coopération au développement des pays industrialisés. La Suisse est ici également sollicitée et devra augmenter ses contributions au plus tard lors de la prochaine COP.

 

Pour plus d’informations :

Alliance Sud, Delia Berner, experte de politique climatique internationale, tél. 077 432 57 46, delia.berner@alliancesud.ch
Action de Carême, David Knecht, responsable énergie et justice climatique, tél. 076 436 59 86, knecht@fastenaktion.ch
Action de Carême, Stefan Salzmann, responsable énergie et justice climatique, tél. 078 666 35 89, salzmann@fastenaktion.ch  
Helvetas, Aude Marcovitch Iorgulescu, Coordinator Media Relations Romandie, tél. +41 31 385 10 16, aude.marcovitch@helvetas.org

 

Communiqué

COP28 : un financement accru pour le Sud global

27.11.2023, Justice climatique

La COP28, la conférence de l'ONU sur le climat de cette année, se tiendra à Dubaï du 30 novembre au 12 décembre. Elle joue un rôle clé dans la réalisation des objectifs de l'accord de Paris sur le climat. Un développement respectueux du climat dans le Sud global dépend d’un soutien financier accru, également de la part de la Suisse.

Delia Berner
Delia Berner

Experte en politique climatique internationale

+41 31 390 93 42 delia.berner@alliancesud.ch
COP28 : un financement accru pour le Sud global

Éboulement au Pérou

© Alberto Orbegoso

Après les 12 mois les plus chauds depuis 125 000 ans, les attentes envers la communauté internationale lors de la COP28, la conférence de l’ONU sur le climat, sont énormes. « Un changement de cap rapide est nécessaire pour que l'objectif de l'accord de Paris de limiter le réchauffement global en dessous de 1,5°C puisse encore être atteint », lance Delia Berner, experte du climat chez Alliance Sud, le centre de compétences pour la coopération internationale et la politique de développement. Elle ajoute : « Les personnes les plus pauvres souffrent le plus de chaque dixième de degré de réchauffement supplémentaire, alors que ce sont elles qui ont le moins contribué à la crise climatique. » Alliance Sud demande que la Suisse, dans les négociations, aligne sa position sur les besoins des plus pauvres dans le Sud global.

Trois ans après l’entrée en vigueur de l'accord de Paris, sur la base du mécanisme visant à renforcer l’ambition climatique, les États parties débattront pour la première fois à Dubaï du « Bilan mondial » sur la mise en œuvre des objectifs visés. « Le succès de la COP28 dépendra du fait que les décisions relatives à ce bilan traduisent ou non la réalité décevante selon laquelle les plans nationaux de lutte contre le changement climatique ne sont pas assez ambitieux pour atteindre les objectifs. Il faut absolument des plans concrets sur la manière de combler les lacunes et sur les processus prévus à cet effet », souligne Stefan Salzmann d'Action de Carême.

Un thème urgent est la transition énergétique et les acteurs de son financement. Les investissements du secteur privé ne sont pas une panacée à cet égard : à ce jour, ils sont bien en deçà des besoins des pays en développement pour financer leur transition énergétique, notamment à cause des risques élevés, réels ou perçus comme tels par les investisseurs. De plus, les financements privés alloués à l’adaptation dans les pays les plus pauvres sont quasi inexistants.

Pour une transition énergétique équitable …

La présidence de la COP28, les Émirats arabes unis, mise sur le développement des énergies renouvelables, sans pour autant s'engager à abandonner rapidement les énergies fossiles. Or, la transition nécessaire doit inclure les deux, car le développement des énergies renouvelables ne suffit pas à réduire les gaz à effet de serre.

« Malgré l'urgence des nouveaux investissements, il ne faut en aucun cas oublier les gens qui travaillent dans les usines et dans les champs. Nous devons garder à l'esprit leur bien-être pour un changement juste », souligne Cyrill Rogger de Solidar Suisse. Et Annette Mokler de terre des hommes Suisse renchérit : « Les groupes de population concernés et les communautés indigènes doivent être des acteurs directs des plans de changement équitable ». Une chose est d’ores et déjà claire : la transition vers les énergies renouvelables dans le Sud global ne peut réussir qu’à la condition d’un soutien financier nettement accru (financement climatique international).

… il faut davantage de financement climatique

Le financement ne manque pas seulement pour la décarbonisation : les lacunes en matière d'adaptation aux conditions climatiques changeantes dans le Sud global ne cessent de se creuser. Pourtant, selon le dernier rapport du Programme des Nations Unies pour l'environnement sur l'écart entre les besoins et les perspectives en matière d'adaptation («Adaptation Gap Report 2023»), chaque milliard de dollars investi dans l'adaptation permettrait d'éviter 14 milliards de préjudices économiques. « Le financement climatique actuel des pays industrialisés permet de couvrir moins d'un dixième des besoins de financement de l'adaptation dans le Sud global. Cela pose problème, car cela va de pair avec des dommages toujours plus marqués et à des pertes plus élevées », avertit Christina Aebischer d'Helvetas.

Les questions de financement déterminent depuis des années l'agenda et les points de discorde lors de la conférence sur le climat. Ce n'est pas un hasard, car au moins 28 des pays du Sud global qui sont les plus touchés par les effets de la crise climatique souffrent en parallèle de graves problèmes d'endettement. Nombre de pays ne sont pas en mesure de financer des mesures de protection du climat sur leur propre budget, car ils doivent à la place honorer leurs dettes — un cercle vicieux.

