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Colombie: Glencore au défi de fermer la mine de Prodeco
13.06.2025, Commerce et investissements
Après que Glencore s’est retiré de Prodeco, le gouvernement colombien a décidé de fermer définitivement la mine de charbon. Les communautés locales exigent d’être associées au processus de fermeture. Elles sont soutenues par le Groupe de travail Suisse – Colombie, qui va bientôt arrêter ses activités, après presque 40 ans d’existence. Stephan Suhner, son secrétaire-général, a participé fin mai à l’assemblée des actionnaires de la multinationale suisse.

Mine de Glencore Prodeco en Colombie © Stephan Suhner
L’extraction de charbon a-t-elle forcément un impact négatif sur l’environnement et les communautés locales, ou cela dépend-il de la façon de faire ? A cette question épineuse le Groupe de travail Suisse – Colombie (ASK) apporte une réponse tout en nuance depuis sa création en 1987. Alliance Sud travaille étroitement avec cette association, qui s’apprête malheureusement à arrêter ses activités, faute de volontaires suffisants.
Stephan Suhner, son secrétaire-général, est en contact constant avec les communautés sur place, mais aussi avec Glencore en Suisse. Car la multinationale sise à Zoug possède trois mines de charbon en Colombie et pas moins de neuf filiales. Le dernier combat de l’infatigable militant, avant de prendre sa retraite, porte sur la fermeture de la mine de Prodeco, située dans le département du Cesar. En activité depuis 25 ans, elle était la propriété de la multinationale suisse. En 2021 Glencore a annoncé son intention de revendre ses parts à l’Etat colombien, avançant que l’extraction de charbon n’était plus rentable. Après trois ans d’incertitude, le gouvernement de Gustavo Petro a décidé de fermer définitivement la mine.
Glencore doit fermer la mine de Prodeco en consultation avec les communautés
ASK affirme que cette décision a entraîné une crise sociale sans précédent. Les habitants sont partagés entre ceux qui voyaient en la mine une source de revenu – les mineurs eux-mêmes, mais aussi celles et ceux qui exerçaient des emplois annexes, dont beaucoup de femmes – et ceux qui s’opposent à toute extraction minière. La violence a fortement augmenté et des protestations ont éclaté dans un climat explosif, matées par des groupes armés.
Les communautés et les syndicats se sont donc associés pour avoir leur mot à dire dans le processus de fermeture. Ils exigent qu’il se fasse en toute transparence et dans le respect des droits humains et que l’ex entreprise propriétaire Glencore, répare les dommages environnementaux qu’elle a causés.
Silence de Glencore sur la mine de Prodeco
« Lors de l’assemblée des actionnaires du 28 mai, j’ai demandé des nouvelles sur la consultation autour du plan de fermeture de la mine de Prodeco, car les communautés se sont beaucoup plaintes du silence total de l’entreprise, nous explique Stephan Suhner. Glencore m’a répondu que le processus est en cours, qu’ils ont consulté les communautés et qu’ils vont continuer à le faire. »
Cette explication fait suite à une plainte de l’ONG Tierra Digna accusant Glencore de non-respect des droits de participation des communautés. Elle a été favorablement accueillie par les tribunaux nationaux, jusqu’à la cour constitutionnelle, dans une sentence du 4 février 2025. Depuis lors, trois tours d’information ont eu lieu avec les trois municipalités impactées par la mine et Glencore a promis d’en tenir trente en tout dans chaque municipalité.
Plan de fermeture juste
Mais n’est-ce pas paradoxal de s’opposer à l’extraction minière et de se plaindre lorsqu’une mine ferme ? « Non, nous répond Stephan Suhner. ASK a toujours critiqué la façon dont Glencore opère en Colombie, non l’existence des mines en tant que telle. On n’a pas exigé par exemple qu’ils ferment Cerrejon, comme d’autres ONG nationales telles que le CAJAR. Nous avons demandé qu’ils consultent les communautés sur l’extension de la mine, mais n’avons jamais exigé que Glencore n’opère plus en Colombie. Nous avons aussi dit que la fermeture pose des problèmes sociaux et qu’il faut trouver un plan B, notamment d’autres sources de revenu. Comme nos partenaires sur place, nous exigeons que la fermeture de la mine se fasse de façon juste, transparente, participative et respectueuse des droits humains.»
Déplacement individuel contesté de trois villages
Un représentant de la Asemblea campesina del Cesar, invité par ASK, a porté à l’attention de l’assemblée des actionnaires de Glencore les problèmes relatifs au déplacement de trois villages. En 2010, le ministère colombien de l’Environnement a ordonné des déplacements collectifs en raison de la pollution causée par la mine. Tous les habitants devaient être relogés ensemble sur un terrain neuf, pourvu des services sociaux de base – école, médecin, etc. Au lieu de cela, des déplacements individuels ont été réalisés, qui ont mis à mal la cohésion du village et rendu beaucoup plus difficile la reprise d’une activité par les habitants, dont plusieurs ont été relogés dans la ville voisine de Santa Marta.
Glencore a déposé un nombre record de plaintes contre la Colombie
Les tribunaux colombiens se montrent souvent progressistes dans la défense de l’environnement et des droits humains, jusqu’à la cour constitutionnelle. Mais Glencore n’hésite pas à contester leurs sentences devant des tribunaux arbitraux, sur la base du traité de protection des investissements Suisse – Colombie. A ce jour la multinationale a déposé quatre plaintes connues, dont la dernière, en 2023, à propos de la mine de Prodeco. En raison de l’opacité qui entoure le système d’arbitrage international, on ne sait pas quel est son objet, ni le montant du dédommagement réclamé par Glencore à l’Etat colombien, mais il a certainement à voir avec la fermeture de la mine.
Alliance Sud demande des accords d’investissement qui permettent à l’Etat hôte de réguler dans l’intérêt public
En 2023, Alliance Sud a participé à une mission internationale en Colombie pour demander à l’Etat de résilier ses accords d’investissement, ou du moins d’en exclure le mécanisme de règlement des différends par voie d’arbitrage.
Lors de notre présence sur place, le gouvernement de Gustavo Petro a annoncé son intention de renégocier tous ses accords d’investissement, à commencer par celui avec la Suisse. Les négociations sont en cours et Alliance Sud continuera à faire pression pour que le nouvel accord, s’il voit le jour, permette à la Colombie d’adopter de nouvelles normes sociales et environnementales sans risquer une plainte devant un tribunal arbitral de la part d’une multinationale suisse.