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Engagement du secteur privé: un chantier périlleux

22.03.2021, Coopération internationale, Financement du développement

Dans le cadre de la mise en œuvre de la Stratégie de coopération internationale (CI) 2021-2024, la DDC entend intensifier son engagement avec le secteur privé, via des partenariats avec divers acteurs de l’économie privée.

Laurent Matile
Laurent Matile

Expert en entreprises et développement

Engagement du secteur privé: un chantier périlleux

Le ministre des affaires étrangères Ignazio Cassis visite un institut de formation dans le domaine du tourisme lors de son voyage en Afrique en février 2021.
© Foto: YEP Gambia

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L’efficacité passe par la modestie

03.10.2023, Coopération internationale

La fragilité des États est l'un des plus grands obstacles à une lutte efficace et durable contre la pauvreté. Alliance Sud a discuté des chances et des limites de la coopération internationale dans les contextes fragiles avec Christoph Zürcher.

Laura Ebneter
Laura Ebneter

Experte en coopération internationale

Marco Fähndrich
Marco Fähndrich

Responsable de la communication et des médias

L’efficacité passe par la modestie

Christoph Zürcher est professeur à la Graduate School of Public and International Affairs de l'université d'Ottawa. Ce politologue mène des recherches et enseigne sur la promotion de la paix, les relations internationales ainsi que la coopération internationale, en plaçant un accent régional sur l'ancienne Union soviétique, en particulier la Russie, le Caucase et l'Asie centrale. Dans son travail le plus récent, il s'est surtout penché sur l'évaluation de l'efficacité de la CI dans des contextes fragiles.
© Daniel Rihs

Monsieur  Zürcher, que signifie vivre dans un contexte fragile ?
Lorsque je me suis rendu en Afghanistan en 2017 pour mon travail de recherche, ma vie d’étranger était en net contraste avec la réalité de la population. On me baladait dans un SUV blindé, je n'avais presque aucun accès à la population locale et, dans le meilleur des cas, j'échangeais avec le milieu politique. Le quotidien des gens sur place est marqué par la pauvreté, la violence, la peur de l'arbitraire et de la corruption. C'est pourquoi l'horizon temporel et donc les possibilités de planification des gens sont à très brève échéance. Dans des contextes fragiles, il n'est guère possible de savoir ce qui sera cultivé dans les champs la saison prochaine ou si les enfants iront à l'école, vu l'incertitude générale.

Voilà quelques mois, vous avez mené une étude sur l'efficacité de la coopération internationale (CI) dans les États fragiles. Qu'est-ce qui vous a le plus surpris ?
La principale conclusion, à savoir que la CI n'a pas réussi à transformer les pays fragiles, ne m'a pas surpris. Elle confirme les résultats de nombreuses autres études. En revanche, la réception des résultats de ce travail — j’en ai souvent fait part dans l’intervalle — me surprend toujours. Chaque fois que je présente cette analyse, des personnes dans la salle en contestent l'évidence et mentionnent des projets individuels ayant pleinement réussi. C'est compréhensible, car nos résultats ébranlent fortement l'idée de l'efficacité de leur travail de plusieurs années. Mais l'immunité face à l'évidence est étonnamment grande.

Vous critiquez le fait que la coopération internationale n'ait pas réussi à transformer des pays fragiles. Ce « fiasco » n'est-il pas simplement imputable à des objectifs trop ambitieux ?
L'idée que nous pouvons transformer un pays comme l'Afghanistan en un Danemark grâce aux instruments de la CI est naïve. Le problème majeur réside dans le fait que nous le savions après 20 ans en Afghanistan et que nous avons pourtant continué comme avant. Je souhaite une discussion honnête sur ce que la CI peut ou ne peut pas faire, et dans quels contextes. Nous avons le droit de faire des erreurs, mais nous devons aussi en tirer les conclusions qui s’imposent.

Et qu’en pensent les scientifiques ?
Notre étude a montré que les investissements dans l'éducation, la santé et le développement rural, par exemple le soutien aux structures agricoles, sont tout à fait fructueux et profitent à la population locale. Mais il s'est également avéré que les progrès réalisés peuvent être réduits à néant en peu de temps en raison de la situation politique, économique et sociale. Cela ne signifie pas pour autant qu'aucun soutien ne doit être apporté.

Vous appelez à une discussion honnête sur les nouvelles stratégies dans les contextes fragiles, en commençant par reconnaître que la CI n'est pas un instrument efficace pour stabiliser un État fragile. Quels sont les instruments plus efficaces ?
Il est essentiel de comprendre quels instruments fonctionnent et lesquels sont inopérants dans quel contexte. Je pense qu'il est moralement défendable de dire que nous ne faisons pas de projets de démocratisation et de bonne gouvernance dans des contextes fragiles et que nous investissons plutôt les ressources dans l'aide humanitaire et la promotion de la résilience. Les projets axés sur les gens et qui ne visent pas la grande transformation du pays sont efficaces.

Avez-vous pu identifier dans votre étude des différences entre les divers pays donateurs ?
Tel n’était pas l'objet de notre étude. Mais j'ai l'impression que les petits donateurs neutres poursuivent moins d'intérêts politiques au travers de leur CI et sont en outre plus modestes. La DDC, par exemple, vise à atténuer la détresse et la souffrance humaine, à renforcer la résilience, à protéger les droits humains et à promouvoir la paix dans les contextes fragiles. Je trouve que c'est une exigence réaliste pour ce qui peut être atteint par la CI. Car la stabilisation d'un pays est un processus politique. Et elle ne peut pas être obtenue uniquement par la CI classique.