Il faut alimenter le fonds « pertes et dommages »

Cette année, la communauté internationale entend adopter les modalités du fonds « pertes et dommages », décidé en 2022. Le texte de compromis existant, élaboré par 30 États, n'a que peu de valeur contraignante au niveau des contributions. Si on devait en rester là, il est d'autant plus crucial que les États pollueurs profitent de la conférence pour garantir la création et la reconstitution rapides du fonds. « Les pays industrialisés prétendent qu'ils sont sans le sou. Dans le même temps, les multinationales enregistrent des milliards de bénéfices provenant des énergies fossiles et des industries à forte intensité de CO2. Il est évident que ces multinationales doivent contribuer à la réparation des dommages qu'ils causent », martèle Cybèle Schneider de l'EPER.

« L'une des principales raisons pour lesquelles les négociations autour de l'aide financière au Sud global traînent autant est la perte de confiance des pays pauvres envers les nations prospères comme la Suisse », affirme Sonja Tschirren de SWISSAID. Il faut dire que les pays industrialisés ne règlent pas leur facture actuelle. Décision a été prise en 2009 d'allouer 100 milliards de dollars par an dès 2020 pour soutenir les plans de protection du climat et d'adaptation au changement climatique des pays du Sud global. Mais les derniers chiffres de l'OCDE montrent qu'en 2021 encore, plus de 10 milliards manquaient pour atteindre cet objectif.

« La Suisse et d'autres États ont recours à des astuces comptables pour enjoliver leur contribution au financement climatique », note Angela Lindt de Caritas Suisse : « Au lieu de mettre à disposition des ressources financières nouvelles et additionnelles, comme convenu au niveau international, des pays comme la Suisse recourent surtout à des fonds affectés à la lutte contre la pauvreté. Rien d’étonnant donc à ce que les négociations soulèvent une grande méfiance ». Alliance Sud demande depuis des années que la Suisse contribue chaque année à hauteur d'un milliard de dollars au financement de la lutte contre le changement climatique, sans pour autant grever le budget de la coopération internationale.

 

Pour de plus amples informations :
- Alliance Sud, Delia Berner, experte en politique climatique internationale, tél. 077 432 57 46, delia.berner@alliancesud.ch
- Action de Carême, Stefan Salzmann, responsable Énergie et justice climatique, tél. 041 227 59 53, salzmann@fastenaktion.ch. Stefan Salzmann est sur place à Dubaï en tant qu'observateur.
- Solidar Suisse, Cyrill Rogger, Desk Officer Europe du Sud-Est, tél. 044 444 19 87, cyrill.rogger@solidar.ch
- Terre des hommes Suisse, Annette Mokler, responsable de la politique de développement et de la coordination du programme Sahara occidental, tél. 061 335 91 53, annette.mokler@terredeshommes.ch
- Helvetas, Aude Marcovitch Iorgulescu, coordinatrice des relations avec les médias en Suisse romande, tél. 031 385 10 16, aude.marcovitch@helvetas.org. Christina Aebischer est sur place à Dubaï en tant qu'observatrice.
- EPER, Cybèle Schneider, spécialiste de la justice climatique, tél. 079 900 37 08, cybele.schneider@heks.ch
- SWISSAID, Sonja Tschirren, spécialiste du climat et de l’agriculture écologique, tél. 079 363 54 36, s.tschirren@swissaid.ch
- Caritas Suisse, Angela Lindt, responsable du service Politique du développement, tél. 041 419 23 95, alindt@caritas.ch

 

Article

Les dommages sont là, les financements pas encore

29.09.2023, Justice climatique

Le débat sur la question de savoir qui doit payer les pertes et les dommages imputables au réchauffement climatique dure depuis des décennies. Cette année, la conférence de l'ONU sur le climat à Dubaï négocie pour la première fois les modalités.

Delia Berner
Delia Berner

Experte en politique climatique internationale

Les dommages sont là, les financements pas encore

Une catastrophe nationale : la sécheresse affecte régulièrement la vie des Kényanes et des Kényans.
© Ed Ram/Getty Images

« Dans mon pays, le Kenya, c'est déjà la sixième fois que la saison des pluies n'a pas eu lieu ». Ce soir du 22 juin 2023, sur le Champ de Mars à Paris, Elizabeth Wathuti crie au micro pour se faire entendre des milliers de personnes présentes. « Les récoltes ont été mauvaises, les sécheresses et l’insécurité alimentaire ont persisté. Les coûts pour nos agriculteurs ont très fortement augmenté ». Alors que la jeune activiste informe sur les effets de la crise climatique, avec la Tour Eiffel en toile de fond, et réclame une justice climatique avec d'autres oratrices et orateurs, le président français Emmanuel Macron convie ses hôtes du monde entier à un banquet dans un palais proche. Toute la journée, ils s'étaient déjà réunis à l'invitation de Macron dans le cadre d'un sommet international sur les défis lancés par le financement mondial du développement et les moyens de le renforcer.  

Le financement international dans le domaine du climat — pour la réduction des émissions de gaz à effet de serre et l'adaptation au réchauffement climatique dans le Sud mondial — est depuis des années déjà lié à l'obligation de droit international pour les nations industrialisées de contribuer à l'objectif de financement commun de 100 milliards de dollars par an. Mais cette somme n'a jamais été réunie en raison d’un manque de volonté politique dans les pays responsables de la crise climatique.

