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Communiqué
La politique fiscale mondiale se joue désormais en Afrique
10.11.2025, Finances et fiscalité
Les négociations les plus cruciales en matière de politique fiscale se déroulent actuellement dans le Sud global, une première dans l'histoire du multilatéralisme : en parallèle à la Conférence de l’ONU sur les changements climatiques à Belém, au Brésil, des négociations sur le contenu de la nouvelle convention fiscale de l’ONU se tiendront ces dix prochains jours à Nairobi, au Kenya.
Des automobilistes passent devant le bidonville de Kibera avec en arrière-plan la silhouette du quartier Upper Hill à Nairobi.
© REUTERS/Thomas Mukoya
Les négociations de Nairobi marquent un tournant historique dans le multilatéralisme fiscal : pour plaire à leur principal ennemi, Donald Trump, les Etats membres de l’UE édulcorent encore davantage les règles de l'OCDE, déjà très timides, dans le système fiscal international. Sous la pression économique et géopolitique du gouvernement américain d'extrême droite, ils sacrifient ainsi leurs propres acquis en matière de politique fiscale, obtenus sous l'égide de l'OCDE ces 15 dernières années. À l'inverse, les pays du Sud global, sous la houlette des pays africains, font avancer la convention fiscale de l’ONU. Parce que les États-Unis, sous la présidence de Trump, ont adopté une ligne hypernationaliste et que l'UE capitule devant lui, la convention de l’ONU représente le dernier espoir pour le multilatéralisme fiscal.
L'alternative serait un retour aux règles fiscales internationales fondées uniquement sur des relations bilatérales. Cela instaurerait une loi du plus fort sans contrôle, au profit des multinationales et du fisc des grandes puissances économiques comme les États-Unis ou la Chine, ainsi que des petits États riches pratiquant le dumping fiscal comme l'Irlande ou la Suisse. Cette dernière suit logiquement avec bienveillance la poursuite de l’édulcoration des règles de l'OCDE et plaide pour une convention aussi faible que possible à l'ONU.
C'est irresponsable dans la perspective de la conférence sur le climat de Belém aussi : si l'on veut lutter efficacement contre l'aggravation de la crise climatique, il faut trouver de nouvelles sources de financement climatique international, au-delà des mécanismes établis. Au niveau mondial, celles-ci ne peuvent être accessibles de manière équitable que par le biais d'un système fiscal international fondé sur des règles négociées dans le cadre de l'ONU.
Dominik Gross, expert en politique fiscale internationale chez Alliance Sud, suit les négociations sur place avec une centaine de représentant.e.s de la société civile et déclare : « Avec sa politique de dumping fiscal, la Suisse se nuit à elle-même. Comparée au reste du monde, elle a déjà subi un réchauffement deux fois plus important, et sans contre-mesures massives et rapides, cette situation va perdurer. La population suisse a donc un intérêt légitime à ce que tous les pays disposent des ressources nécessaires pour construire une économie décarbonée. »
Concrètement, les différents articles de la convention sont au programme de Nairobi cette semaine : un objectif clé du groupe africain et des ONG est la redistribution des recettes fiscales des pays sièges des multinationales vers les pays de production et de vente. En outre, un article de la convention est nécessaire pour accroître la transparence fiscale afin de rendre visibles les transferts de bénéfices des sociétés multinationales et les avoirs offshore des riches particuliers. La semaine prochaine, les négociations porteront également sur un protocole relatif aux procédures de prévention et de règlement des différends. Elles doivent renforcer les intérêts des pays du Sud.
Pour tout complément d’information :
Dominik Gross, expert en politique fiscale chez Alliance Sud, dominik.gross@alliancesud.ch, tél. +41 078 838 40 79