Quelle est l'importance de la collaboration directe avec la société civile pour la CI dans les États fragiles ?
Dans ces États, la collaboration directe avec le gouvernement est souvent inopportune et non pertinente. C'est pourquoi la collaboration avec des organisations locales de la société civile et surtout avec des communautés locales peut être particulièrement cruciale. Même si de tels programmes conduisent rarement à une plus grande sécurité ou à une plus grande légitimité du gouvernement, ils contribuent souvent à améliorer les conditions de vie, même dans ces contextes difficiles.

Nous entendons régulièrement la critique selon laquelle les fonds de développement dans les États autoritaires soutiennent les régimes et les maintiennent plus longtemps au pouvoir. Que dit la science à ce sujet ?
Face à cette critique, il faut absolument différencier la CI qui est fournie. Il est clair que cette opinion est tout à fait justifiée en cas d’aide budgétaire directe. De nombreux pays donateurs s'abstiennent toutefois d’apporter une aide budgétaire à des pays autoritaires et fragiles. Dans d'autres domaines, le lien n'est pas évident. Je ne vois aucune preuve que les régimes autoritaires soient soutenus par l'aide humanitaire et les projets de résilience. Il n'y a pas de lien avéré entre la stabilité d'un régime et le nombre de personnes qui meurent de faim. Et même si ce lien existait, l'impératif moral serait d'aider les gens.

De plus en plus d'organisations se retirent de pays comme l'Afghanistan, où la situation humanitaire actuelle est catastrophique. Si vous pouviez y concevoir le programme national d'une agence de développement, comment investiriez-vous les fonds pour une efficacité maximale ?
En principe, j'aborderais la question avec beaucoup de modestie, je mettrais l’accent sur les habitants du pays et je planifierais des programmes soutenus localement. J'investirais en priorité dans de petits projets d'infrastructure, dans la consolidation de la résilience, dans l'aide humanitaire, dans des projets de santé et d'éducation ainsi que dans la promotion de l'information et des médias. Je ne tarderais pas à faire savoir que je serai sur place à long terme et je mettrais en œuvre les projets de manière participative. À long terme, avec persévérance, à petite échelle, axé sur les gens, sans prétention transformatrice. Il s’agit en outre d’évaluer systématiquement si les projets et les programmes sont toujours adaptés au contexte ou s’il est par exemple possible de collaborer davantage avec le gouvernement qu'auparavant. Les partenariats à long terme et la flexibilité dans la mise en œuvre doivent être des préoccupations centrales.

L’efficacité de la coopération internationale n’est-elle pas déjà suffisamment mesurée ?
Généralement, les projets de coopération internationale font l'objet d'évaluations régulières. Mais le potentiel de la mesure de l'efficacité — le fait de dire ce que les projets et les programmes ont produit, même en dehors de leurs propres objectifs — est loin d'être épuisé. Ici, il convient notamment de développer la collaboration avec les milieux scientifiques.

Que proposez-vous concrètement ?
La mesure de l’efficacité devrait être planifiée et mise en œuvre au niveau transnational. Comme dans la méta-étude que j'ai pu publier dans le Rapport Coopération pour le développement 2023 de l’OCDE. Notre objectif serait de comparer 15 pays partenaires face à des défis différents. Cela offre une base de données solide pour analyser quels instruments fonctionnent ou non dans quels contextes et dans quelles conditions. Il faudrait répéter l’exercice tous les deux ans. Ce serait financièrement gérable.

Y-a-t-il des domaines de la coopération internationale dans lesquels l’efficacité est difficilement mesurable ?
Oui ! Par exemple les projets de promotion des médias et de renforcement des capacités (capacity building). On y investit beaucoup d'argent, mais il est difficile d'en mesurer les effets. Ce n'est pas un hasard si les projets de santé et de nutrition donnent des résultats clairs : ils sont faciles à évaluer. En revanche, il est par exemple complexe de mesurer l’efficacité d'une formation continue de deux ans pour les fonctionnaires afghans du ministère des finances, ce qui ne signifie pas pour autant qu'elle ne peut pas déployer d'effet.

Y-a-t-il des limites à partir desquelles l'accent mis sur la mesure des effets n'est plus opportun ?
Non, je ne pense pas. Dans chaque contexte et dans chaque projet, il est utile de savoir ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas.

Comme vous l'avez déjà mentionné, il est par exemple ardu de mesurer les effets des investissements dans le renforcement des capacités ou la promotion des médias. Si l'on se concentre trop unilatéralement sur la mesure de l'efficacité, ne risque-t-on pas de noyer ces domaines clés dans les programmes ?
Je répondrais par l’affirmative. C'est là que la méthode de « plausibilisation » est utile. Concrètement, en prenant l'exemple de l'aide aux médias, il deviendrait rapidement évident que l'accès à l'information et la formation de l'opinion favorisent une société ouverte et donc un développement positif. Une autre possibilité serait d'argumenter et de planifier sur la base de valeurs, tout en tenant compte des circonstances. Je considère que l'approche canadienne consistant à consacrer 90% des dépenses à des projets dans le domaine de l'égalité des genres et de l'autonomisation des femmes et des filles est inappropriée vu que les preuves empiriques montrent clairement que de tels projets n'ont aucun effet dans les États fragiles.

À quoi ressemblerait une CI basée uniquement sur des études d'efficacité et des connaissances scientifiques ?
Une telle focalisation ne suffit pas. En plus des études d'efficacité et des connaissances scientifiques, la probabilité de succès ou d'échec devrait aussi entrer dans la planification des projets et des programmes. Dans l'ensemble, la coopération internationale serait ainsi de moindre envergure, plus modeste, plus participative et plus durable. Les projets financièrement modestes permettent d'atteindre un grand nombre de personnes.