Lors de la conférence des Nations Unies sur le climat de novembre 2022 (COP27) à Charm El-Cheikh, les pays du Sud global sont parvenus pour la première fois à négocier sur le financement des pertes et dommages (loss & damage) dus au changement climatique, notamment grâce au soutien apporté depuis des décennies par les organisations de la société civile du monde entier. Les pertes et les dommages se chiffrent en milliards depuis des années déjà — les estimations exactes dépendent de la définition de ces préjudices — et sont les plus considérables là où les gens ont le moins de moyens de s'y préparer ou de s'y adapter. Ils provoquent aussi un endettement supplémentaire dans les pays ployant déjà sous une lourde charge de dettes. L'Office fédéral de l'environnement (OFEV) fait la distinction entre les pertes et dommages résultant d'événements progressifs (p. ex. l'élévation du niveau de la mer) et ceux qui se produisent rapidement (p. ex. les tempêtes et les inondations). Par ailleurs, outre les préjudices économiquement quantifiables, il en existe de non quantifiables, causés aux biens culturels ou aux écosystèmes par exemple.

Lors de la COP28 de cette année à Dubaï, le financement des pertes et dommages sera l'un des sujets de négociation majeurs. En effet, les parties se sont voilà un an donné pour mission d'adopter en 2023 des dispositions plus détaillées sur les modalités de leur financement. La discussion se limite dans ce contexte aux pays particulièrement vulnérables aux effets de la crise climatique. Il est à cette fin prévu de créer un fonds de l'ONU auquel contribueront les pays responsables du réchauffement. Le débat porte ici sur des sources de financement mondiales innovantes, susceptibles de faire également passer les acteurs privés à la caisse en conformité avec le principe de causalité. « Si de telles propositions emportent l’adhésion, les entreprises à fort taux d'émission pourraient aussi contribuer au financement à l'échelle planétaire », écrit Robin Poëll, porte-parole de l'OFEV, suite à la demande d'Alliance Sud. Mais les chances d'une telle taxe globale pour le fonds de l'ONU devraient être pour l’heure plutôt minces. En attendant, la Suisse pourrait prendre les devants et envisager d'introduire une telle taxe, au moins pour les entreprises néfastes pour le climat en Suisse, afin de couvrir les pertes et les préjudices dans le Sud global .

La confiance perdue complique les négociations

La véritable pomme de discorde lors de la conférence sur le climat sera probablement de savoir quels États doivent contribuer au fonds et à quelles nations l'argent peut être versé. Il faut à cette fin définir ou négocier quels pays passent pour particulièrement vulnérables. Pour la question encore plus politique de savoir qui doit contribuer en tant qu'État pollueur, la responsabilité historique de la crise climatique, clairement imputable aux pays industrialisés, se heurte à la comparaison actuelle des émissions de gaz à effet de serre entre les pays ; celle-ci montre la part substantielle des grands pays émergents. Les pays donateurs actuellement responsables des objectifs de financement climatique ont été définis en 1992. La Suisse souhaite que davantage de nations contribuent désormais au fonds de l’ONU. Le porte-parole de l'OFEV, M. Poëll, explique : « La Suisse souhaite que les pays qui contribuent le plus au changement climatique et qui ont les capacités de le faire paient leur écot. Concrètement, cela signifie que les riches pays émergents gros émetteurs de gaz à effet de serre, ainsi que les acteurs privés, doivent aussi verser leur contribution ».

Mais face à la levée de boucliers du Sud mondial, la Suisse et d'autres pays donateurs du Nord mondial ont échoué jusqu’ici à faire passer cette idée. En effet, les pays industrialisés n'ont à ce jour pas tenu leurs promesses de financement et ne sont donc pas crédibles pour ce qui est de la justice climatique. La Suisse, par exemple, n'a pas calculé sa « part équitable » dans le financement climatique sur la base de son empreinte climatique totale, mais uniquement à partir de ses émissions domestiques moindres. Sans parler du fait qu'elle n'a pas atteint son objectif climatique de réduire ses émissions de 20 % d'ici 2020. La confiance perdue entre le Nord et le Sud complique finalement aussi les négociations pour des objectifs climatiques plus ambitieux et l'abandon des énergies fossiles. Or, les pays du Sud mondial doivent pouvoir assurer leur financement dans le domaine des énergies renouvelables afin de ne pas rester sur la touche à l’échelon planétaire.

La conception du nouveau fonds fait l’objet d’une proposition de compromis depuis le début novembre. Il est frappant de constater qu’il est hébergé par la Banque mondiale, qui n'est connue ni pour son rôle de pionnier dans la crise climatique ni pour une répartition équitable du pouvoir — pas étonnant dès lors que le fonds s’expose aux nombreuses critiques des pays du Sud mondial et des organisations de la société civile. Outre le fait que l'on attend clairement des pays industrialisés qu'ils contribuent à son financement, d'autres États sont également « encouragés » à y participer. La question de savoir quels pays sont considérés comme particulièrement vulnérables, et peuvent donc bénéficier des moyens financiers, devrait rester ouverte lors de la conférence ; elle doit être soumise au comité directeur du nouveau fonds pour décision. Cette instance sera composée de 26 membres issus de toutes les régions du monde (14 provenant de pays en développement), qui pourront prendre des décisions à la majorité des 4/5. Dans le pire des cas, cela risque d’entraver la mise en œuvre du fonds en question.

Le temps presse, les pertes et dommages sont déjà une réalité et ne cessent d’augmenter. Cela s'explique aussi par le fait que, selon le rapport mondial sur le climat, le déficit de financement pour l'adaptation au réchauffement climatique se creuse continuellement. Les populations ne peuvent cependant pas s'adapter à tous les changements. Le ministre des Affaires étrangères de l’archipel des Tuvalu dans le Pacifique, a marqué les esprits : en prélude à la conférence de l'ONU sur le climat tenue à Glasgow en 2021, il n’avait en effet pas hésité à mouiller les jambes de son pantalon et à placer son pupitre dans l’océan Pacifique pour attirer l'attention sur la montée des eaux.

À Glasgow, Elizabeth Wathuti avait prédit devant les gens venus des quatre coins du monde lors de l'ouverture de la conférence sur le climat : « D'ici 2025, la moitié de la population planétaire sera touchée par la pénurie d'eau. Et d'ici mes cinquante ans, la crise climatique aura déplacé 86 millions de personnes rien qu'en Afrique subsaharienne ». Aucune conférence ne peut mettre fin à cette crise du jour au lendemain. Mais couvrir financièrement les pertes et dommages déjà encourus est une nécessité absolue.

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© Karwai Tang

Elizabeth Wathuti est une jeune militante kenyane pour la protection du climat qui a fondé l’Initiative Green Generation et s’est fait connaître au niveau international entre autres à la Conférence des Nations Unies sur le climat à Glasgow en 2021 avec son appel à plus de solidarité.

Communiqué

La Suisse doit répondre aux besoins du Sud global

03.11.2022, Justice climatique

Alliance Sud exige que la délégation suisse à la Conférence sur les changements climatiques en Égypte contribue non seulement à un programme d'atténuation ambitieux, mais qu'elle s'engage aussi pour une aide renforcée au Sud mondial.

Delia Berner
Delia Berner

Experte en politique climatique internationale

+41 31 390 93 42 delia.berner@alliancesud.ch
La Suisse doit répondre aux besoins du Sud global

© Alliance Sud

La crise climatique entraîne des événements extrêmes imprévisibles comme des inondations, des sécheresses et des tempêtes, fait monter le niveau des mers et fondre les glaciers. « D’énormes dégâts, comme ceux subis par le Pakistan, ou l'augmentation de la faim et de la malnutrition dans de vastes régions d'Afrique suite à des épisodes de sécheresse, montrent que la lutte contre le réchauffement climatique planétaire est d'une urgence sans précédent », affirme Delia Berner, spécialiste du climat auprès d'Alliance Sud, le centre de compétence suisse pour la coopération internationale et la politique de développement. Lors de la Conférence des parties à la convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (COP27) qui se tiendra du 6 au 18 novembre 2022 en Égypte, la Suisse doit contribuer à mieux répondre encore aux besoins du Sud global.

Abandon des énergies fossiles et de leur subventionnement

Lors de la Conférence sur les changements climatiques, les efforts visant à sortir des énergies fossiles et à assurer une transition rapide et équitable doivent être considérablement renforcés afin de pouvoir respecter l'objectif d'un réchauffement de 1,5°C au plus. Un programme de travail sur l'atténuation est en cours de négociation afin d’accélérer la réduction des gaz à effet de serre. « Le programme de travail sur la mitigation (Mitigation Work Programme) peut apporter une contribution prépondérante à la réalisation de l'objectif de 1,5°C. À cette fin, il faut en Égypte saisir l'occasion d’inscrire l’abandon des énergies fossiles dans des stratégies sectorielles, accompagnées d'une feuille de route et de responsabilités claires », explique David Knecht, responsable des questions énergétiques et de la justice climatique chez Action de Carême. La décarbonisation sectorielle dans le secteur de l'énergie exige par exemple une stratégie ciblée et des comptes rendus transparents. « La transparence est la clé d'une mise en œuvre réussie des objectifs de politique climatique », ajoute David Knecht, qui se déplacera en Égypte en tant qu'observateur.

La réaction de la communauté internationale à la crise climatique ne doit en aucun cas se limiter à des mesures écologiques. « La transition écologique doit être juste et socialement responsable », martèle Cyrill Rogger de Solidar Suisse. Selon lui, il est de notoriété publique que ce sont les habitants des régions les plus pauvres du monde qui paient le plus lourd tribut.

Le financement insuffisant du Nord : un casse-tête pour le Sud

La COP27 doit ouvrir la voie à un soutien financier renforcé des pays en développement dans la mise en œuvre de leur contribution à un monde climatiquement neutre ainsi qu'à des mesures d'adaptation urgentes dans leurs pays. La Suisse doit sans plus attendre intensifier son soutien financier et œuvrer en faveur d’un engagement accru de tous les grands pays pollueurs dans les négociations. Sonja Tschirren, spécialiste du climat et de l’agriculture écologique chez SWISSAID, explique : « La prospérité à laquelle nous sommes parvenus au cours des 200 dernières années s'est aussi faite au détriment de l'environnement. Avec les autres nations industrialisées, nous avons provoqué une accélération sans précédent du changement climatique, dont souffrent amèrement les régions les plus pauvres des États exposés. Il est impératif que la Suisse œuvre en amont pour soutenir ces pays de manière appropriée. »

Pour les pays les plus touchés par le changement climatique, la négociation d'un soutien financier pour les pertes et préjudices subis est particulièrement cruciale, d'autant plus que les États pollueurs refusent jusqu'à présent de fournir des engagements financiers. Dans ce contexte, il est essentiel de traiter les pays touchés du Sud d’égal à égal dans la prise en compte de leurs besoins. « L’élaboration de solutions doit tenir compte des préoccupations des populations concernées », souligne Christina Aebischer, qui participe à la COP pour Helvetas. Bâtisseuse de ponts, la Suisse doit soutenir activement les solutions consensuelles.