Dans quelle mesure l'aide peut-elle être efficace dans les États fragiles?

L'examen systématique par Christoph Zürcher de 315 évaluations individuelles de la coopération internationale pour l'Afghanistan, le Mali et le Soudan du Sud de 2008 à 2021 le montre sans ambiguïté : la coopération internationale n'a pas atteint plusieurs objectifs, que ce soit en termes de stabilisation (par exemple par la fourniture de services de base ou le développement de capacités de médiation et de résolution des conflits), de renforcement des capacités de l'État, de bonne gouvernance ou de renforcement du rôle des femmes. La conclusion majeure est que la coopération internationale n'est pas un instrument approprié pour appréhender les problèmes clés dans les contextes fragiles. Des résultats positifs issus de projets dans les domaines de l'éducation, de la santé et du développement rural sont cependant à signaler. À l’appui de ces résultats, Christoph Zürcher invite la communauté internationale à mener un débat honnête sur les objectifs et l'efficacité de la CI dans les contextes fragiles.

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Communiqué de presse

Les organisations de développement réclament plus de solidarité

30.11.2023, Coopération internationale

Le Conseil fédéral entend soutenir la reconstruction de l'Ukraine sur le dos des pays les plus pauvres, même si nombre de spécialistes, de cantons et de partis demandent un financement additionnel. Lancée aujourd’hui, une large campagne de la société civile exige un renforcement de la coopération au développement.

Les organisations de développement réclament plus de solidarité

Une analyse des réponses à la consultation sur la Stratégie de coopération internationale (CI) 2025-2028 montre que l'allocation de 1,5 milliard de francs à l'Ukraine proposée par le Conseil fédéral à partir du budget de la CI ne bénéficie d’aucun soutien. 93% des participants à la consultation qui se sont exprimés sur le financement de l'Ukraine écrivent explicitement que l'aide à ce pays doit être financée par des moyens additionnels et ne relevant pas du budget de la CI. Parmi eux figurent 5 partis sur 7 et 9 cantons sur 11. La Commission consultative de la coopération internationale du Conseil fédéral s'est aussi prononcée en ce sens. S’en tenir au 1,5 milliard financé par le budget de la CI revient donc à faire totalement fi de la consultation.

La Commission des finances du Conseil national est arrivée à la même conclusion. Elle recommande à son conseil de créer un fonds pour la reconstruction de l’Ukraine. Le montant mis à disposition doit être comptabilisé à titre extraordinaire et ne doit pas grever le budget ordinaire de la CI. Cette commission a correctement lu les signes du temps et fait appel aux instruments nécessaires. Nul ne conteste que la reconstruction de l'Ukraine exigera des moyens considérables et que la communauté internationale devra se montrer solidaire. La Suisse doit elle aussi apporter une contribution financière substantielle à la reconstruction de ce pays, mais cela ne doit pas se faire sur le dos des pays les plus démunis.

#SoyonsSolidairesMaintenant

« Covid — climat — guerre : et le Conseil fédéral presse le citron ! Dans le contexte des crises multiples actuelles, il ne faut pas économiser sur le dos des plus pauvres. Il faut épauler l’Ukraine en sus de la coopération au développement », martèle Andreas Missbach, directeur d'Alliance Sud. C'est pourquoi une large coalition d'organisations de la société civile et de personnalités du monde culturel et scientifique lance une campagne pour une coopération au développement forte.

La population est dès lors invitée à annoncer la couleur en envoyant un message personnel sur les médias sociaux. Il faut dès à présent davantage de solidarité avec les nombreuses personnes qui vivent dans l'extrême pauvreté et qui risquent d’être laissées pour compte. La Suisse doit enfin remplir l'objectif de l'ONU qu'elle a soutenu et consacrer 0,7% de son revenu national brut à la coopération au développement. Selon les plans du Conseil fédéral, ce taux plonge à 0,36%. Une honte !

Pour plus d’informations :

Andreas Missbach, directeur d’Alliance Sud, tél. 031 390 93 30, andreas.missbach@alliancesud.ch

 

Interview

La solidarité de la Suisse à l’épreuve

21.11.2023, Coopération internationale

Avec ses trois nouveaux livres, le professeur Jacques Forster met en lumière la double morale de la politique de développement des Etats. Il plaide pour plus de solidarité et de multilatéralisme – et ne comprend pas pourquoi la Confédération ne soutient plus le travail d’information et de sensibilisation des ONG.

Marco Fähndrich
Marco Fähndrich

Responsable de la communication et des médias

La solidarité de la Suisse à l’épreuve

Jacques Forster a enseigné pendant de nombreuses années à l'Institut de hautes études internationales et du développement de Genève (IHEID). Auparavant, il a travaillé dix ans pour la DDC, notamment en tant que responsable pour l'Amérique latine. Entre 1999 et 2007, il a été vice-président du Comité international de la Croix-Rouge.

© Alliance Sud

 

 

Dans votre nouvel ouvrage «Coopération Nord-Sud: la solidarité à l’épreuve», vous faites le point sur 100 ans de coopération internationale. Est-ce que cela a encore un sens aujourd'hui de parler de « Sud » et de « Nord » ?

Ça dépend de la perspective. D’un coté ce n’est plus pertinent car l’objectif initial de la coopération – que les pays pauvres rattrapent économiquement les pays riches «développés » – n’est plus crédible du tout. Les pays du « Nord » ont eux-mêmes de gros problèmes de développement. Il faudrait donc plutôt parler de «monde en développement ». Mais un des éléments qui a provoqué le démarrage de l’aide au développement après la deuxième guerre mondiale subsiste : les inégalités. Ici le concept de « Nord et Sud » reste pertinent et rappelle qu’il faut se concentrer sur la pauvreté, ce qui actuellement n’est pas suffisamment le cas car l’aide aux pays les plus pauvres stagne.

Aujourd’hui, les organisations internationales sont affaiblies par les intérêts nationaux. Que devrait faire un État solidaire ?

En effet, les Etats montrent toujours moins d’intérêt pour la coopération internationale. Pour renforcer à court terme la coopération multilatérale, il suffirait de transformer les contributions affectées (earmarked) aux organisations internationales en contributions non-affectées dont elles peuvent disposer librement dans le cadre de leurs objectifs. Ceci ne coûterait pas un centime de plus aux pays donateurs et permettrait à ces organisations de mettre en œuvre plus efficacement leur stratégie globale.

Un pays riche comme la Suisse ne devrait-il pas mettre davantage de moyens à disposition ?

Pour un pays qui évoque constamment l’importance de la « Genève internationale » et sa tradition humanitaire, la Suisse en fait trop peu : la part de son aide multilatérale dans son aide au développement est inférieure à celle de la moyenne des pays membres du CAD / OCDE.

Est-ce qu’il ne faudrait pas aussi revoir la définition même de l’aide publique au développement ?

Certainement, car pour accroître le volume de l’aide publique, le CAD a allongé la liste de ce qui peut être comptabilisé dans l’aide au développement : par exemple les frais de gestion de l‘aide dans les pays donateurs eux-mêmes, ou certains coûts liés à l’accueil des requérants d’asile dans ces pays. Il faudrait que cette redéfinition se fasse dans le cadre de l’ONU car on ne peut imaginer aujourd’hui que seuls les pays donateurs membres du CAD révisent cette définition. Il faudrait que les pays du Sud qui fournissent de l’aide au développement (par exemple la Chine, le Brésil, les pays arabes exportateurs de pétrole et de gaz) participent aussi à cet exercice, ainsi que des représentants des pays receveurs d'aide et des ONG.

Avec le projet de stratégie 2025-2028 pour sa coopération internationale, l’APD de la Suisse pourrait atteindre son niveau le plus bas depuis 10 ans : 0,36% au lieu de 0,7% du revenu national brut comme décidé dans le cadre de l'ONU. Comment jugez-vous cette nouvelle stratégie ?

Est-ce une nouvelle stratégie ? Il y manque la prise en compte qu’on est dans une situation de crise. Et la priorité aux pays et groupes de populations les plus défavorisés qui figure dans la loi n’est pas  respectée. Par exemple en 2021 l’aide de la Suisse au pays les moins avancés (PMA) n’atteignait pas l'objectif de 0.2% du revenu national brut recommandé par les Nations Unies.

Est-ce une décision politique du Département fédéral des affaires étrangères ou un échec collectif qui révèle le véritable manque de solidarité de la Suisse ?

J’ai fait il y a des années une recherche sur l’aide de six petits pays d’Europe occidentale : d’une part le Danemark, la Norvège et la Suède; d’autre part, l’Autriche, la Finlande et la Suisse. Les six se sont lancés dans la coopération au même moment, mais le volume de l’aide a augmenté beaucoup plus fortement dans les trois premiers que dans les trois autres. Mon explication était que les pays qui avaient fortement accru leur aide étaient ceux dans lesquels la solidarité nationale était la plus forte et qu’un lien y avait été établi avec la solidarité internationale. Malgré des interdépendances croissantes, la Confédération ne l’a toujours pas compris.

Avez-vous une idée de la raison pour laquelle il en est ainsi ?

La Suisse profite de la mondialisation économique mais s’engage moins dans la gestion internationale d’autres défis mondiaux.

Pourtant, la politique étrangère suisse ne cesse d'invoquer sa tradition humanitaire. Pourquoi ce mythe est-il toujours aussi tenace ?

Il y a deux sources : d’abord Henry Dunant, qui a joué un rôle important pour lancer un mouvement humanitaire international. Un autre élément est la neutralité, qui est aussi un principe de l’action humanitaire. On est donc attachés à l’image de la Suisse que projette l’aide humanitaire. Même l’UDC, qui critique la coopération au développement, ne la conteste pas. Quant à la neutralité, elle mériterait sans doute d’être réexaminée à la lumière des changement profonds qui affectent le monde et les relations internationales.

A la fin de votre trilogie, vous soulignez le rôle important des ONG. Dans quelle mesure peuvent-elles faire la différence dans un monde de plus en plus dominé par des acteurs et des intérêts économiques ?

Les ONG jouent un rôle très important non seulement pour leurs programmes dans les pays du Sud, mais aussi au niveau politique. Ce sont elles qui, avec d’autres organisations de la société civile, s’engagent publiquement et sans relâche pour la défense de valeurs essentielles, comme les droits humains. Des coalitions d’ONG dans le reste du monde partagent les mêmes valeurs. C'est pourquoi je ne comprends pas que les autorités suisses leur mettent les bâtons dans les roues et que la DDC ne permette plus que les contributions aux programmes soutiennent également des activités d’information et de sensibilisation en Suisse. Celles-ci seraient justement essentielles pour une meilleure compréhension du Sud global par la population. Et la DDC en profiterait également.

Avez-vous malgré tout des raisons d'espérer ?

Certainement.  Je suis impressionné et encouragé par l’engagement des jeunes générations qui ont le mieux compris l’urgence d’aller vers une société mondiale plus durable, donc plus équitable.  Il faut que les décideurs d’aujourd’hui les entendent.