Mais les grandes entreprises multinationales (EMN) suisses qui contribuent de manière significative au changement climatique doivent aussi faire leur part selon Yvan Maillard Ardenti, responsable du programme pour la justice climatique à l'EPER. « Non seulement les États, mais aussi les pollueurs privés comme les EMN devraient participer à un fonds de compensation des pertes et préjudices liés au climat » estime Yvan Maillard.

La mise en œuvre de l'objectif de financement actuel de 100 milliards de dollars par an à partir de 2020 pour les mesures d'atténuation et d'adaptation dans les pays en développement et émergents (le « financement dans le domaine du climat ») est symptomatique de la mauvaise politique de paiement des grands pays émetteurs comme la Suisse. L’objectif a été manqué d’au moins 16,7 milliards de dollars et 71% a été réalisé sous forme de prêts remboursables ou s'accumulant sous forme de dettes. Notre pays ne respecte pas non plus strictement ses engagements : au lieu de mettre des ressources financières nouvelles et additionnelles à disposition, il utilise principalement à cet effet des fonds inscrits au budget de la coopération au développement. « On place ainsi la protection du climat et la lutte contre la pauvreté en position de rivalité », s’offusque Angela Lindt de Caritas Suisse.

Poser dès à présent les jalons du prochain objectif de financement

En Égypte, des négociations sont en cours pour un prochain objectif de financement après 2025. Même si aucune percée n'est encore attendue dans ce domaine, la Suisse doit s’investir pour que les leçons de l'échec de l'objectif actuel soient tirées. « La responsabilité collective sera également mise en échec dans le cas du prochain objectif financier si celui-ci n'est pas convenu de manière plus contraignante », craint Delia Berner, spécialiste du climat chez Alliance Sud. Il convient de préciser le calcul de la part équitable de chaque État dans l'objectif commun, afin d’atteindre le montant total nécessaire.

Pour de plus amples informations :
Action de Carême, David Knecht, responsable des questions énergétiques et de la justice climatique, tél. +41 76 436 59 86
Solidar Suisse, Cyrill Rogger, responsable du programme Europe du Sud-Est, tél. 044 444 19 87
SWISSAID, Sonja Tschirren, spécialiste du climat et de l’agriculture écologique, tél. +41 79 363 54 36
Helvetas, Aude Marcovitch Iorgulescu, coordinatrice des relations avec les médias en Romandie, tél. +41 31 385 10 16
EPER, Yvan Maillard Ardenti, responsable du programme pour la justice climatique, tél. +41 79 267 01 09
Caritas Suisse, Angela Lindt, responsable du service Politique de développement, tél. 041 419 23 95
Alliance Sud, Delia Berner, spécialiste du climat, tél. +41 77 432 57 46

Réunions parallèles durant la COP27 :
-    07.11.22 : symposium sur le climat de Caritas Suisse à l’enseigne de « The Role of International Development NGOs in Climate Change Adaptation », Hôtel Bern à Berne. L'événement est ouvert aux journalistes intéressés.
-    10.11.22 : réunion parallèle sur le thème « Dealing with Losses and Damages », organisé par HELVETAS et le Ministère équatorien de l'environnement et de l'eau. 13h15 – 14h45 Cairo Time, en streaming live sur youtube, lien via www.helvetas.org/cop27

Pour en savoir plus, voir aussi la fiche d'information d'Alliance Sud sur la contribution suisse au financement international du climat.

Opinion

Après Glasgow, la Suisse doit presser le pas !

06.12.2021, Justice climatique

La déclaration finale de la Conférence de l'ONU sur le changement climatique n'est pas le bout du chemin : la crise climatique s’accentue et le budget de la Suisse est bientôt épuisé. L'analyse de Stefan Salzmann, expert de l'Action de Carême.

Après Glasgow, la Suisse doit presser le pas !

La crise climatique menace déjà l’existence des États insulaires. C'est la raison pour laquelle le ministre des Affaires étrangères de Tuvalu a adressé un message à la COP26 dans un décor particulier : à Funafuti, les pieds dans l’Océan Pacifique.
© EyePress via AFP

Grêle et pluie en été en Suisse, chaleur au Canada, incendies en Grèce et en Russie, sécheresse en Iran : le récent rapport d’août du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat a attesté que l’alerte était au rouge. Les spécialistes du climat affirment sans ambages que l'ampleur du réchauffement climatique anthropique est sans précédent depuis plusieurs siècles, voire plusieurs millénaires. La fréquence et l'intensité des canicules et des fortes précipitations, ainsi que les sécheresses agricoles et écologiques, vont s’accroître et se conjuguer plus souvent. Les changements déjà observés à l’heure actuelle s’amplifieront pour devenir irréversibles. Chaque dixième de degré de hausse de la température moyenne mondiale fait une différence, en particulier pour les plus pauvres et les plus vulnérables de la planète.

Comparant les objectifs de l'accord de Paris aux promesses faites, le rapport d’octobre du Programme des Nations Unies pour l'environnement (PNUE) constate que les objectifs présentés par les divers pays font tendre la planète vers un réchauffement de 2,7°C. Et parallèlement, écrit encore le PNUE, des ressources financières suffisantes font toujours défaut pour les mesures d'adaptation dans les pays pauvres : les besoins sont jusqu'à dix fois supérieurs aux fonds que les nations industrialisées, à l’origine de la crise, mettent à disposition.