 

 Les trois livres de Jacques Forster sont parus aux Editions Livreo-Alphil, Neuchâtel. Un quatrième livre est en projet sur le thème des « États fragiles et communautés vulnérables ».

 

Lettre ouverte

ONGs en Israël/Paléstine : lettre ouverte au Conseil fédéral

17.11.2023, Coopération internationale, Financement du développement

Dans une lettre ouverte, des ONG suisses, dont Alliance Sud, demandent au Conseil fédéral de faire preuve d'une transparnce totale sur les raisons qui l'ont poussé à suspendre le financement de onze organisations partenaires de longue date du DFAE en Israël/Palestine.

Laura Ebneter
Laura Ebneter

Experte en coopération internationale

ONGs en Israël/Paléstine : lettre ouverte au Conseil fédéral

Opinion

Le combat pour la justice continue

02.10.2023,

Un journaliste et observateur des droits humains de Nyala, Darfour, raconte la destruction de sa ville natale. « Nous devons continuer à faire entendre notre voix », écrit Ahmed Gouja.

Le combat pour la justice continue

En 2021, de nombreux déplacés internes à Nyala ont commencé à se réinstaller dans des villages voisins. Mais le conflit sanglant des derniers mois au Soudan a contraint ces femmes à fuir à nouveau.
© Ala Kheir

Des semaines durant, les explosions et les tirs ont secoué notre quartier ; nous nous sommes terrés dans nos maisons et les enfants se sont cachés sous les lits. Puis l'inévitable s'est produit : un obus a transpercé le mince toit de tôle de notre maison.
Mon neveu Muhanad, âgé de huit ans, était assis sur les genoux de sa mère lorsque l’obus est tombé presque sans bruit dans notre séjour. Il l'a touché à la tête et l'a blessé si gravement qu'il a failli mourir. Des histoires comme celle-ci sont monnaie courante dans ma ville natale de Nyala, la plus grande cité de la région soudanaise du Darfour. Comme une grande partie du Darfour, elle a été détruite par la guerre qui a éclaté en avril entre l'armée et les Forces paramilitaires de soutien rapides (FSR).

Journaliste et militant des droits de l'homme, j'ai passé des années à informer sur le conflit au Darfour. Mais rien ne pouvait me préparer à ce que je ressentirais en voyant ma ville pillée, mes proches et amis tués, mes voisins perdre leur travail et mourir peu à peu de faim. J'ai appris que la guerre n'est pas seulement synonyme de mort et de destruction. Elle a aussi des répercussions sur notre conscience d'agir : elle nous donne un sentiment d'impuissance, l’impression de ne rien pouvoir faire pour améliorer les choses.

Lorsque mon neveu a été blessé par l’obus, nous l'avons emmené dans un hôpital de la région et avons constaté que tous les médecins avaient fui. Il n'y avait même pas de lit pour lui. Nous sommes restés assis pendant des heures avec des pansements, essayant d'arrêter l'hémorragie. Nous nous sentions totalement impuissants. Plus tard, ce même jour, nous avons gagné l'un des rares hôpitaux privés encore ouverts. L'opération a coûté des milliers de dollars. Nous avons pu réunir cette somme ; d'autres familles accourues avec des proches mourants n'ont pas eu cette chance.

Oncle décédé, voisin battu à mort

Je suis né en 1985, quelques années seulement avant que notre ancien président autocratique, Omar al-Bashir, ne prenne le pouvoir suite à un coup d'État militaire. Il s'est maintenu à la tête de l’État pendant trois décennies et a terrorisé les Darfouris pendant son mandat. En 2003, lorsque la guerre a éclaté au Darfour, j'étais à l'école secondaire. Des rebelles, pour la plupart d'origine non arabe, protestaient contre leur marginalisation et s'opposaient au gouvernement d'al-Bashir. Celui-ci a réagi en armant la milice arabe du Darfour, connue sous le nom de Janjawid, qui a chassé des millions de personnes non arabes du Darfour et s'est ensuite approprié leurs terres. Plus tard, la milice a pris le nom de Forces de soutien rapide, le groupe paramilitaire qui lutte aujourd'hui contre les élites de l'armée qui l'ont elle-même créée.

La guerre actuelle a éclaté à Khartoum, mais s'est rapidement étendue au Darfour. Dans certaines zones, les FSR et les milices arabes alliées lancent des attaques contre la population non arabe, poursuivant ainsi ce qui a débuté voilà 20 ans. Dans des villes comme Nyala, en revanche, elles se battent principalement contre l'armée. Les premières semaines du conflit à Nyala ont été les plus terribles. Enterrer des proches est devenu une triste occupation quotidienne pour les habitants. Les tirs d'artillerie de l'armée étaient incessants. Puis vint la nouvelle qu'une connaissance avait été découpée en morceaux.

La milice des motards et les marchés illégaux

Au cours de ces premières semaines, j'ai souvent vu des adultes venus de nulle part s'effondrer et pleurer. Nous, nous étions certains que nous allions mourir, que nous n'avions aucune chance de survivre. Et comme si la peur d'être touché par un obus ou d'être pris dans des tirs croisés ne suffisait pas, nous avons dû faire face à une autre horreur : une milice arabe en civil, alliée aux FSR, qui fait le tour de la ville à moto et la met à sac. Cette milice rappelle le conflit du Darfour de 2003 : à l'époque, des combattants janjawids à cheval avaient attaqué des villages et emporté le bétail et les objets ménagers. La différence avec aujourd'hui, c'est que la milice prend pour cible les grandes villes.

À Nyala, la destruction est partout : la milice et les combattants des FSR ont pillé les ministères, vidé les hôpitaux, les marchés, les magasins et les maisons des habitants ainsi que les bureaux des organisations humanitaires internationales.
Les dortoirs d'une école pour orphelins à Nyala ont été détruits, tout comme un centre de formation professionnelle qui transmet des compétences artisanales à une nouvelle génération de jeunes de la région. Un grand entrepôt de médicaments, dans lequel étaient stockées des provisions pour les habitants de l’ensemble du Darfour, a également été victime des raids. Une presse qui servait à imprimer les livres pour les élèves du primaire et du secondaire dans toute la région a été dérobée dans le bâtiment du Ministère de l'éducation.

Certains civils ont commencé à s'armer pour se protéger des pillages, tandis que d'autres y ont tristement pris part eux-mêmes. Après que les miliciens eurent emporté les objets de valeur, les civils se sont mis à démolir le reste : meubles, tables, livres et même les toits des bâtiments. Très vite, les biens volés ont resurgi sur les marchés illégaux des zones contrôlées par les FSR, avec des armes et de la drogue.

Pénurie alimentaire et souffrance des femmes et des filles

En raison de la présence des milices, les commerçants se sont vus contraints de retirer leurs marchandises des magasins et des marchés et de les stocker dans leurs maisons cadenassées. Il est donc devenu toujours plus difficile de trouver de la nourriture en ville ; les prix de celle-ci ont grimpé en flèche. La nourriture en provenance de Khartoum, notre principale source d'approvisionnement, ne nous est plus parvenue vu l'intensification des combats dans cette ville. Les commerçants font venir des marchandises des pays voisins, le Soudan du Sud et la Libye, mais le piètre état des routes et l'insécurité rendent l'opération difficile. Dans ma famille, nous ne prenons régulièrement qu'un seul repas par jour, le plus souvent à midi. Nous dépendons de la générosité de mes frères, qui nous envoient de l'argent depuis l'Arabie saoudite.

La situation humanitaire des personnes qui vivent dans les immenses camps de déplacés à la périphérie de Nyala est encore pire. Ces camps abritent les victimes du conflit du début des années 2000 et sont le visage caché de la crise humanitaire actuelle. Beaucoup de ces personnes déplacées dépendent de l'aide humanitaire internationale — qui a été suspendue au Darfour — et du travail quotidien à Nyala, soit au marché, soit dans les maisons et les commerces des habitants de la ville. Les femmes et les filles sont particulièrement affectées par le conflit. Selon mes sources, certaines d'entre elles sont détenues dans des entrepôts et des hôtels par des membres des FSR et de la milice, qui abusent d'elles sexuellement.

L’esprit combattif de la population

En tant que journaliste qui, dans une telle situation, reçoit d'innombrables informations via WhatsApp, la chose la plus constructive à faire est d'attirer l'attention sur notre situation sur les médias sociaux. D'autres ont concentré leurs efforts sur l'aide aux personnes dans le besoin. Dans mon quartier, un groupe distribue de la soupe, tandis qu'un autre a mis en place des points de contrôle civils dans le voisinage pour limiter les mouvements des bandes de motards.

Entre-temps, les responsables communautaires d'un des camps installés au début des années 2000 ont organisé une initiative locale visant à retrouver les médicaments pillés et à les restituer à l'un des plus grands hôpitaux de Nyala. Il est poignant de voir comment des personnes en prise aux pires difficultés épaulent les autres. Au début du conflit, un comité d’armistice a également été institué pour coordonner les efforts des responsables communautaires et des autorités. Ensemble, ils tentent de faire office de médiateurs entre les unités locales de l'armée et des FSR et demandent la cessation des hostilités. Des comités semblables ont été créés dans d'autres régions du Darfour, ce qui souligne la détermination de la population à s'opposer à un conflit entre deux parties qui ne sont soutenues que par quelques civils. Dans un premier temps, le comité d’armistice de Nyala a enregistré un succès : il a pu négocier une interruption du conflit pour l'Aïd al-Fitr, à la fin du ramadan. Mais après l'Aïd, la guerre a continué.

La paix passe par la justice

Pour l'instant, il est difficile de voir la lumière au bout du tunnel. Les FSR ont pris le contrôle de presque tout Nyala et d'une grande partie du reste du Darfour, même si l'armée est toujours retranchée dans certaines bases et que les affrontements sont fréquents. Certains semblent croire que le chef des FSR, Mohamed Hamdan Dagalo « Hemedti », va reconstruire et développer le Darfour. Je leur dis qu'une milice qui détruit les bibliothèques, les écoles et les hôpitaux n'apportera pas la démocratie.
Ce dont nous avons le plus besoin en ce moment, c'est d'une aide humanitaire. Les organisations humanitaires internationales jugent toutefois la situation au Darfour trop dangereuse pour y intervenir. Mais j’ai pu observer des guerres dans d'autres pays, comme l'Ukraine, où elles travaillent dans des conditions encore plus délicates. Pourquoi ne serait-ce pas possible ici ?

Les acteurs internationaux doivent en outre reconnaître que la paix passe par la justice. Cette crise ne se terminera pas par des négociations et la signature de documents par les militaires. La fin de la pluie de balles ne nous rendra pas nos proches. Nous avons besoin de réparation et de la fin de l'impunité. Enfin, en tant que Darfouris, nous devons continuer à faire entendre notre voix. Les hommes en armes parlent plus fort que nous pour le moment, mais nous aussi pouvons et devons élever la voix et faire savoir au monde ce qui se passe réellement.

War has destroyed my Darfur town – but I will keep fighting for justice

Édité par Philip Kleinfeld, raccourci et traduit par Alliance Sud.