La volonté est là, mais personne ne trace le chemin à suivre

Sous ces auspices, les organisateurs britanniques de la 26e Conférence mondiale sur le climat ont fait preuve de beaucoup de bonne volonté. Lors de la première semaine de la rencontre, de nouvelles initiatives mondiales ont été quotidiennement annoncées :  l’initiative de transition mondiale du charbon vers l'énergie propre, l’initiative visant à enrayer la déforestation mondiale ou encore celle des réseaux verts (Green Grids Initiative), pour ne citer que celles-là. L'Agence internationale de l'énergie a calculé avec une certaine euphorie que ces efforts pourraient conduire à un réchauffement planétaire de 1,8 degré seulement, dans la mesure où toutes les promesses étaient tenues. Et c'est précisément là que le bât blesse : aucune de ces initiatives n’est flanquée d'un plan de mise en œuvre. Les pays qui prennent ces engagements sont les mêmes que ceux qui n'ont pas réussi à fournir le financement climatique promis en 2009 pour 2020. Et si des pays comme le Brésil signent l'initiative sur la déforestation, cela peut être une lueur d'espoir, mais en termes de realpolitik, c'est probablement plus un arrêt de mort pour ce plan ambitieux qui, comme tous les autres plans ambitieux, laisse la mise en œuvre de ce dernier aux mesures politiques volontaires des différentes nations.

Et la Suisse ?

La Suisse est également sous pression : après que même le petit pas de la loi révisée sur le CO2 a été jugé trop grand par la majorité de la population en juin 2021, la délégation conduite par l'Office fédéral de l'environnement s'est rendue à Glasgow sans base légale concrète. Ici encore, toutes les négociations sur la poursuite du financement dans le domaine du climat sont au point mort. Pour des raisons compréhensibles à première vue : les pays émergents riches doivent également s'impliquer dans le financement du climat et il n'est pas acceptable que la Chine et Singapour se fassent passer pour des pays en développement et ne veulent rien débourser. Mais quand on est l’un des pays les plus riches du monde, produire de tels arguments ne sert à rien pour ceux dont les bases d’existence dépendent de ces décisions – comme les plus démunis et les plus vulnérables de la planète. Pour eux, les négociations bloquées, peu importe par qui, sont synonymes de détresse, de souffrances et de stratégies de survie précaires.

Pertes et préjudices

Les bases d’existence de beaucoup sont en jeu, et pour certains elles sont déjà réduites à néant. Dans le jargon technique, les « pertes et préjudices » désignent les problèmes irréversibles causés par le réchauffement de la planète : ce sont les conséquences climatiques qui dépassent la capacité d'adaptation des pays, des communautés et des écosystèmes. Une maison perdue par une famille à cause de la montée du niveau de la mer est engloutie à jamais. Ces dommages et pertes sont déjà une réalité aujourd’hui et prendront de l’ampleur avec chaque dixième de degré de hausse de la température. C'est pourquoi la société civile a fait de cette question une priorité absolue à Glasgow.

Budget climatique de la Suisse : bientôt épuisé

Notamment parce que la Suisse compte parmi les plus riches et qu’elle a historiquement émis des quantités considérables de gaz à effet de serre, il serait indiqué qu’elle aide les autres à réparer les dégâts déjà causés. En septembre, des spécialistes en éthique sociale de dix institutions ecclésiastiques ont débattu d’un budget résiduel de CO2 compatible avec la protection du climat. À l’appui de données scientifiquement prouvées, ils ont calculé la part des gigatonnes de CO2 encore disponibles au niveau mondial à laquelle la Suisse aurait droit si elle entend que son comportement soit respectueux du climat. Ils ont fait ce que les climatologues ne peuvent pas faire : ils ont pondéré et interprété les calculs des modèles sous l’angle de la morale. Le résultat est que la quantité résiduelle de CO2, compatible avec la préservation du climat, sera épuisée au printemps 2022. Une preuve de plus que la stratégie du Conseil fédéral visant à un taux net d'émissions de gaz à effet de serre nul d'ici 2050 n'a plus rien à voir avec la justice.

Et maintenant ?

C'est dans des moments comme la Conférence sur le climat à Glasgow que la Suisse officielle devrait prouver que la justice lui tient à cœur. L'une des façons les plus simples d'y parvenir est de mettre des ressources financières à la disposition d'autres pays : des fonds supplémentaires alimentant le crédit de développement pour les mesures d'atténuation et d'adaptation. Et davantage de capitaux pour dédommager les pertes et préjudices déjà encourus. Les bases de tels mandats de négociation ont été posées au niveau national lors de la phase préparatoire. Tout comme les objectifs climatiques nationaux, qui doivent être plus ambitieux, en Suisse également, si l'on entend encore atteindre les objectifs de l'Accord de Paris sur le climat. Les débats sur le contre-projet indirect à l'initiative sur les glaciers ainsi que la relance de la révision de la loi sur le CO2 sont une dernière chance, avant qu'il ne soit trop tard : un objectif de zéro net d'ici 2040 au plus tard, une trajectoire de réduction linéaire jusque-là et un abandon cohérent des agents énergétiques fossiles sont autant d’impératifs.