Ce témoignage a été financé par le fonds H2H du réseau H2H soutenu par l'aide britannique au développement. Ce témoignage a été publié en août par « The New Humanitarian », une organisation qui met un journalisme indépendant de qualité au service des millions de personnes touchées par les crises humanitaires dans le monde. On consultera le site www.thenewhumanitarian.org pour un complément d’information. « The New Humanitarian »  décline toute responsabilité quant à l'exactitude de la traduction.

Analyse

Faits et mythes

03.11.2023, Coopération internationale

De nombreuses études et évaluations montrent que la coopération internationale a remporté des succès probants et bénéficie d'un large soutien au sein de la population suisse. Pourtant, certains détracteurs de la CI continuent à se faire entendre dans l'opinion publique. Alliance Sud a examiné les mythes courants autour de la CI et en débat de manière nuancée dans une nouvelle analyse.

 

Laura Ebneter
Laura Ebneter

Experte en coopération internationale

Opinion

Une armée qui crie famine et des faits fragiles

03.10.2023, Coopération internationale

Seule une armée forte peut-elle aider dans des contextes fragiles ? Des recherches solides montrent que la coopération au développement peut jouer un rôle important même dans un contexte extraordinairement difficile, écrit Andreas Missbach.

Une armée qui crie famine et des faits fragiles

© Ala Kheir

La direction de la DDC organise une conférence de presse dans un lieu symbolique. Elle y explique avec force détails pourquoi, face aux crises à répétition et à la pauvreté croissante, la Suisse doit de toute urgence consacrer davantage de moyens à la coopération internationale (CI). Et ce, même si le Conseil fédéral a déjà décidé que la CI serait réduite en 2024 et que sa croissance serait ensuite nulle en termes réels.

Impensable en Suisse ? Non, car c'est précisément ce qui s'est produit en août avec d’autres personnes et dans d'autres dimensions. Le chef de l'armée Thomas Süssli a demandé un accroissement du budget militaire à 1% des dépenses publiques d'ici 2030. Et ce, même si le Conseil fédéral a déjà décidé, avec la planification financière, de ne vouloir atteindre la valeur cible souhaitée par le Parlement qu'en 2035. La NZZ a qualifié cette décision de « refus d’obtempérer », mais on souhaiterait que la direction de la DDC fasse preuve d'autant de courage et d'esprit combatif.

À propos d'armées : suite au coup d'État au Niger, de très nombreuses colonnes de commentaires ont présenté « l'Afrique » comme le continent des renversements et des démocraties en déroute. Via le site de microblogging X, l’économiste sénégalais du développement Ndongo Samba Sylla a remis les faits à leur place : « L’apogée des coups d'État réussis sur le continent se situait entre 1970 et 1979, puis entre 1990 et 1999, avec 36 coups d'État par décennie. Depuis, ils sont en net recul. La majorité des pays africains n'a jamais connu de renversement violent depuis 1990, un tiers n'en a jamais connu depuis l'indépendance.

La multiplication récente des coups d'État militaires dans les pays du Sahel (et non pas dans toute l'Afrique) s'explique, à une exception près (le Soudan), par deux facteurs communs à tous les coups d'État ayant abouti. Premièrement, ils ont pour cadre d'anciennes colonies françaises qui, deuxièmement, sont marquées par une présence militaire étrangère pour des raisons géopolitiques (pour le Gabon, on pourrait ajouter « ou colonies françaises exploitées par des groupes pétroliers européens »). C'est pourquoi Ndongo Samba Sylla parle d'une « crise de l'impérialisme français » plutôt que d'une crise de la démocratie.

Bien sûr, des événements comme ceux du Niger alimentent également le débat sur le sens de la coopération au développement dans les États fragiles. L'utilité de la CI est fondamentalement remise en question, que ce soit avant un coup d'État (« la CI n'a pas apporté de démocratie stable aux pays ») ou après (« qu'est-ce que vous y faites encore ? »). Des questions complexes, sans nul doute, qui occuperont Alliance Sud lors du débat parlementaire sur le message sur la CI.

Mais là encore, des faits s'imposent. Et le professeur Christoph Zürcher de la Graduate School of Public and International Affairs de l'université d'Ottawa est à même d’en produire. Il a réalisé un examen systématique de 315 évaluations individuelles de la coopération internationale pour l'Afghanistan, le Mali et le Soudan du Sud de 2008 à 2021. Cette étude suggère que la CI ne peut pas stabiliser ou pacifier les États dans le contexte de conflits militaires et d'intérêts géopolitiques. Mais elle indique aussi que les investissements dans l'éducation, la santé et le développement rural, par exemple le soutien aux structures agricoles, sont couronnés de succès et bénéficient à la population locale. Conclusion de l’étude : les projets axés sur les populations et qui ne visent pas la grande transformation du pays sont efficaces.

Lire l'entretien avec Christoph Zürcher.

Communiqué

Nouvelle stratégie sans vision d’avenir

12.09.2023, Coopération internationale

Alliance Sud critique les plans du Conseil fédéral relatifs à la nouvelle orientation de la Coopération internationale 2025-2028. Le cadre financier, en particulier, a des conséquences dramatiques pour le Sud global.

Laura Ebneter
Laura Ebneter

Experte en coopération internationale

+41 31 390 93 32 laura.ebneter@alliancesud.ch
Nouvelle stratégie sans vision d’avenir

© Nelly Georgina Quijano Duarte / Climate Visuals

Des crises multiples et les conséquences de la guerre d'agression contre l'Ukraine ont entraîné de graves reculs dans la lutte contre la pauvreté et une augmentation des inégalités mondiales. La réalisation des objectifs de l'Agenda 2030 s'éloigne toujours davantage. C'est pourquoi l'intention du Conseil fédéral de puiser dans les fonds consacrés à la CI les ressources financières dont l'Ukraine a urgemment besoin pour sa reconstruction est tout à fait incompréhensible. Cela conduit à une diminution des fonds disponibles pour le Sud global frappé par les crises.