Communiqué

COP27 : des progrès malgré tout

20.11.2022, Justice climatique

Les résultats de la conférence climatique COP27 sont contrastés. L’adoption d'un fonds pour les pertes et dommages (Loss & Damage) marque un pas historique en direction de la justice climatique. Mais il n'y a pas d'abandon des combustibles fossiles.

COP27 : des progrès malgré tout

Nakeeyat Dramani Sam, 10 ans, du Ghana, demande aux nations industrialisées, lors de la COP27, de prendre en charge les dommages climatiques dans les pays pauvres.
© KEYSTONE/AP/NARIMAN EL-MOFTY

Dans l’optique du développement, les négociations sur le financement des pertes et dommages liés au climat ont été particulièrement importantes lors de cette conférence. Cette année, la pression sur les pays industrialisés a été plus forte que jamais suite aux inondations au Pakistan et à la sécheresse qui sévit en Afrique de l'Est. Personne ne peut plus nier les dommages causés par les catastrophes climatiques, ni l’impact de l'élévation du niveau des mers. C'est pourquoi les pays riches, dont la Suisse, ont dû céder à la pression des pays particulièrement touchés, des États insulaires et de la société civile, et accepter la mise en place d'un fonds Loss & Damage. « Le fonds pour les pertes et dommages est un succès probant pour la justice climatique. Il semblait impensable voilà quelques mois encore. La bonne coopération des pays du Sud et de la société civile l’a rendu possible. Mais le travail n'est pas terminé pour autant. Il s'agit désormais d'aménager ce fonds de manière efficace afin que les personnes concernées en profitent réellement. Il est crucial que le nouveau fonds soit rapidement doté de moyens suffisants », constate David Knecht, qui a observé les négociations deux semaines durant en Égypte pour l’Action de Carême.

Les progrès n’ont en revanche pas été suffisants en ce qui concerne la réduction cruciale des émissions. L'abandon rapide du charbon, du pétrole et du gaz n'a pas été inscrit dans la déclaration finale, malgré la pression de divers pays, dont la Suisse. « L’adoption d'un programme de travail pluriannuel pour la réduction des émissions ne constitue qu’un objectif minimal de cette conférence en vue du maintien de l'objectif d’une hausse limitée à 1,5 degré. Il importe désormais de financer également davantage les réductions d'émissions dans les pays en développement, faute de quoi les objectifs ne pourront pas être atteints. Dans ce domaine, les pays industrialisés n'ont pas encore tenu leurs promesses », note David Knecht.

Que plus de 600 lobbyistes des énergies fossiles aient assisté à la conférence a contribué à édulcorer la déclaration finale. « L'ONU doit absolument édicter des directives sur la gestion des conflits d'intérêts pour les conférences sur le climat. Les maigres déclarations en faveur de l'abandon des énergies fossiles sont particulièrement choquantes si l'on considère que celles-ci sont responsables de plus de 70% des émissions et si l'on compare les milliards de bénéfices réalisés cette année par les groupes pétroliers et gaziers avec le déficit de plusieurs milliards dans le financement du climat », a fustigé David Knecht.

Déception sur le thème de l’adaptation

Ce terme désigne l’adaptation au changement climatique, comme la gestion de la sécheresse croissante dans l'agriculture. « L'adaptation au changement climatique est un thème central pour la sécurité alimentaire. Vu la situation mondiale actuelle, il est regrettable que la COP27 n'ait pas donné lieu à beaucoup de discussions et, par conséquent, à des progrès. Les financements promis jusqu'à présent sont totalement insuffisants », déclare Christina Aebischer, qui a assisté à la COP27 sur place pour Helvetas. Selon elle, la déception est grande, pour les organisations et les pays africains surtout ; ils avaient attendu davantage de ce sommet climatique en terre africaine.

Le respect de l'accord conclu lors de la COP de l'année dernière à Glasgow, visant à doubler le financement de l'adaptation d'ici 2025 par rapport à 2019, est d’autant plus improbable. « La Suisse n'a pas non plus pris d'engagements supplémentaires, ce qui est incompréhensible pour nombre de pays pauvres. Malheureusement, cette réalité est essentiellement liée à l'échec de la votation sur la nouvelle loi sur le CO2. Il est urgent que notre pays renforce le financement de la protection du climat dans sa législation, afin que les moyens nécessaires puissent être mis à disposition pour l'adaptation ».
Point positif en revanche : il a été pour la première fois convenu de lancer enfin, l'an prochain, la discussion sur la manière dont les flux financiers internationaux peuvent être réorientés vers la réduction des émissions de gaz à effet de serre et la promotion d'un développement résilient au changement climatique. La clarification du contenu et, a fortiori, la conclusion d'un accord sont bien sûr encore lointaines, mais la discussion nécessaire et urgente est engagée.

Autres citations de nos membres et membres associés :

« La COP27 a largement négligé les thèmes de l'agriculture et de l'alimentation. Pourtant, près d'un tiers des gaz nocifs pour le climat sont imputables au système alimentaire. C'est pourquoi, avec d'autres ONG, Biovision s'est engagée à Charm el-Cheik pour que le processus Koronivia intègre obligatoirement la transformation durable de nos systèmes alimentaires et que le thème de l'agroécologie pèse davantage dans les négociations climatiques. L'agriculture mondiale souffre des conséquences du réchauffement planétaire. Toujours plus de personnes ne mangent pas à leur faim. Les habitants du Sud sont particulièrement touchés. Nous n'avons plus de temps à perdre ! »
Tanja Carrillo, responsable du projet Policy & Advocacy chez Biovision (elle était sur place)

« À Charm el-Cheikh, la Suisse a assuré qu'elle prendrait une part équitable de l'objectif de 100 milliards pour le financement climatique. Il faut s'en féliciter, car les promesses faites jusqu'ici pour soutenir le Sud global sont loin d'être tenues. Il est particulièrement choquant que la Confédération utilise pour le financement climatique des fonds inscrits au budget de la coopération au développement. »
Angela Lindt, responsable du service politique de développement chez Caritas Suisse.