« Une coopération internationale efficace et suffisamment dotée financièrement est plus urgente que jamais. Une situation extraordinaire comme la guerre en Ukraine réclame des moyens extraordinaires ; les populations du Sud global ne doivent pas en payer la facture », tonne Andreas Missbach, directeur d'Alliance Sud, le centre de compétence suisse pour la coopération internationale et la politique de développement.

L'effondrement prévu de l’aide publique au développement à 0,36 % du revenu national brut est également dramatique. « Un taux aussi bas — la moitié de l'objectif convenu au niveau international et le niveau le plus bas depuis une décennie — est absolument inacceptable et indigne d'un pays riche comme la Suisse », poursuit Missbach.

Renforcer la coopération avec la société civile

Sur le plan du contenu, la stratégie mise sur la continuité, mais manque d’ancrer les débats internationaux au niveau national. Aucune référence n’est par exemple faite à la prise en compte des principes d’efficacité de la coopération au développement reconnus au niveau international, pas plus qu’il n’est fait concrètement mention de la localisation de la coopération, qui fait l'objet de débats cruciaux au sein du Comité d'aide au développement (CAD) de l'OCDE.

« Il serait pourtant essentiel de tenir compte de ces aspects, car dans de nombreux pays, l'engagement de la société civile fait face à une répression croissante du fait du démantèlement des structures démocratique », explique Laura Ebneter, experte en coopération internationale. Pour promouvoir des institutions et des processus participatifs et démocratiques, les droits humains et la paix ainsi que la lutte contre l'injustice et la corruption, la collaboration avec la société civile est essentielle et doit être renforcée.

Réponse d’Alliance Sud à la consultation

Pour de plus amples informations :
Laura Ebneter, experte en coopération internationale, Alliance Sud, tél. +41 31 390 93 32, laura.ebneter@alliancesud.ch

Isolda Agazzi, responsable média Suisse romande, Alliance Sud, tél. 022 901 07 82, isolda.agazzi@alliancesud.ch

La coopération internationale de la Suisse est efficace

De nombreuses études et évaluations montrent que la coopération internationale a remporté des succès probants et bénéficie d'un large soutien au sein de la population suisse. Pourtant, certains détracteurs de la CI continuent à se faire entendre dans l'opinion publique. Alliance Sud a examiné les mythes courants autour de la CI et en débat de manière nuancée dans une nouvelle analyse.

Faits et mythes au sujet de la coopération au développement

Communiqué

Aide à l’Ukraine : le Centre rate le coche

27.09.2023, Coopération internationale

La Suisse doit évidemment soutenir davantage l'Ukraine, mais ce soutien ne doit pas se faire sur le dos du Sud global. Le Conseil national joue la montre sur cette question urgente au lieu de mettre les choses au clair.

Aide à l’Ukraine : le Centre rate le coche

© RainerSturm / pixelio.de
Symbolbild

Le Conseil fédéral entend consacrer au moins 1,5 milliard de francs à l'Ukraine sur les crédits-cadres pour la coopération internationale 2025 — 2028. Les réponses à la consultation sur la stratégie de coopération internationale (SCI) 2025 — 2028 ont montré qu'un soutien solidaire à l'Ukraine était réclamé jusque loin au Centre. Aujourd'hui, le Conseil national a manqué l'occasion de joindre le geste à la parole. Il a débattu de trois motions similaires, du Centre, du PVL et du PS, qui chargent le Conseil fédéral de proposer au Parlement, par le biais de dépenses extraordinaires, une contribution à l'aide humanitaire en faveur de l'Ukraine.

La transmission de ces motions à la commission compétente fait que les mettre en veilleuse. La majorité parlementaire agit ainsi avec l'aide humanitaire exactement de la même manière que le Conseil fédéral le fait avec la reconstruction, pour laquelle un concept de financement se fait également attendre depuis longtemps.

La position du Centre sur cette question est tout à fait schizophrène. Dans sa réponse à la consultation sur le message relatif à la SCI, il demande la même chose que les motions, à savoir que les dépenses supplémentaires en faveur de l'Ukraine soient présentées et demandées séparément, et insiste pour que les crédits d'engagement de la SCI en question ne soient pas réduits pour autant.

« Manifestement, la majorité du Centre n'a pas souhaité faire preuve de transparence avant les élections et montrer qu’il tenait parole. Lors du traitement des motions en commission et lors du traitement du message relatif à la SCI l'année prochaine, le Centre doit s'assurer que l'aide à l'Ukraine ne se fasse pas au détriment du Sud global », déclare Andreas Missbach, directeur d'Alliance Sud, le centre de compétence suisse pour la coopération internationale et la politique de développement. « Cela va à l'encontre de la tradition humanitaire de la Suisse et, du point de vue du Centre, ne peut pas être dans l'intérêt du pays à long terme », comme il l’écrit lui-même dans sa réponse à la consultation.

Plus d’informations :
Andreas Missbach, directeur d’Alliance Sud, tél. +41 31 390 93 30, andreas.missbach@alliancesud.ch

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© Screenshot Alliance Sud, eigene Markierung

Die Mitte predigt in ihrer Vernehmlassungsantwort Solidarität und Kohärenz, setzt aber im Parlament auf Passivität wie der Bundesrat.