« Même si les pays du Sud global sont ceux qui ont le moins contribué au changement climatique, ils sont les plus touchés par la catastrophe climatique — cela vaut aussi pour les jeunes et les générations futures. Des règles contraignantes sont donc nécessaires à l'échelle planétaire afin de mettre sans tarder les responsables de la crise face à leurs responsabilités. »
Annette Mokler, politique de développement et coordination de programmes au Pérou et au Sahara occidental chez terre des hommes suisse

Pour de plus amples informations :
Action de Carême, David Knecht, responsable des questions énergétiques et de la justice climatique, tél. +41 76 436 59 86
Alliance Sud, Andreas Missbach, directeur, tél. +41 79 847 86 48 
Helvetas, Christina Aebischer, spécialiste en climat, tél. +41 76 459 61 96
Biovision, Tanja Carrillo, responsable du projet Policy & Advocacy
Caritas Suisse, Angela Lindt, responsable du service politique de développement, tél. +41 419 23 95
Terre des hommes suisse, Annette Mokler, annette.mokler@terredeshommes.ch


Notice d’information d’Alliance Sud sur la contribution suisse au financement international dans le domaine du climat.

Pendant ce temps à Berne : une décision scandaleuse au Conseil des États

La conférence sur le climat s'est déroulée dans le contexte d’un manque de ressources financières d’au moins 17 milliards par rapport à l'objectif global de 100 milliards de dollars. La nécessité de moyens financiers accrus de la part du Nord en était le thème central. Cette situation n'a cependant pas empêché la Commission de l'environnement du Conseil des États (CEATE-E) de supprimer à nouveau une modeste hausse du « crédit-cadre pour l’environnement mondial 2023-2026 » pendant la conférence. Et ce, même si le président de la Confédération Ignazio Cassis, dans son discours d’ouverture, avait déjà annoncé ces fonds supplémentaires pour le Fonds pour l'environnement mondial (FEM ; Global Environment Facility, GEF). Le FEM sert à soutenir les pays en développement et les pays émergents dans la lutte contre la crise climatique et dans l'adaptation au changement climatique. Ces quatre dernières années, il a ainsi permis de réduire les émissions de gaz à effet de serre à hauteur de 1,440 milliard de tonnes d'équivalents CO2, soit 33 fois les émissions annuelles de CO2 de la Suisse.
 

Le Conseil dans son ensemble doit corriger le tir

La CEATE-E a donc annoncé le 11 novembre qu'une majorité de la commission proposait au Conseil des États de rogner le montant de 50 millions de francs. L'argument avancé est la « situation financière tendue » de la Suisse — une insulte aux pays du Sud, bien moins bien lotis financièrement et qui, de surcroît, ne sont pas eux-mêmes à l'origine du changement climatique. « Si la situation financière de la Suisse prospère est considérée comme tendue, comment peut-on attendre des pays les plus pauvres qu'ils surmontent la crise climatique sans aide supplémentaire ? La CEATE-E aurait dû reconnaître l'urgence de la situation et accroître plutôt la contribution », s’indigne Andreas Missbach, directeur d’Alliance Sud, le centre de compétence suisse pour la coopération internationale et la politique de développement. Alliance Sud demande au Conseil des États de rejeter la proposition de réduction de sa commission lors de la session d'hiver et de tenir les promesses faites par la Suisse lors de la conférence sur le climat.

Politique climatique internationale

Politique climatique internationale

Chaque année en novembre, lors de la Conférence des Nations Unies sur le climat (COP), les gouvernements de tous les pays négocient la poursuite de la mise en œuvre de l'Accord de Paris sur le climat de 2015. La communauté mondiale risque fort en effet de ne pas atteindre l'objectif de l'accord, à savoir limiter le réchauffement climatique à 1,5°C au plus.

De quoi s’agit-il ?

Publikationstyp

De quoi s’agit-il ?

Pour respecter les objectifs de l'Accord de Paris, les gaz à effet de serre doivent être réduits de manière drastique d’ici 2030 et ramenés à zéro émission nette d'ici 2050 au niveau mondial. En réalité, les émissions de gaz à effet de serre continuent d'augmenter dans le monde. Pour mettre en œuvre l'Accord sur le climat, il faut donc fixer des objectifs intermé-diaires ainsi que des mesures communes et prévoir leur financement. 

Notre pays participe activement aux négociations. Alliance Sud exige que la ligne d’action de la Suisse prenne en compte la responsabilité historique des pays industrialisés et que notre pays accepte un financement équi-table pour les pays du Sud mondial — y compris pour couvrir les pertes et préjudices. Ce n’est qu’alors que l’on pourra s’attendre à ce que tous les États contribuent le plus possible à la réduction des émissions à l’appui d’une politique climatique nationale ambitieuse.

Alliance Sud est membre du Réseau Action Climat (CAN), un réseau mondial de plus de 1 900 organisations de la société civile œuvrant pour la protection du climat et la justice sociale.